Face à l’irruption inattendue d’une frappe israélienne sur son sol, le Qatar a officiellement convoqué ce lundi un sommet arabo-islamique exceptionnel à Doha. Cette réunion, précédée d’une conférence préparatoire des ministres des Affaires étrangères, vise à élaborer une réponse collective forte, tant sur le plan diplomatique qu’économique, voire judiciaire.
L’attaque israélienne, qui ciblait des représentants du Hamas réunis à Doha pour examiner une proposition de cessez-le-feu, a suscité une condamnation unanime de la part du gouvernement qatari. Le Premier ministre a qualifié la frappe de « terrorisme d’État » et dénoncé une violation flagrante de la souveraineté nationale. Selon lui, l’opération israélienne met en péril non seulement les efforts de médiation, mais aussi la stabilité régionale.
L’Égypte en première ligne diplomatique
Le Caire joue un rôle clé dans la préparation du sommet. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi devrait prendre part à la conférence, symbole de l’implication directe du pays dans la recherche d’une réaction arabe coordonnée. Avant Doha, le ministre égyptien des Affaires étrangères a tenu des entretiens avec les homologues saoudien, turc et pakistanais afin de poser les bases d’une riposte commune aux répercussions de la frappe israélienne.
De fait, l’Égypte souhaite recouvrer un leadership arabe incontesté, en offrant Doha comme plate-forme de solidarité, mais aussi comme tremplin pour renforcer les efforts diplomatiques en faveur d’un règlement du conflit israélo-palestinien.
Plus qu’une simple condamnation : des mesures concrètes à l’étude
Au-delà de la dénonciation morale de l’agression israélienne, la conférence d’urgence devrait produire des décisions opérationnelles. Plusieurs options sont sur la table :
. une condamnation formelle d’Israël devant les instances internationales,
. une saisine du Conseil de sécurité ou d’un tribunal international,
. le gel ou la suspension des relations économiques et diplomatiques avec Israël, au moins jusqu’à la fin des hostilités à Gaza,
. la proposition d’un cadre régional de sécurité et de coopération, inspiré de l’expérience européenne des accords d’Helsinki, afin de prévenir toute nouvelle violation de souveraineté et de coordonner les réactions.
Un collectif de diplomates arabes et islamiques œuvrant à Doha prépare une résolution cadre, callant les termes de la riposte collective, et incluant notamment un appel à légaliser la responsabilité d’Israël devant des juridictions internationales. Un ancien diplomate égyptien a également plaidé pour que l’Assemblée se saisisse du sujet de la migration forcée, la qualifiant d’une forme de crime de guerre, et demande que l’Autorité palestinienne soit réaffirmée comme acteur central de la gouvernance de Gaza après la guerre.
Le test du leadership égyptien
La participation active égyptienne à ce sommet est observée de près : elle s’inscrit dans une stratégie de reconquête d’influence au sein du monde arabe et islamique. Après des années de montée en puissance de la médiation qatarie autour de la guerre à Gaza, Le Caire entend montrer qu’il peut coordonner une réponse arabo-islamique unifiée. Certains diplomates voient en cela un double enjeu : restaurer la crédibilité du Caire sur la scène régionale, tout en resserrant les liens avec Doha pour faire bloc face à l’escalade israélienne.
Le choix du Qatar d’accueillir ce sommet envoie un message fort : malgré la menace et la frappe israélienne, le pays ne renonce ni à ses fonctions de médiateur ni à son rôle stabilisateur. En convoquant ses pairs arabes et islamiques sans délai, Doha illustre sa volonté de transformer une agression militaire en catalyseur d’un front diplomatique solide et concerté.
Malgré l’ampleur symbolique du sommet de Doha et les déclarations enflammées contre Israël, peu d’États arabes paraissent prêts à compromettre leurs intérêts économiques pour défendre le Qatar ou les dirigeants du Hamas. L’exemple de l’Égypte est révélateur : Le Caire a récemment conclu un contrat gazier stratégique avec Israël, d’une valeur de plusieurs milliards, et rien n’indique que cet accord sera remis en cause. En réalité, cette réunion relève avant tout d’un geste d’honneur et de solidarité politique à l’égard du Qatar. Mais au-delà des condamnations verbales et des motions diplomatiques, il est peu probable qu’elle débouche sur des mesures concrètes capables d’altérer l’équilibre régional.
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