« C’est la faute de ces salauds, ils ont ruiné nos vies »

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De fait, depuis la reprise du flux humanitaire en mai, plus de 11 000 camions d’aide ont franchi cette frontière – comprenant matériel médical, nourriture, eau et tentes. Pourtant, l’aide peine à atteindre ceux qui en ont le plus besoin. Les chauffeurs mettent en garde : les vols et les détournements sont monnaie courante. Beaucoup de marchandises sont détournées avant même de pouvoir être distribuées dans les entrepôts ou auprès des ONG de terrain.

Ce constat trouve écho dans les témoignages d’un chauffeur, Samer (pseudonyme), expliquant que bien que les convois circulent, le plus grave reste la coordination défaillante et les vols orchestrés. « Le principal problème, c’est les voleurs. Beaucoup de choses ont disparu, elles ne profitent qu’aux commerçants ou à des organisations spécialisées », souligne-t-il.

Un autre conducteur, Khaled, ancien cuisinier à Jaffa, raconte avoir vu sa vie brisée depuis le 7 octobre. Malgré sa douleur, il offre un sac de mangues au reporter – geste humble mais chargé d’émotion. Il répète : « Ce sont eux, ces gens, qui ont ruiné nos vies. L’aide arrive, mais elle disparaît aussitôt. Le Hamas. Tout le monde sait qui ils sont. » Il dépeint une réalité où les denrées alimentaires sont captives du marché noir, avec des prix exorbitants : pommes de terre, tomates ou poulet à 100 shekels le kilo.

Pourtant, derrière cette crise se cachent des voix qui aspirent à la paix. Khaled exprime son désir : vivre à nouveau ensemble, restaurer une vie normale. Il se souvient de sa carrière prospère de cuisinier avant l’éruption du conflit, et réclame un futur de paix avec Israël, car, selon lui, « Israël est meilleur que quiconque au monde ».

Un autre chauffeur, Muhammad (nom modifié), témoigne de son isolement et de la peur omniprésente. Il décrit Gaza comme « un exil vivant », habité par une population affamée et méfiante, trop longtemps laissée dans l’incertitude. Il partage une condamnation semblable du Hamas : « Nous ne le soutenons pas. Israël, laissez-les venir. »

Ces paroles rejoignent les constats de nombreuses organisations qui alertent sur l’état de chaos : entre effondrement de l’ordre, gangs armés s’emparant de l’aide, et conducteurs pris dans la violence de foules désespérées. Certains convois sont pris d’assaut, d’autres interceptés ou contraints d’abandonner leur cargaison en chemin. Plusieurs chauffeurs ont été attaqués, blessés, voire tués au fil des livraisons.

Cette situation met en lumière à quel point les efforts humanitaires, malgré leur ampleur, peuvent être vidés de leur efficacité lorsque la sécurité n’est pas garantie. Les camions pleins ne suffisent pas ; sans logistique fiable, couverture sécuritaire et interdiction appliquée vis-à-vis des voleurs, l’aide devient un enjeu politique, économique et moral.

Enfin, les chauffeurs expriment tous un même souhait : que la guerre prenne fin, que la paix revienne, que les enfants vivent sans craindre la faim. Dans ce contexte, leurs voix, courageuses et poignantes, exposent la tragédie quotidienne des civils, victimes d’un conflit où les symboles de solidarité sont détournés, et où l’aide devient un bien trop rare.

Jforum.fr

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