Depuis décembre 2024, Benjamin Netanyahou, chef du gouvernement israélien, comparaît devant les juges du tribunal de district de Jérusalem dans une série de procès pour corruption et abus de confiance. L’interrogatoire du Premier ministre a récemment basculé dans une phase critique : celle du contre-interrogatoire mené par le parquet. L’enjeu ? Évaluer la sincérité, la mémoire et la crédibilité d’un homme au sommet du pouvoir depuis près de deux décennies.
Un contre-interrogatoire sous haute tension
Le ministère public, conscient des talents oratoires de Netanyahou et de sa capacité à manipuler l’opinion publique, avance avec prudence. C’est l’accusation elle-même qui a ouvert le bal du contre-interrogatoire, mardi, avec une stratégie consistant à souligner la fréquence des oublis de l’accusé. Au cours de ses divers entretiens avec la police, Netanyahou aurait répété à 1 788 reprises ne pas se souvenir de faits ou d’échanges avec certains témoins clés.
De même, l’ancien chef du gouvernement affirme qu’il n’avait pas préparé ses auditions. Pourtant, le parquet ressort ses propres propos antérieurs, évoquant une préparation spécifique en lien avec certains témoins comme Arnon Milchin ou Shaul Elovitch.
Les cadeaux : simples marques d’amitié ou faveurs intéressées ?
Au cœur de l’affaire dite « 1000 », figure une série de dons offerts à la famille Netanyahou par des personnalités fortunées, notamment le producteur de cinéma Arnon Milchin. Cigares haut de gamme, bouteilles de champagne coûteuses… Netanyahou les présente comme de simples présents d’un ami, reçus pendant une période où il n’exerçait aucune fonction publique après 1999.
Un épisode emblématique illustre les tensions de ce procès : celui de la poupée géante Bugs Bunny. Selon le récit de Milchin, une demande insistante de Sarah Netanyahou pour un modèle particulier du jouet aurait abouti à une livraison exceptionnelle, orchestrée par le milliardaire. Netanyahou confirme que sa femme a bien reçu la poupée, mais nie les détails avancés par le témoin.
Cet incident, bien que d’apparence anecdotique, pourrait contribuer à établir que Netanyahou était parfaitement informé de certains cadeaux reçus par son entourage, y compris dans des contextes peu ordinaires.
Une stratégie d’accusation prudente
Plutôt que d’attaquer immédiatement avec le dossier le plus explosif – celui de l’affaire 4000 impliquant des soupçons de favoritisme dans les médias –, le parquet a choisi de commencer par l’affaire des cadeaux. Une approche jugée plus modeste, mais aussi plus robuste juridiquement, alors que des failles dans la stratégie de l’accusation avaient été relevées lors des premières audiences.
Un procès sous pression médiatique et politique
Chaque jour d’audience fait l’objet d’une attention extrême, tant en Israël qu’à l’étranger. L’accusation doit concilier rigueur juridique et gestion de l’opinion publique, tandis que Netanyahou continue à manœuvrer pour conserver son image de victime d’un acharnement politique.
Dans cette arène judiciaire, le pouvoir des mots est aussi déterminant que les preuves matérielles. Et à ce stade, seule la perception des juges sur la véracité de son récit – ce qu’il dit se rappeler, ce qu’il affirme ignorer – décidera si Benjamin Netanyahou peut continuer à diriger, ou devra quitter définitivement la scène politique israélienne.
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