Les policiers européens coopèrent-t-ils avec les ennemis d’Israël ?

0
56
Basée à Bruxelles et créée en 2024, la Fondation Hind Rajab s’est fait connaître en utilisant une arme très particulière : le droit pénal international. Elle revendique l’envoi aux autorités de plusieurs pays – et à la Cour pénale internationale à La Haye – des noms de plus de 1 000 soldats israéliens, en s’appuyant notamment sur leurs propres publications sur les réseaux sociaux. Selon ses communiqués, des plaintes ont déjà conduit à l’ouverture de procédures au Brésil, en Belgique, en Tchéquie ou encore dans d’autres États européens, parfois jusqu’à l’arrestation et l’interrogatoire de réservistes israéliens de passage à l’étranger.

Lors d’une conférence organisée le 25 octobre, un représentant de la fondation s’est même félicité d’avoir entamé une « coopération étroite » avec Europol pour contribuer aux enquêtes sur les crimes de guerre au sein de l’Union. Alerté, l’institut de recherche NGO Monitor a demandé à l’agence européenne si ces propos reflétaient une réalité opérationnelle. Dans sa réponse, Europol a bien confirmé avoir été en contact avec la fondation au sujet de ses démarches visant l’arrestation de soldats israéliens en Europe, tout en se retranchant derrière des « mesures de diligence raisonnable » dont la nature n’a pas été détaillée.

C’est ici que le dossier devient explosif. Le président de la Fondation Hind Rajab, le militant belgo-libanais Dyab Abou Jahjah, est présenté par plusieurs rapports comme un ancien opérateur du Hezbollah. Il a lui-même reconnu par le passé avoir reçu une formation militaire et avoir combattu aux côtés du mouvement chiite contre Israël, tout en affirmant publiquement que le Hezbollah n’est pas une organisation terroriste. Il a aussi été licencié d’un grand quotidien belge après avoir salué un attentat meurtrier contre des soldats israéliens à Jérusalem (JNS.org).

Or, l’Union européenne a inscrit depuis 2013 la branche armée du Hezbollah sur sa liste officielle des organisations terroristes. Pour de nombreux juristes et experts de la sécurité, voir une agence européenne de police dialoguer avec une structure dirigée par une figure ouvertement proche de ce mouvement soulève une question simple : où passe la ligne rouge ?

Le malaise est d’autant plus grand qu’Europol entretient en parallèle une coopération formelle avec l’État d’Israël. Depuis 2018, un accord permet déjà l’échange d’informations stratégiques entre l’agence et les autorités israéliennes, même si un projet d’accord plus poussé – incluant des données personnelles dans la lutte contre le crime grave et le terrorisme – a été gelé par certains États membres. En d’autres termes, l’Europe coopère avec Israël pour lutter contre le terrorisme, tout en ouvrant simultanément la porte à une organisation qui consacre l’essentiel de son activité à poursuivre des Israéliens.

L’influence de la Fondation Hind Rajab ne se limite pas aux prétoires. Elle revendique également un rôle dans la décision controversée ayant conduit à l’exclusion des supporters du Maccabi Tel-Aviv lors du match d’Europa League face à Aston Villa, début novembre, à Birmingham. Dans un communiqué, la fondation s’est félicitée que son rapport « Game Over Israel », décrivant le football israélien comme un vecteur de « génocide », ait été transmis aux autorités sportives et policières britanniques peu avant l’interdiction faite aux fans israéliens de se rendre au stade.

Cette interdiction, justifiée officiellement par des « raisons de sécurité », a été critiquée au Royaume-Uni jusque dans les rangs du gouvernement, certains responsables dénonçant un signal dangereux envoyé aux communautés juives. Le fait qu’une organisation militante, engagée dans une campagne radicale de délégitimation d’Israël, revendique un rôle dans ce type de décision nourrit l’idée d’une porosité croissante entre activisme politique et choix opérationnels des forces de l’ordre.

Pour Israël et pour une partie de l’opinion européenne, l’affaire Hind Rajab–Europol est donc plus qu’une querelle technique entre juristes. Elle met en lumière un glissement préoccupant : des outils conçus pour traquer les criminels de guerre risquent d’être instrumentalisés par des acteurs proches de mouvements désignés comme terroristes, afin de harceler des soldats ou des civils israéliens à l’étranger. Sans remettre en cause le principe de la lutte contre les véritables crimes de guerre, beaucoup estiment qu’il appartient désormais à l’Union européenne de clarifier le cadre de ses coopérations et de s’assurer qu’aucune agence ne contribue, même indirectement, à légitimer les relais d’organisations ennemies d’un État allié.

Jforum.fr

Aucun commentaire

Laisser un commentaire