En Iran, la délicate alternative aux mollahs
La répression tous azimuts exercée par le régime islamique a toujours empêché l’éclosion d’une opposition structurée. Plusieurs profils se dégagent malgré tout, dans le pays et à l’étranger.
Par Armin Arefi
Reza Pahlavi, le recours royal
Reza Pahlavi, le dernier Shah d’Iran, se voit en leader de l’opposition iranienne à l’étranger. © Salvatore Di Nolfi/AP/SIPA / SIPA / Salvatore Di Nolfi/AP/SIPA
Fils du dernier Shah d’Iran, renversé à l’issue de la révolution de 1979, l’héritier de la dynastie Pahlavi se veut le porte-voix de l’opposition iranienne à l’étranger. Ayant brièvement participé à la formation en 2023 d’une coalition d’opposants, avec notamment la journaliste Massih Alinejad et le militant Hamed Esmaeilion, le prince a fini par prendre ses distances, se rêvant un destin plus personnel.
Bénéficiant d’une cote de popularité certaine chez les nostalgiques de la monarchie iranienne, à l’étranger comme en Iran, Reza Pahlavi se propose de diriger à la chute des mollahs une transition politique avant l’organisation d’élections libres. Sur le plan diplomatique, il s’est rapproché ces dernières années du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dont il soutient l’opération militaire en Iran, qui s’appelle d’ailleurs « Rising Lion » (« Lion dressé »). Pure coïncidence ?
Narges Mohammadi, la voix de la société civile
Prix Nobel de la paix 2023, la militante iranienne des droits de l’homme continue à défier le régime islamique malgré ses nombreuses incarcérations. Ancienne partisane du mouvement de réformes prônant une ouverture politique au sein même de la République islamique, cette femme de 53 ans, a fini par rompre avec le régime face à l’incapacité de celui-ci de tolérer le moindre changement interne.
Depuis sa libération provisoire de la prison d’Evin en décembre 2024 pour raison de santé, Narges Mohammadi multiplie les interventions dans les médias étrangers afin d’alerter l’opinion publique sur les violations des droits de l’homme qui s’aggravent dans son pays. Mais elle écarte pour l’heure le moindre rôle politique si le régime venait à tomber.
Maryam Radjavi, l’islamo-marxiste
Habitant en France, la femme de Massoud Radjavi, dirigeant historique de l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI), est à la tête du mouvement d’opposition le plus organisé et le plus controversé à la République islamique. Basé à Auvers-sur-Oise, dans le Val-d’Oise, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) est la vitrine politique de l’OMPI.
Bête noire des mollahs iraniens qui considèrent le mouvement comme une « secte », les moudjahidines du peuple ont pourtant fait la révolution de 1979 aux côtés des islamistes, des marxistes et des libéraux, avant de se faire évincer du pouvoir et de passer à la lutte clandestine armée. Leur soutien à Saddam Hussein durant la guerre Iran-Irak leur a coûté beaucoup de soutien en Iran, et des milliers de leurs membres ont été froidement exécutés en prison sur ordre de l’ayatollah Khomeyni à la fin du conflit en 1988. Force d’opposition la plus redoutée par la République islamique, l’OMPI conserve un réseau important en Iran. C’est notamment elle qui est derrière la révélation en 2002 de l’existence d’un programme nucléaire secret développé par les mollahs.
Un coup d’État des gardiens de la Révolution
Le corps des gardiens de la Révolution islamique a vu son commandement décapité par l’attaque israélienne du 13 juin en Iran. © Iranian Presidency/ZUMA/SIPA / SIPA / Iranian Presidency/ZUMA/SIPA
En l’absence de troupes – israéliennes ou américaines – au sol, capables de renverser le régime, ou de manifestations populaires menaçant réellement le pouvoir des mollahs, des forces militaires pourraient profiter de l’affaiblissement de la République islamique pour fomenter un coup d’État, afin de sauvegarder leurs prébendes tout en assurant la stabilité de l’État iranien. L’hypothèse la plus crédible impliquerait le corps des gardiens de la Révolution islamique.
Véritable « État dans l’État » iranien, l’armée idéologique de la République islamique tiendrait entre ses mains une large part de l’économie iranienne (d’un tiers à deux tiers, selon les estimations les plus récentes, NDLR). « Dans ce contexte, les gardiens de la Révolution pourraient faire porter la responsabilité de l’échec aux religieux corrompus et autres figures du pouvoir », estime ainsi Ali Alfoneh, chercheur au sein du Arab Gulf States Institute à Washington.
Mais ce scénario se heurte à deux réalités: la décapitation par Israël de la quasi-totalité du commandement militaire des Pasdaran (« gardiens » en persan, NDLR) qui a affaibli l’organisation, et le maintien en vie, pour l’heure, du guide suprême, l’ayatollah Khamenei, qui reste la pierre angulaire du régime et incarne sa légitimité divine. « Un dictateur comme Khamenei ne peut pas continuer à exister », a toutefois menacé ce jeudi le ministre israélien de la Défense, Israël Katz.