Au point de passage de Kerem Shalom, par lequel transitent chaque jour des centaines de camions d’aide vers Gaza, la réalité est bien plus dure que les chiffres officiels ne la laissent entendre. Alors que des responsables posent devant des caisses, les chauffeurs gazaouis, eux, se tiennent en retrait, le regard lourd. Dans une interview exigeant l’anonymat, plusieurs d’entre eux ont désigné le Hamas comme principal responsable de la misère qui frappe la bande de Gaza. Leurs propos sont directs : « Beaucoup d’aide est pillée, le Hamas vole aussi. C’est leur faute, ils ont ruiné nos vies », confie l’un d’eux.
Ce constat trouve écho dans les témoignages d’un chauffeur, Samer (pseudonyme), expliquant que bien que les convois circulent, le plus grave reste la coordination défaillante et les vols orchestrés. « Le principal problème, c’est les voleurs. Beaucoup de choses ont disparu, elles ne profitent qu’aux commerçants ou à des organisations spécialisées », souligne-t-il.
Pourtant, derrière cette crise se cachent des voix qui aspirent à la paix. Khaled exprime son désir : vivre à nouveau ensemble, restaurer une vie normale. Il se souvient de sa carrière prospère de cuisinier avant l’éruption du conflit, et réclame un futur de paix avec Israël, car, selon lui, « Israël est meilleur que quiconque au monde ».
Un autre chauffeur, Muhammad (nom modifié), témoigne de son isolement et de la peur omniprésente. Il décrit Gaza comme « un exil vivant », habité par une population affamée et méfiante, trop longtemps laissée dans l’incertitude. Il partage une condamnation semblable du Hamas : « Nous ne le soutenons pas. Israël, laissez-les venir. »
Cette situation met en lumière à quel point les efforts humanitaires, malgré leur ampleur, peuvent être vidés de leur efficacité lorsque la sécurité n’est pas garantie. Les camions pleins ne suffisent pas ; sans logistique fiable, couverture sécuritaire et interdiction appliquée vis-à-vis des voleurs, l’aide devient un enjeu politique, économique et moral.
Enfin, les chauffeurs expriment tous un même souhait : que la guerre prenne fin, que la paix revienne, que les enfants vivent sans craindre la faim. Dans ce contexte, leurs voix, courageuses et poignantes, exposent la tragédie quotidienne des civils, victimes d’un conflit où les symboles de solidarité sont détournés, et où l’aide devient un bien trop rare.