« Et certains modèles prédisent que nous allons avoir moins de précipitations en général, une baisse de 10% à 15% à partir de la seconde moitié du XXIe siècle », note M. Halfon.
Le boom démographique accroît par ailleurs la pression sur cet aquifère stratégique. « La population double tous les trente ans. Sans ce projet (de remplir le lac), la situation serait terrible », dit-il à l’AFP.
A travers des collines verdoyantes dans le nord d’Israël, des ouvriers creusent des tranchées pour y enfouir des kilomètres de canalisations qui feront le lien entre de gigantesques usines de désalinisation et le lac.
« Dès que l’eau circulera dans la canalisation, en apportant le surplus d’eau des usines de dessalement dans le centre (du pays), nous pourrons élever le niveau du lac de Tibériade, qui deviendra un réservoir opérationnel », s’extasie Ziv Cohen, ingénieur de la compagnie israélienne des eaux Mekorot qui supervise une partie des travaux.
Ce projet chiffré à un milliard de shekels (290 millions d’euros) permettra d’ici la fin de l’année d’inverser la tendance et de refaire revivre en quelque sorte le réservoir autrefois naturel.
– Contradictions –
Mais pour arriver à ce résultat, l’Etat hébreu a dû investir massivement ces dernières années dans des technologies de désalinisation, une expertise d’ailleurs mise en avant lorsqu’il est question de normaliser ses relations avec des pays arabes de la région confrontés au même problème d’accès à l’eau potable.
« En l’espace de 15 ans, Israël est passé d’un pays déficitaire en eau à un pays en état excédentaire, ce qui est phénoménal », note David Muhlgay, le PDG de la société Omis Water qui exploite l’usine de désalinisation de Hadera.
Ce mastodonte transforme aujourd’hui 137 millions de mètres cubes d’eau salée en eau potable par an, soit 16% de l’eau potable de l’ensemble du pays, et l’usine peut produire jusqu’à 160 millions de m3 par an, souligne M. Muhlgay.
Mais pour dessaler l’eau de mer, son usine construite sur les rives de la Méditerranée a besoin d’une quantité colossale d’énergie. Et comme la production hydroélectrique et nucléaire d’Israël ne suffit pas à alimenter la demande, le pays compte sur des centrales à charbon et à gaz, comme celles situées à deux pas de son usine de désalinisation.
« A l’heure actuelle, je ne peux pas m’approvisionner en énergie renouvelable », dit-il, conscient des contradictions de l’adaptation à la crise climatique par un dessalement à forte intensité énergétique.
– La paix par l’eau? –
Néanmoins, l’expertise israélienne en matière de désalinisation suscite bien des convoitises et favorise des rapprochements comme la normalisation depuis 2020 des relations avec les Emirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc.
L’usine de David Muhlgay a reçu la visite d’une délégation du Maroc, et la maison-mère de la société qui exploite son usine, IDE, a envoyé son vice-président aux Emirats arabes unis. « Tout le monde est confronté à une pénurie d’eau, alors favoriser l’accès à l’eau peut permettre de résoudre quelques problèmes », dit-il.
Mais l’innovation israélienne n’a jusqu’ici pas réussi à atténuer le conflit israélo-palestinien qui se joue aussi sur le partage des sources d’eau, insiste Ayman Rabi, directeur exécutif du Palestinian Hydrology Group, une ONG qui traite cette question.
Israël contrôle les principaux aquifères de la Cisjordanie, territoire situé au pied du Lac de Tibériade.
Conformément aux accords de paix d’Oslo signés dans les années 90, Israël revend l’eau aux Palestiniens, mais la distribution n’a pas suivi le rythme de la croissance démographique.
Pour faire face à cette situation, les Palestiniens ont commencé à planter des cultures moins gourmandes en eau et font des efforts pour récupérer l’eau de pluie.
« Alors, oui, bien sûr, ils (les Israéliens) se présentent comme des exportateurs d’eau, mais je ne pense pas que cela aura un impact sur les Palestiniens », dit-il.
L’Express (Copyrights)