Le nouveau film Nuremberg remet en lumière les procès des criminels nazis, mais son écho dépasse la fiction. Huit décennies plus tard, la promesse de justice universelle née à Nuremberg se heurte à la réalité du monde post-7 octobre.
Car depuis les massacres du 7 octobre 2023, le cadre juridique forgé après la Shoah semble avoir perdu son orientation. L’attaque menée ce jour-là contre Israël – la plus meurtrière contre des Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale – a rappelé au monde l’ampleur du mal que Nuremberg devait empêcher : des assassinats de civils, des viols de masse, des enlèvements, et une idéologie appelant à la destruction d’un peuple. Pourtant, deux ans plus tard, ce ne sont pas les auteurs de ces crimes qui sont inquiétés par la justice internationale, mais ceux qui les ont combattus.
C’est ici que le parallèle devient dérangeant. Les tribunaux de 1946 avaient été conçus pour rétablir la notion de responsabilité universelle : le crime de guerre et le crime contre l’humanité ne devaient plus dépendre du vainqueur ou du vaincu. Or, la réaction du système judiciaire mondial depuis 2023 semble réintroduire cette asymétrie : d’un côté, des institutions qui s’empressent d’enquêter sur les actions d’un État démocratique ; de l’autre, un silence persistant face à des mouvements armés qui revendiquent ouvertement le meurtre de civils.
Le film Nuremberg illustre, parfois malgré lui, ce paradoxe. En cherchant à montrer que « n’importe qui » peut devenir un criminel de masse, il universalise le mal jusqu’à en gommer la responsabilité morale. Cette approche trouve un écho contemporain : à force de vouloir placer toutes les violences sur le même plan, le discours international risque de perdre la capacité de nommer clairement les crimes.
À la fin du film, le psychiatre américain chargé d’évaluer les accusés nazis conclut : « Si vous pensez reconnaître le mal simplement à son uniforme, vous vous trompez. » La phrase, conçue comme une mise en garde, résonne aujourd’hui avec une ironie involontaire : dans le monde post-7 octobre, la justice internationale peine à reconnaître le mal même lorsqu’il ne se cache plus.
Près de quatre-vingts ans après Nuremberg, le droit censé prévenir les atrocités sert de nouveau champ de bataille symbolique. Le film rappelle la puissance des idéaux de 1946, mais aussi leur fragilité : juger équitablement les crimes de guerre reste moins une question de droit que de regard porté sur l’histoire et sur les victimes d’aujourd’hui.



























