Le climat politique israélien s’invite jusque dans les représentations diplomatiques à l’étranger. Le Dr Yechiel Leiter, ambassadeur d’Israël à Washington, a été convoqué à une audience par le directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, à la suite d’une interview dans laquelle il a vivement critiqué l’opposition politique de son propre pays.
C’est à travers une intervention sur une chaîne YouTube américaine, considérée comme conservatrice, que Leiter a déclenché une vive polémique. S’exprimant sur la situation politique intérieure d’Israël et les critiques adressées au Premier ministre Benjamin Netanyahou, il a tenu des propos jugés inappropriés pour un représentant diplomatique en poste.
Des propos jugés partisans
Durant l’interview, Leiter a dénoncé ce qu’il considère comme des attaques injustifiées contre le chef du gouvernement : « Ils vont trop loin. Rien n’est plus nuisible que de lancer de telles accusations contre le Premier ministre. Je le connais depuis 40 ans : c’est un homme attentif, profondément concerné par son peuple », a-t-il affirmé.
Il s’est également insurgé contre les critiques suggérant que le gouvernement chercherait à prolonger la guerre : « Comment peut-on proférer une telle absurdité ? C’est insensé. »
Ces déclarations, à forte teneur politique, ont été perçues comme un dépassement du devoir de réserve imposé aux diplomates. Plusieurs responsables au sein du ministère des Affaires étrangères ont exprimé leur malaise face à cette prise de position, estimant qu’un ambassadeur n’a pas à s’impliquer dans les querelles politiques internes de manière aussi visible.
En réaction à l’agitation provoquée, Eden Bar-Tal, directeur général du ministère des Affaires étrangères, a décidé de convoquer Yechiel Leiter pour une audience. L’objectif est d’examiner le fond de ses propos et d’évaluer s’ils constituent une entorse au cadre éthique et professionnel de la diplomatie israélienne.
Il est rare qu’un ambassadeur en poste à Washington — l’un des postes les plus stratégiques pour Israël — soit convoqué dans un tel contexte. Cela traduit la gravité avec laquelle les autorités traitent cet épisode. L’ambassadeur devra justifier publiquement sa sortie médiatique et son ton jugé excessif vis-à-vis de l’opposition.
Une question de neutralité diplomatique
L’incident soulève un débat plus large sur les limites de la parole diplomatique. Dans les cercles gouvernementaux comme dans les milieux diplomatiques, nombre d’observateurs rappellent qu’un ambassadeur représente l’État d’Israël dans son ensemble — et non une fraction politique. Il se doit donc de faire preuve de retenue et d’éviter les prises de position perçues comme partisanes.
Pour certains analystes, cette affaire illustre la difficulté croissante de maintenir une diplomatie « neutre » dans un contexte où les tensions politiques internes sont particulièrement exacerbées. D’autres y voient une tentative malvenue de politisation de l’appareil diplomatique.
Une affaire suivie de près
Alors que le conflit à Gaza se poursuit et que la pression internationale s’intensifie sur la classe politique israélienne, chaque mot prononcé par ses représentants à l’étranger est scruté à la loupe. Les propos de Leiter, bien qu’exprimés à titre personnel dans un média non institutionnel, n’en restent pas moins publics et engageants pour Israël sur la scène internationale.
La suite de cette affaire dépendra de l’audience à venir. Le ministère devra décider si une sanction est justifiée ou si un simple rappel à l’ordre suffira. En attendant, cet épisode met en lumière une tension croissante entre diplomatie professionnelle et convictions personnelles dans un environnement géopolitique sous haute pression.
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