Autour de la table de Chabbath, n° 503 Choftim
Ces paroles de Tora seront lues pour la refoua cheléma de Eliahou-Alain Ben Jeanette Zaïza et aussi de Avraham Ben Dvora (Charles Kossman) parmi les malades du Clall Israël
Déjà à l’époque des Wisigoths…
Cette semaine notre paracha commence par « Vous placerez dans vos villes des juges et des policiers… ». C’est-à-dire que la sainte Tora nous ordonne, il y a plus de 3600 ans, de placer un appareil juridique et répressif en Terre sainte. Et si je peux vous faire remarquer, à pareille époque, les Wisigoths et Ostrogots qui régnaient en Gaule et dans le reste de l’Europe semaient la terreur : il n’y avait ni foi ni loi (merci à « Obélix et Astérix » pour cette profonde connaissance historique). Donc il est intéressant de noter que la communauté orthodoxe juive, car à l’époque il n’y avait pas encore les réformés de Copernic ni les libéraux américains, avait institué à l’aube de la civilisation occidentale des tribunaux qui réglaient les problèmes épineux de voisinages (par exemple un voisin voulait ouvrir une nouvelle entrée dans sa maison/tente qui donnait sur celle de son voisin. En avait-il le droit ?), de dommages et de lois civiles. Qui peut encore prétendre, après notre paracha que le peuple du Livre est « primitif », sans morale ni éthique ?
Les Posskim (Séfer Ha’hinoukh Mitsva 491; Rambam H. Sanhédrin 1.2) rapportent qu’il existe une Mitsva de placer des tribunaux dans les villes afin de faire régner le Chalom intercommunautaire. Seulement ce vaste appareil juridique s’appuie sur la loi provenant du Sinaï. C’est le Talmud (la loi orale) qui régit les différents conflits qui peuvent se produire. Ces textes (étudiés jusqu’à ce jour dans les Yechivoth et Collelim en Erets tout le temps où le gouvernement de l’Etat juif ne jette pas cette population derrière les barreaux pour la seule faute qu’ils étudient à longueur de journées la Tora) proviennent du Saint béni soit-Il transmis à Moché Rabbénou. Une preuve de la transcendance de ces lois : j’invite mes lecteurs à ouvrir une page de la Guemara et de réfléchir sur la complexité des cas étudiés et de mettre en perspective le fait que ce texte remonte à 2000 ans (entre la période du Sinaï et l’établissement du Talmud soit 1600 ans, la transmission était orale de maitres à élèves, il n’y avait pas d’écrits). Or de nombreux cas traités dans le Talmud n’ont jamais été vécus : ils ne sont issus d’aucune jurisprudence. C’est une preuve que cet enseignement ne provient pas d’une école juridique d’Athènes ou de Rome, bar minam, c’est Hachem qui l’a donné à son peuple.
Comme nous parlons droit et jugement, à propos du sipour de la semaine dernière, des lecteurs m’ont fait part de leurs étonnements. Je vous le rappel très brièvement : il s’agissait d’un homme âgé en phase finale de la maladie – lo ‘alénou – dont la famille avait accepté de dépenser une fortune colossale pour essayer de rallonger sa vie. La question avait été posée à un premier Talmid ‘Hakham qui avait préféré laisser le soin de trancher au Possek de la génération, le Gaon harav Eliachiv zatsal.
La question pour nous est de comprendre -très succinctement- les paramètres du problème (ndlr : je n’ai pas la prétention de trancher cette épineux problème, uniquement de rapporter quelques avis).
Il existe un premier principe c’est que pour une Mitsva positive (ndlr, lorsque j’emploie le mot « positif » cela désigne toutes les Mitsvoth qui sont écrites dans la Tora sous la forme de « faire une action ». Par exemple mettre les Tefillinnes c’est une Mitsva de porter les Tefilinnes sur son bras et sa tête (c’est positif). Dans le jargon du Talmud cela s’appelle « Mitsva ‘Assé ». A l’inverse, il existe toute une série de Mitsvoth négatives, c’est-à-dire de s’empêcher de transgresser. Par exemple « voler », c’est interdit par la Tora et c’est un ordonnancement qui nous interdit d’agir ; c’est un « Lo Ta’assé ». Cette distinction est importante à connaitre. En effet, les Sages tranchent que pour toute Mitsva positive nous devons être prêt à payer jusqu’au cinquième de notre capital pour accomplir la Mitsva et pas au-delà (voir Choul’han ‘Aroukh OHA 656.1). Par exemple une paire de Tefilinnes coûte, au minimum, 2000 chékels/500 Euros (d’ailleurs si vous avez besoins d’une bonne paire de Teflinnes Beth-Yossef, je connais quelqu’un qui peut vous les fournir…). Si notre quidam de la communauté est un indigent qui vit sans toit et sans revenus et qui a pour seul patrimoine quelques vêtements : il sera exempté de vendre ses maigres biens pour acheter les Tefilinnes. La Tora n’oblige pas l’homme à tout vendre pour accomplir une seule Mitsva. D’après ce principe la chose devient simple puisque la Mitsva de vivre est aussi édicter dans la Tora puisqu’il est écrit « Ve’haï bahem ». Dans le cas de ce grand malade (lo ‘alénou) si le patrimoine de la famille ne dépasse pas 5 fois le cout de soins, la famille est exempte de payer les soins.
Cependant, par ailleurs la Tora ordonne « Lo ta’amod ‘al dam réakha », dans le cas où un homme de la communauté est en danger de vie, nous avons une Mitsva négative de ne pas rester impassible à sa situation. Tout celui qui a la possibilité de sauver cette personne doit le faire, sinon il transgresse cet interdit. Or le Rama (Yoré Déa 157.1) tranche que pour ne pas arriver à transgresser un quelconque interdit (Lo Ta’assé) nous devons être prêts à dépenser tout notre patrimoine (il n’existe pas d’exemption du cinquième) ! Le ‘Hafets ‘Haïm dans son livre Ahavath ‘Hessed (ch. 20.2 voir aussi le Zéra’ Emeth ‘hélek 2.51 et le Pit’hé Techouva 157.57) écrit que si notre prochain est dans le grand danger et que pour le sauver nous devons vendre notre capital, nous en avons l’obligation. D’après cela, même si le cout des soins est exorbitant, la famille à l’obligation de le faire.
Cependant, le Maharcham (‘hélek 5.54, voir aussi le Tora Temima Beréchith 28 et 23 et le Pit’hé Techouva Yoré Dea 157.4), un grand Possek envisage les choses différemment. Premièrement il explique que lorsque le Talmud nous défend de dépenser plus qu’un cinquième de notre patrimoine c’est pour ne pas nous appauvrir. En effet, les Sages enseignent que le pauvre ressemble, un tant soit peu, au défunt : il est très restreint dans ses actions. D’autre part, la (grande) pauvreté peut malheureusement amener l’homme à se détourner des lois de la Tora (par le vol, faire toutes sortes de fraudes, faire de faux témoignages etc.).
Ce dernier passage est subtile : il demande un certains bagage talmudique, la traduction est plus succinct. Le Maharcham fait une deuxième distinction entre « Chev ve’al Ta’assé » et « Koum ve’Assé ». C’est-à-dire que lorsque le Rama tranche que pour ne pas enfreindre « Lo ta’amod ‘al dam réakha » on doit être prêt à dépenser toute sa fortune c’est dans un cas de « Koum ve’Assé ». Mais dans le cas où je me retiens d’apporter mon aide, c’est vrai que j’ai transgressé « Lo ta’amod.. » mais uniquement sous la forme d’un « Chev ve’Al Ta’assé » ce qui est beaucoup moins grave que si j’avais transgresse en « koum ve’Assé ». D’apres ce dernier paramêtre, puisque premièrement si je dépense toute ma fortune je tombe dans la grande pauvreté (avec les deux travers mentionnés plus haut) et puisque deuxièmement ce n’est qu’un « Chev ve’Al Ta’assé » de ne pas payer les soins, d’après le Maharcham nous n’avons pas d’obligation de dépenser plus que le cinquième de notre patrimoine.
Les choses sont subtiles et dans tous les cas il faut demander l’avis d’un Gadol et surtout ne pas prendre ce développement au pied de la lettre pour trancher des problèmes de cette ordre, Lo ‘Alénou.
Je tiens à finir par le fait que le rav Eliachiv Zatsal -lui-même- a eu deux grosses interventions chirurgicales vers la fin de sa vie (il est niftar il y a 13 ans). Les Rabanim ont fait venir spécialement d’Amérique un grand spécialiste des maladies cardiaques. L’opération fut réussie, et le rav vécu encore dix autres années. La deuxième fois (il était âgé de plus de 100 ans) le rav s’enquerra de sa situation médicale et dit lui-même à ses proches : « Je ne pense pas qu’il faille faire venir à nouveau un spécialiste et payer des sommes mirobolantes… », malgré tout, les proches du rav firent venir le spécialiste d’Outre Atlantique.
Et si je parle de ces opérations, lors d’une d’entre elles (la première ou la deuxième) le rav demanda à parler au professeur américain juste avant qu’il soit opéré. Le médecin se pencha et il écouta le rav qui lui dit en anglais : « Thank You ! Je tiens à te remercier ! Je suis très âgé, donc ce n’est pas sûr que je me réveille de l’opération. Je veux te remercier d’avance pour ton travail même si au final je ne me lève pas car je sais que tu as fait ton maximum… »
Ce qu’on appelle dans notre lexique : un grand rav du Clall Israël.
Chabbath Chalom et à la semaine prochaine et que des bonnes nouvelles, si D’ le veut,
David Gold
Email : dbgo36@gmail.com
Tél : 00972 55 677 87 47
Une berakha pour notre lecteur attitré Gérard Cohen et son épouse (Paris) dans tous ceux qu’ils entreprennent et une bonne santé
Une berakha à Gabriel Lelti et son épouse (Villeurbanne) dans tous ceux qu’ils entreprennent
Une berakha à Daniel Albala et son épouse (Villeurbanne) dans tous ceux qu’ils entreprennent.
Une bénédiction à Mickaël Douillet et son épouse (Ramot-Jérusalem), le fondateur de l’association Mishkan Aharon pour le développement de la Tora en Erets et en particulier au sein de la Yechiva de Mir et l’auteur du superbe Quiz sur la paracha de la semaine.