La société israélienne devient plus religieuse

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La dimension générationnelle est décisive. L’enquête souligne un renversement par rapport aux tendances européennes : la religiosité progresse surtout chez les 18–34 ans. 76 % d’entre eux déclarent que D’ joue un rôle important dans leur vie (contre 51 % des 55 ans et plus) ; 71 % croient au paradis (contre 32 %), et 59 % à la venue du Messie (contre 27 %). Autrement dit, l’avenir démographique du pays porte une montée de la foi qui irrigue déjà la culture, l’éducation et la conversation publique.

Ce mouvement n’émerge pas dans le vide. Depuis le 7 octobre, plusieurs études indiquent un rapprochement d’une partie des Israéliens avec la religion et la spiritualité. Sur les campus comme dans les grandes villes, on observe une hausse des pratiques (prière, étude, rituels), un retour au sens et une revalorisation des repères identitaires. En miroir, les débats sur la séparation religion-État se tendent périodiquement, signe d’une société qui redéfinit son équilibre entre universel démocratique et particularisme juif.

Cette recomposition touche aussi la grille de lecture des enjeux stratégiques. Si une partie de la population continue d’analyser la sécurité d’Israël avec des outils strictement politiques ou militaires, une autre assume davantage une vision historico-religieuse du destin national. C’est visible dans les sondages sur la souveraineté, la paix ou l’éducation, où l’argument de la continuité juive revient en force, sans pour autant effacer la demande de libertés et de droits. Les catégories classiques — « laïque », « traditionnel », « religieux », « ‘harédi » — s’entrecroisent désormais avec des parcours biographiques plus fluides, où l’on peut être culturellement moderniste et rituellement observant.

Les critiques existent et doivent être entendues. Certains éditorialistes redoutent une polarisation : tentation de la vengeance, kahanisme marginal mais bruyant. D’autres, à l’inverse, rappellent que la foi a nourri la résilience d’Israël, le lien social en temps de guerre et l’éthique de responsabilité personnelle, y compris dans l’armée, la médecine ou l’action sociale. Dans la pratique, l’État arbore une réalité plurielle : un haut niveau d’adhésion à l’idée de liberté de religion, une laïcité d’aménagements, et une scène publique où les voix religieuses et laïques se co-définissent.

Ce réarmement spirituel se voit dans les institutions : plus d’initiatives éducatives autour du patrimoine juif, une dynamique d’études (Yechivoth, midrachoth, universités) qui coopèrent avec des centres de recherche appliquée, et un intérêt croissant des jeunes pour des filières mêlant éthique, technologie et sécurité. La tension productive du pays — entreprenariat, science, défense — se nourrit d’une matrice culturelle où la transcendance retrouve droit de cité sans évincer l’exigence critique.

En termes politiques, la donnée à surveiller est la durabilité de cette tendance chez les jeunes : s’agit-il d’un pic conjoncturel lié à la guerre et à l’insécurité, ou d’une reconfiguration durable des valeurs ? Si l’on en juge par l’intensité des pratiques et l’inscription dans des réseaux (communautaires, éducatifs, associatifs), la seconde hypothèse gagne en crédibilité. Cela rejaillira sur les coalitions et sur les compromis à définir entre normes religieuses et cadre civique.

Jforum.fr – Photo : Kécher yehoudi

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