Abou Mazen désigne son successeur

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Hussein Al-Sheikh remplaçant intérimaire d’Abbas

 

Par une « déclaration constitutionnelle » publiée par l’agence officielle de Ramallah, Mahmoud Abbas a clarifié la marche à suivre en cas de vacance du pouvoir : l’intérim ne reviendrait plus au président du Conseil national palestinien, Rawhi Fattouh, mais au vice-président — tout juste institué — du Comité exécutif de l’OLP, Hussein Al-Sheikh. Ce choix valide un mouvement engagé depuis le printemps 2025 : l’établissement d’un poste de vice-président, doublé d’un rôle de numéro deux de l’OLP, afin d’assurer la continuité du leadership sans passer par des institutions paralysées (Conseil législatif inopérant, calendrier électoral absent).

Hussein Al-Sheikh, 65 ans, n’est pas un inconnu. Membre du Comité central du Fatah, ex-chef de l’Autorité générale des affaires civiles (la liaison avec Israël pour les permis, passages et dossiers de coordination), il a été propulsé en 2022 au secrétariat général du Comité exécutif de l’OLP, puis, en avril 2025, au nouveau tandem : vice-président de l’« État de Palestine » et vice-président du Comité exécutif. Polyglotte, hébréophone, ancien détenu des prisons israéliennes, il incarne le courant « gestionnaire » : travailler dans le cadre existant, éviter l’embrasement et préserver les canaux sécuritaires et administratifs.

Ce profil, perçu comme « pragmatique » par des partenaires israéliens et occidentaux, reste controversé côté palestinien. Dans l’opinion, la coordination avec Israël nourrit le procès en proximité et l’image d’un appareil accusé d’inefficacité et de népotisme. Les enquêtes d’opinion récentes placent Al-Sheikh très bas en popularité ; ses soutiens répliquent qu’aucune stabilisation n’est possible sans un fonctionnement quotidien des services — circulation des personnes, gestion des revenus, sécurité civile — dont dépend la vie de millions de Palestiniens.

La nouveauté institutionnelle est toutefois majeure : en fixant l’intérim entre les mains du vice-président de l’OLP, Ramallah déplace le centre de gravité vers l’organisation reconnue internationalement comme interlocuteur officiel, au détriment d’un mécanisme légal devenu impraticable (le passage par un Conseil législatif paralysé depuis la rupture de 2007). La chaîne serait donc : vacance du poste, intérim par Al-Sheikh, puis gestion des affaires courantes sous supervision du Comité exécutif, en attendant une décision politique sur la suite — élection, consensus intra-Fatah ou compromis de coalition.

Sur le plan régional, la désignation s’inscrit dans une séquence de pressions croisées. D’un côté, des capitales arabes et occidentales réclament depuis 2024-2025 une Autorité palestinienne réformée, capable d’assumer des responsabilités de sécurité et de gouvernance sans connivence avec le Hamas. De l’autre, la rue palestinienne exige une refondation : transparence, renouvellement des élites, calendrier électoral crédible, unification des appareils. Entre ces attentes contradictoires, le « choix Al-Sheikh » privilégie la continuité : maintenir les interfaces de sécurité, rassurer les bailleurs, conserver l’outil administratif intact.

Concrètement, que changerait une présidence intérimaire d’Al-Sheikh ? D’abord, la garantie de continuité des coordinations civilo-sécuritaires avec Israël — indispensables à la mobilité, aux échanges économiques et à la gestion des crises. Ensuite, une capacité à parler rapidement avec les acteurs clés (Israël, Américains, Européens, Égypte, Jordanie, pays du Golfe) pour verrouiller des arrangements de sécurité et des mécanismes de financement. Enfin, une ouverture à des réformes « techniques » (procédures, lutte contre la corruption, chaîne de décision) susceptibles de relancer le soutien international — au prix, toutefois, d’un déficit de légitimité interne si le processus n’est pas adossé à un horizon électoral.

Les risques sont connus. Un passage en force, sans inclusion des courants rivaux (y compris hors OLP), peut attiser la contestation. L’impopularité des élites actuelles complique la mise en œuvre de réformes douloureuses. Et l’absence d’élections depuis des années fragilise tout mandat. Autrement dit, la promesse de stabilité ne tient que si une feuille de route politique crédible accompagne l’intérim : gouvernance resserrée, sécurité assumée, lutte anticorruption visible — et un calendrier réaliste vers la représentation.

Reste une évidence : la clarification de la succession, même intérimaire, réduit l’incertitude au moment où la région cherche à éviter les vides de pouvoir. En choisissant un opérateur chevronné, Ramallah privilégie l’ordre administratif sur la surenchère, et s’achète du temps pour négocier la recomposition à venir.

La désignation d’Hussein Al-Sheikh comme successeur intérimaire favorise la coordination sécuritaire et l’émergence d’un interlocuteur capable de décisions responsables. Pour Israël, c’est la perspective d’un partenaire qui privilégie la stabilité, le démantèlement des dynamiques violentes et la coopération de terrain. Un leadership palestinien pragmatique, recentré sur la gouvernance et la sécurité civile, est un atout pour la sécurité d’Israël comme pour la vie quotidienne des populations.

Jforum.fr

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