Selon le Comité pour la protection des journalistes, le phénomène est « grandement sous-estimé », les journalistes craignant de se manifester
Dans un rapport intitulé « Les journalistes de Gaza dénoncent l’intimidation, les menaces et les agressions du Hamas », l’organisme de surveillance des médias explique qu’il s’agit d’un phénomène très « largement sous-estimé ». Il souligne que le Palestinian Journalists’ Syndicate – le syndicat des journalistes palestiniens – ne publie pas les témoignages qu’il compile sur les attaques du Hamas contre les reporters de crainte de représailles.
« Je n’ai couvert aucune manifestation récente », a déclaré Abou Jarad, qui travaille pour la station de radio Sawt al-Hurriya, installée à Ramallah.
Le journaliste a porté plainte pour intimidation auprès du Palestinian Journalists’ Syndicate, qui a dénoncé cette atteinte du Hamas à la liberté de la presse.
Depuis fin mars, des manifestations sporadiques contre le groupe terroriste – gouvernement de facto à Gaza depuis une vingtaine d’années – ont eu lieu dans la bande de Gaza, malgré l’opposition du Hamas et les blessures infligées aux manifestants. Contrairement à ce que dit l’organisation terroriste, ces manifestations ne sont pas simplement contre la guerre. Un grand nombre d’entre elles ont eu lieu à Beit Lahiya.
Avant la guerre, les manifestations anti-Hamas étaient plutôt rares et souvent violemment réprimées par l’organisation terroriste.
Selon le Comité pour la protection des journalistes, le syndicat des journalistes, entravé dans son action par la crainte des journalistes de Gaza de s’exprimer publiquement, n’a publié qu’un témoignage, celui d’Ibrahim Muhareb, journaliste de Gaza brutalement agressé l’an dernier par des hommes prétendant être des policiers du Hamas en civil.
Mohammed Abu Aoun, correspondant d’Awda TV, liée au Fatah, a déclaré au Comité pour la protection des journalistes qu’il avait été pris pour cible par des agents de sécurité du Hamas en 2024 alors qu’il interviewait une femme à Deir al-Balah qui avait insulté les dirigeants du Hamas. « Les policiers m’ont immédiatement emmené quelque part – j’ignore où – et m’ont battu », a-t-il déclaré à l’organisme de surveillance.
Le Comité pour la protection des journalistes a évoqué le cas d’autres journalistes empêchés de couvrir des événements, lesquels ont refusé que leur histoire soit rendue publique.
Depuis le début de la guerre, le Comité pour la protection des journalistes s’en prend surtout aux attaques de l’armée israélienne qui mettent en danger les journalistes à Gaza. En février dernier, il a indiqué que 2024 a été l’année de loin la plus meurtrière pour les journalistes avec pas moins de 124 reporters tués – Israël étant responsable de près de 70% du bilan.
Peu de temps après la publication de ce rapport, l’armée israélienne a réagi en expliquant que les journalistes de la bande de Gaza n’étaient pas pris pour cibles, tout en rappelant que bien des victimes en question étaient membres d’organisations terroristes.
Selon Ismail Al-Thawabta, le directeur général du Service des médias du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, réagissant aux questions du CPJ, aucune plainte n’aurait été reçue concernant des cas d’intimidation ou toute autre mesure de ce type de la part d’agents de sécurité lors de la couverture médiatique des rassemblements.
Toujours selon Thawabta, le Hamas avait « totalement ouvert le terrain » et veillé à ce que les journalistes puissent couvrir en toute sécurité et liberté les événements de Gaza.
Le chef du Palestinian Journalists’ Syndicate, Nasser Abu Bakr, a déclaré à la commission que le Hamas se livrait à des « violations majeures » de la liberté de la presse, passant par « des convocations, des interrogatoires, des appels téléphoniques, des menaces, parfois des passages à tabac et des arrestations, du harcèlement, des interdictions de publication, des ingérences au niveau des contenus et de la surveillance ».
Le chef adjoint du Palestinian Journalists’ Syndicate, Tahseen al-Astal, a pour sa part indiqué que les journalistes refusaient de parler publiquement de leurs problèmes, estimant que de telles histoires « détourneraient les yeux de la guerre à Gaza ».
« La plupart des journalistes s’autocensurent dans ce qu’ils écrivent pour éviter tout problème de sécurité », a-t-il ajouté.
La guerre a commencé le 7 octobre 2023, lorsque le Hamas s’est introduit dans le sud d’Israël pour y tuer avec une extrême brutalité 1 200 personnes, principalement des civils, et faire 251 otages, essentiellement civils, séquestrés dans la bande de Gaza.
Nurit Yohanan a contribué à cet article. Notre illustration : Journalistes arabes à Gaza.