Ce que révèle la feuille de route du Quai d’Orsay

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L’intention de la conférence franco-saoudienne.

Par Shmuel Trigano

Tribune Juive
Shmuel Trigano © Fabien Clairefond

Le document du Quai d’Orsay, qui présente en 41 points le projet de la France et de l’Arabie saoudite de reconnaître ou plutôt de créer un « État de Palestine » à l’occasion de l’assemblée générale de l’ONU le 23 septembre, frappe par son manque de professionnalisme, de connaissance de l’histoire des territoires qu’il concerne et du droit international qui les régissent. Le manque de sérieux le dispute à l’inconsistance, dans le cadre de ce qui est de facto une mise en demeure d’Israël (ni consulté, ni associé à la démarche) parce que l’existence-même d’un État juif le rendrait congénitalement redevable envers un peuple qui n’a jamais existé sur toute la longueur de l’Histoire que parce qu’Israël existe.

Le côté le plus  problématique de ce document, qui exprime en fait l’intention qui préside à la démarche, est sans doute le fait qu’il mette dos à dos Israël et un pays qui n’existe pas et n’a jamais existé, la Palestine, comme pour établir une équivalence entre eux, une équivalence qui n’existe pas non plus sur le terrain avec d’un côté une démocratie solide et de l’autre une mouvance terroriste, le Hamas, et une « Autorité palestinienne » qui, entre autres turpitudes, paie une rente aux familles des terroristes qui ont assassiné des Juifs, avec l’argent de l’Union européenne. Nulle part dans ce texte on ne parle en effet du terrorisme que les Palestiniens font peser sur les Israéliens, alors que c’est un fait massif dans tous les territoires gouvernés par Israël.

Par contre plusieurs points doctrinaux sont consacrés à la « violence, l’incitation à la haine » (on croit rêver) des « colons israéliens » (point 23) par où l’on apprend qu’Israël occupe illégalement tel et tel territoire à la façon d’une puissance coloniale dont on serait bien en peine d’identifier la métropole puisque Jérusalem, capitale d’Israël, serait à nouveau divisée pour en faire la capitale palestinienne. En somme, les « colonies » seraient à 10 km de la capitale du pouvoir colonial, un modèle qu’on n’a jamais vu à l’œuvre dans l’histoire du colonialisme.

Au fil des points doctrinaux du document, on apprend par ailleurs (point 11) que « la bande de Gaza fait partie intégrante d’un État de Palestine et doit être unifiée avec la Cisjordanie ».

Le Quai d’Orsay ignore dans doute que Gaza était occupée par l’Égypte lors de la guerre que la Ligue arabe avait décrétée contre le nouvel État d’Israël en 1948 et qu’elle l’avait perdue lors de la guerre de 1967. Mais aussi qu’Israël avait évacuée unilatéralement en 2005 pour répondre aux illusions d’Oslo, et qui devint la place forte du Hamas, reposant sur 900 km de tunnels souterrains …

On comprend à ce propos, en lisant les attendus de cette démarche, que le Quai d’Orsay n’a aucune connaissance du terrain. Comment en effet peut-il déclarer que la bande de Gaza est une « partie intégrante de l’État de Palestine » et décréter que « toute occupation, siège, amputation seront interdits dans la fixation des frontières » de l’État-fantôme alors qu’il n’y a aucune continuité territoriale entre Gaza et la « Cisjordanie » et qu’il faudrait amputer le territoire israélien d’un couloir pour rendre possible la communication de Gaza avec la Cisjordanie, c’est-à-dire d’un territoire, qui couperait Israël en deux ! Si le document avoue ainsi que les supposés territoires palestiniens sont sacro-saints, le territoire israélien, lui, semble-t-il, ne l’est pas. Il n’est même pas l’objet d’une remarque… Et de fait il se verra dépecé du fait de la constitution de l’État palestinien.

C’est par la bande que nous apprenons par ailleurs que l’Organisation de la coopération islamique (OCI) est aussi de la partie dans le projet franco-saoudien, ce qui n’est pas rien quand on sait qu’elle draine derrière elle un bloc de 57 États musulmans et qui a pour but de peser de tout son poids sur l’Union Européenne en lui proposant un pacte de civilisation visant à insérer l’islam dans l’Union Européenne même d’un point de vue « culturel » en vertu du mythe de l’Andalousie islamique[1], célébrée comme le somment de la civilisation. Récemment l’UE a débloqué un budget qui s’inscrit sous le signe du « Coran européen » [2]. La Ligue arabe est censée également être de la partie, elle qui est derrière toutes les guerres arabes menées contre Israël.

Pour finir le point 39 affirme au détour d’une phrase le droit au retour « des réfugiés ». Le Quai d’Orsay ne s’est pas rendu compte, semble-t-il, qu’il y a eu, dans les années 1950, 900 000 réfugiés juifs chassés du monde arabe qui ont trouvé refuge dans l’État d’Israël pour 600 000 d’entre eux. Le quai d’Orsay regardait-il ailleurs à ce moment-là ?

Le point 30 annonce le projet de contraindre Israël par des sanctions s’il ne s’exécute pas (dans son double sens : de suicide et d’obéissance). Dans ce chapitre nous comprenons que l’objectif de cette opération n’est pas la recherche du bien d’Israël mais la promotion des buts de guerre de l’OLP : « Aider le peuple palestinien à exercer son droit à l’auto-détermination et lutter contre la politique de la colonisation illégale dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, et contre les mesures et menaces éventuels de déplacements forcés et d’annexion ». (30)

Le quai d’Orsay célèbre à cette occasion le rôle essentiel de gardien joué par « la monarchie hashémite ». Or c’est elle qui occupe indument le territoire, la Transjordanie, qui devait être dévolu à l’État arabe prévu par le mandat de la SDN du partage et dont 80 % de la population est déjà palestinienne. Le point 31 soutient aussi l’action du département des affaires du Wakf de Jérusalem alors qu’il a détruit ces dernières années des vestiges historiques des deux Temples juifs de l’Antiquité, pour construire une immense mosquée souterraine, en ne respectant certainement pas le statu quo.

Ces quelques remarques montrent que les promoteurs de « la solution à deux États » sont avant tout les promoteurs de la cause palestinienne pour laquelle ils n’hésitent pas à rétrograder l’État d’Israël sur le plan des valeurs et de la réalité concrète. 

© Shmuel Trigano


Notes

[1] Cf. Controverses, novembre 2008, et Pardès n° 67 Le mythe andalou

[2] Le « Coran européen » fait référence à un projet de recherche financé par le Conseil européen de la recherche (ERC), qui étudie l’influence du Coran dans la culture et la pensée européennes entre 1150 et 1850.


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