Vers une interdiction des groupes extrémistes en Belgique
Le gouvernement belge s’apprête à franchir une étape significative dans sa lutte contre l’extrémisme. Un projet de loi, récemment annoncé par le Premier ministre Bart De Wever, vise à permettre l’interdiction de toute organisation dont les activités représentent une menace sérieuse pour la sécurité nationale ou les fondements démocratiques du pays. Parmi les groupes potentiellement visés : Samidoun, un réseau lié à la cause palestinienne, et les Frères musulmans.
La proposition de loi, soutenue par le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur Bernard Quintin, autoriserait la dissolution de structures, qu’elles soient formelles ou informelles, si elles sont jugées dangereuses pour l’État de droit. Elle s’inscrit dans une dynamique observée dans d’autres pays européens comme la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, qui ont déjà adopté des mécanismes similaires.
« Nos libertés fondamentales ne doivent pas devenir des outils de subversion », a insisté De Wever lors de son intervention devant la Chambre. Il a dénoncé des groupes comme Samidoun qui, sans appeler explicitement à la violence, glorifieraient des actes terroristes tout en échappant aux sanctions pénales.
Un encadrement administratif sans juge
Le texte de loi prévoit un dispositif exclusivement administratif. Les interdictions pourraient être décidées par le ministre de l’Intérieur, après un rapport d’au moins une agence de renseignement, qu’il s’agisse de la Sûreté de l’État, de la coordination de l’analyse de la menace (OCAD), de la police fédérale ou des services militaires. Une interdiction temporaire de 30 jours pourrait également être appliquée, sous réserve de l’accord des ministres de la Justice et de la Défense. Aucun recours à un juge ne serait prévu à ce stade.
Cette concentration de pouvoirs inquiète plusieurs voix dans la société civile, qui redoutent une dérive autoritaire. « Ce projet de loi offre au gouvernement un pouvoir sans précédent de museler certaines organisations », a déclaré Nadia Cornejo, porte-parole de Greenpeace Belgique. D’autres, comme le professeur de droit Jogchum Vrielink, s’interrogent sur l’utilité d’un tel texte alors que des lois similaires existent déjà.
Samidoun dans le viseur
Fondée en 2012 par des militants du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Samidoun est régulièrement accusée de sympathies terroristes. Deux de ses dirigeants, Mustapha Awad et Mohammed Khatib, résident actuellement en Belgique. Le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration a d’ailleurs demandé récemment la révocation du statut de réfugié de Khatib.
L’organisation a récemment provoqué une vive polémique en organisant une mise en scène choquante à Bruxelles. Lors de son festival annuel « de la Résistance », des militants ont reconstitué le massacre du 7 octobre, perpétré par le Hamas en Israël. Déguisés en terroristes, ils ont mimé une attaque armée avec des armes factices, sous les cris et applaudissements de spectateurs. Cette scène, jugée insoutenable par de nombreux responsables politiques, a renforcé les appels à sa dissolution.
Les opposants dénoncent une atteinte à la démocratie
Du côté de Samidoun, la riposte est ferme. L’organisation annonce vouloir contester la loi devant la Cour constitutionnelle, appelant à la mobilisation populaire contre un texte qu’elle considère comme une attaque à la liberté d’expression et à la cause palestinienne.
Mohammed Khatib, dans une déclaration publique, a accusé le gouvernement belge de « servir des intérêts étrangers » et de tenter de museler toute voix critique du conflit israélo-palestinien. Samidoun affirme que cette législation est une partie intégrante d’une guerre menée contre les soutiens du peuple palestinien.
Une approche sécuritaire controversée
Pour ses défenseurs, la loi vient répondre à une réalité préoccupante : des groupes radicaux s’installent dans les marges de la légalité pour propager des idéologies extrémistes. Le député Sam van Rooy a même reproché au gouvernement de n’avoir pas agi plus tôt, estimant que si Samidoun n’avait pas été une organisation à dimension étrangère, elle aurait déjà été interdite.
En Belgique, la question de la sécurité intérieure est de plus en plus centrale dans le débat public. La volonté d’empêcher des mouvements extrémistes de nuire semble faire consensus dans certaines sphères politiques, même si les modalités juridiques du projet de loi restent discutées. Ce texte, qui doit encore franchir plusieurs étapes avant d’être adopté, marque en tout cas une volonté assumée du gouvernement de renforcer l’arsenal contre les menaces internes à la démocratie.
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