La visite officielle du prince héritier saoudien à Washington, et les accords sécuritaires et économiques qui y ont été signés, illustrent l’importance de l’Arabie saoudite et de Mohammed ben Salman comme piliers centraux de la politique américaine au Moyen-Orient.
Ma’ariv – Dr Anat Hochberg-Marom
Lors de leur rencontre à la Maison-Blanche, les deux dirigeants ont signé une série d’accords sécuritaires, dont un accord de défense stratégique visant à approfondir le partenariat militaire et à renforcer la dissuasion régionale, notamment par la fourniture d’avions F-35 à l’Arabie saoudite.
La visite a été accompagnée de discussions sur l’élargissement des coopérations économiques et sur l’accroissement de l’interdépendance entre les deux pays – un élément essentiel pour maintenir la stabilité régionale, en particulier compte tenu de leur implication dans la fin des combats à Gaza et dans la reconstruction de la bande, ainsi que des évolutions au Yémen, en Cisjordanie, en Syrie et au Liban.
Cependant, il apparaît déjà que l’« épreuve réelle » de cette visite ne réside pas dans l’ampleur des accords signés ni dans les engagements économiques annoncés – lesquels dépassent largement les accords de défense traditionnels –, mais dans la capacité à mettre en œuvre ces ententes, à mener des processus politiques efficaces et à naviguer entre les multiples foyers de conflit du Moyen-Orient. Ces conflits continuent d’affecter la stabilité de toute la région, ainsi que la stabilité interne du royaume saoudien.
Du pétrole contre de la sécurité
Dans une vision d’ensemble, la visite illustre le renforcement des liens sécuritaires et économiques entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, tandis que les deux pays cherchent à remodeler l’espace géo-économique et l’équilibre régional des forces. Cela inclut la lutte contre le terrorisme, la question du nucléaire iranien et l’endiguement de l’influence croissante de l’Iran, de la Russie et de la Chine, notamment dans le domaine du nucléaire civil.
Ces démarches positionnent l’Arabie saoudite comme partenaire privilégié des États-Unis, tout en poursuivant le développement de ses relations avec d’autres grandes puissances – en premier lieu la Chine – dans les domaines de la technologie, de l’énergie et des infrastructures, ainsi qu’avec le Pakistan, avec lequel un accord de défense a récemment été signé.
Ces coopérations s’intègrent dans une stratégie globale visant à diversifier l’économie saoudienne, réduire sa dépendance au pétrole, accélérer la croissance dans les secteurs innovants et renforcer sa sécurité nationale ainsi que ses capacités militaires. L’Arabie saoudite – économie la plus forte et la plus stable du Moyen-Orient, avec un PIB de 1,27 billion de dollars – s’est engagée à investir environ 600 milliards de dollars dans les infrastructures énergétiques, industrielles et technologiques aux États-Unis.
Le royaume aspire à se positionner comme un hub mondial du commerce, de l’énergie et de l’innovation, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique, tout en assurant son avance technologique et sa croissance économique. Cela passe par une coopération étroite avec Washington dans des projets nucléaires, énergétiques et technologiques, afin de renforcer son statut stratégique dans le golfe et dans tout le Moyen-Orient, ainsi que son influence sur les marchés mondiaux de l’énergie et de l’économie.
La rencontre actuelle à la Maison-Blanche, dans la continuité de la visite très médiatisée du président Trump à Riyad en mai dernier, et parallèlement à des accords économiques dépassant les 300 milliards de dollars – dont un accord d’armement de 142 milliards de dollars – marque une étape majeure dans la profondeur du partenariat stratégique entre Washington et Riyad.
Ce partenariat, fondé sur l’interdépendance et une vision commune adaptée aux rapides transformations technologiques et économiques mondiales, remonte aux années 1930 sous le principe « du pétrole contre de la sécurité » et l’engagement d’une fourniture stable d’énergie aux États-Unis et à l’Occident. Au fil des ans, il s’est transformé en un réseau complexe d’intérêts mutuels, et il consolide aujourd’hui la dimension économique de la relation, en s’intégrant pleinement tant au « Vision 2030 » saoudien qu’à l’agenda américain d’« America First ».
Une économie modernisée
Dans ce cadre, l’économie saoudienne se transforme en une économie numérique, axée sur les secteurs d’avenir : technologies avancées, énergies renouvelables, exploration spatiale, exploitation minière, transport et logistique, tout en promouvant la modernisation, l’innovation, le tourisme et la création d’emplois. Tout cela renforce le rôle de l’Arabie saoudite et celui de Mohammed ben Salman, qui cherche à positionner le royaume comme partenaire central des États-Unis dans la construction de l’économie mondiale du XXIᵉ siècle.
Parmi les initiatives marquantes figure la création de la société Humain, soutenue par le fonds souverain saoudien, qui a lancé des coopérations stratégiques avec des géants technologiques américains tels qu’AMD, Nvidia, Amazon Web Services, en se concentrant sur les infrastructures et services d’intelligence artificielle. Les entreprises MP Materials et Maaden coopèrent également dans le développement de chaînes d’approvisionnement en métaux rares.
Des investissements conjoints sont également réalisés dans le parc énergétique King Salman (SPARK), dans la ville économique, dans les installations de raffinage et de pétrochimie de Jazan, ainsi que dans la vallée technologique de Riyad – des zones destinées à devenir des pôles mondiaux de la recherche et du développement dans l’IA, la cybersécurité, l’espace, et à attirer des investissements internationaux.
Un moteur de croissance mondiale
Dans une perspective géopolitique large, le renforcement du partenariat stratégique américano-saoudien reflète un changement profond dans les priorités des deux pays. Washington ne se concentre plus exclusivement sur la sécurité énergétique, de même que Riyad ne fonde plus sa sécurité nationale uniquement sur la protection militaire américaine. À la place, se met en place un réseau complexe d’accords bilatéraux et d’intérêts géo-économiques, technologiques et énergétiques, fondé sur la réciprocité, les bénéfices mutuels et une vision globale à long terme.
La visite du prince héritier à Washington et les accords signés montrent l’ampleur de ce changement et l’importance de l’Arabie saoudite – comme ancre de stabilité régionale, comme pilier de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient et comme moteur de croissance mondiale. Son statut de deuxième exportatrice de pétrole au monde, combiné à sa position stratégique à la jonction entre l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient, en fait un acteur clé dans la préservation de la sécurité énergétique américaine et mondiale.
Ses vastes ressources énergétiques (pétrole, gaz naturel) ainsi que ses minerais critiques – lithium, cobalt, nickel, cuivre, abondants dans le Golfe – renforcent encore son importance stratégique. Le développement accru des coopérations dans l’intelligence artificielle, l’énergie propre, les industries de défense, ainsi que les investissements saoudiens massifs aux États-Unis, intensifient les liens entre les économies de Riyad et de Washington.
Ainsi, l’Arabie saoudite consolide sa position de partenaire stratégique et puissance montante sur la scène internationale – et les États-Unis renforcent leur rôle de leader mondial dans les domaines de l’énergie, de la technologie et de la sécurité.


























