Daniel Pipes : 20 après le 11-Septembre

0
51

Par Daniel Pipes – Albawaba

DC Insider : Quels étaient les objectifs des auteurs du 11-Septembre ?

Daniel Pipes : Il est largement admis que les islamistes considéraient la défaite des Russes en Afghanistan comme la principale cause de l’effondrement de l’Union soviétique et qu’ils ont décidé, après avoir fait chuter celle-ci, de faire tomber les États-Unis. De toute évidence, les attentats du 11-Septembre n’y sont pas parvenu.

DC Insider : Quelle est la leçon principale que l’on peut tirer du 11-Septembre ?

Pipes : Le fait de pouvoir tuer des milliers de personnes, causer d’immenses dommages économiques au niveau mondial et créer des troubles politiques majeurs sans jamais réussir à atteindre ses objectifs. Tout ce chambardement n’a, du point de vue islamiste ou djihadiste, pratiquement rien donné. On pourrait effectivement affirmer qu’en attirant l’attention du monde sur l’agressivité des islamistes, tout cela s’est avéré contre-productif.

Dans une certaine mesure, le mouvement islamiste a appris que la violence n’est pas efficace. Mieux vaut agir par le biais d’institutions – éducatives, juridiques, politiques, médiatiques, etc. – au sein du système. Prenons à titre d’exemple le Southern Poverty Law Center – une organisation de premier plan autrefois axée sur les droits civils des Noirs et qui est maintenant devenue un allié des islamistes.

Vingt ans plus tard, une bannière « United We Stand » (Unis nous resterons) demeure suspendue, comme abandonnée, dans le principal terminal de bus de Manhattan.

Quand viendra le moment d’agir de façon plus contraignante, l’armée, les services de renseignement et les forces de l’ordre des États-Unis vaincront les islamistes. Ainsi, ce sont les idées – et non la violence – qui donnent aux islamistes le moyen de faire avancer leur cause. Certes, des violences se produisent encore occasionnellement mais elles sont moins importantes et moins efficaces que l’infiltration des institutions, ce que j’appelle l’islamisme licite (lawful Islamism).

DC Insider : Les conséquences du 11-Septembre ont généré toute une série de désaccords sur plusieurs questions comme la responsabilité et les causes des attentats. Était-ce là le début de la rupture majeure entre la gauche et la droite que nous voyons aujourd’hui ?

Pipes : À court terme, le 11-Septembre a uni les Américains. « United We Stand » (Unis nous resterons) était un slogan qui pendant un bref moment a correspondu à la réalité. Mais par la suite, de profonds désaccords sur les causes et les conséquences des attentats ont pris le dessus. Pour les conservateurs, les attentats étaient l’œuvre d’extrémistes qui haïssent les Américains pour des raisons idéologiques tandis que pour les libéraux, ce sont les erreurs des États-Unis en matière de politique étrangère qui rendaient le pays partiellement voire, entièrement responsable de ce qui s’était passé.

D’une certaine manière, ce débat a inauguré, entre la gauche et la droite aux États-Unis, les divergences d’opinion colossales auxquelles on assiste aujourd’hui, où les deux parties ont un désaccord si profond sur des questions si nombreuses qu’elles sont incapables de trouver un terrain d’entente sur des sujets comme l’avortement, les armes à feu, les transsexuels, etc. Je ne dis pas que le 11-Septembre a provoqué cette faille mais il a sans aucun doute contribué à ce problème.

DC Insider : Le 11-Septembre a inspiré d’innombrables théories du complot. En tant qu’auteur de deux livres sur les théories du complot, pensez-vous qu’il y ait, parmi ces dernières, quelque chose de plausible ?

Pipes : En réalité, il n’existe qu’une seule théorie du complot significative à savoir celle selon laquelle le gouvernement américain aurait été derrière les attentats du 11-Septembre afin de justifier la lutte contre l’Islam et l’attaque de l’Afghanistan. Certains sondages européens ont révélé qu’un tiers de la population croyait à cette théorie, à l’instar de nombreux musulmans. Plausible ? Non ! L’idée selon laquelle le 11-Septembre aurait été préparé de l’intérieur est un non-sens mais un non-sens important qui a eu un impact sur le plan politique.

Aucun commentaire

Laisser un commentaire