Par Serge Siksik pour Mabatim
Illustration : Une du Monde
Oscar Wilde nous avertissait déjà : « Le mensonge, ce n’est pas dire ce qui est faux, c’est surtout dire ce que l’on croit vrai. »
Ces mots claquent comme une gifle. Ils touchent au cœur du problème : le drame de notre temps n’est pas seulement le mensonge cynique des manipulateurs conscients.
Le vrai danger vient de ceux qui, convaincus d’avoir raison, répandent une erreur comme si elle était vérité.
Ce ne sont plus les faussaires solitaires, mais des foules entières, sincèrement trompées, qui deviennent missionnaires de l’illusion.
Voilà pourquoi nos sociétés modernes s’enfoncent dans l’empire du faux :le mensonge n’est plus l’affaire de quelques esprits retors, mais le fruit d’une mécanique de masse.
Aujourd’hui, le mensonge n’a plus besoin de se cacher. Il règne, il structure, il ordonne. Nos sociétés vivent sous sa loi.
La grande tragédie n’est pas que quelques puissants inventent des fables, mais que des millions de relais de bonne foi les propagent avec enthousiasme.
Des journalistes convaincus d’informer, des militants persuadés de sauver le monde, des citoyens croyant défendre la justice : tous deviennent les VRP d’une imposture qu’ils ne remettent jamais en question.
Nous ne vivons pas dans l’ère de la vérité partagée, mais dans celle du faux démultiplié. Le mensonge est devenu viral. Il se transmet plus vite que la lumière, plus fort que la raison. Et celui qui croit y échapper en fermant les yeux ne fait que l’absorber davantage.
Ne soyons pas naïfs : le mensonge moderne n’est pas artisanal. Ce sont des usines, des chaînes de montage, des arsenaux entiers.
– Les États fabriquent du mensonge comme on produit des missiles : pour justifier leurs guerres, masquer leurs défaites, entretenir la peur ou l’illusion de sécurité.
– Les médias en font commerce : un mensonge spectaculaire rapporte plus qu’une vérité banale.
– Les ONG et institutions internationales en vivent : un récit fabriqué attire des fonds, légitime des causes, nourrit des carrières.
Le fabricant du mensonge est un ingénieur froid. Il connaît les leviers psychologiques : la répétition qui hypnotise, la simplification qui rassure, l’émotion qui submerge. Et plus le mensonge est énorme, plus il a de chances d’être cru.
Mais le mensonge n’existe que parce qu’il est reçu. Or, l’homme moderne, gavé d’informations, a désappris à douter.
Le doute, jadis marque de l’intelligence, est devenu suspect.
Le récepteur du mensonge n’est pas seulement victime. Il est complice. Il consomme une version prêt-à-penser comme on consomme un repas rapide : il like, il partage, il commente. Ce faisant, il devient le petit soldat du faux, répétant des slogans qu’il prend pour des idées.
Et puis il y a la cible : celui sur qui l’on ment, qui est piétiné, caricaturé, falsifié. L’Histoire en regorge. Aujourd’hui, Israël est l’exemple le plus frappant de cette mécanique mondiale : non pas une critique légitime, mais une campagne méthodique. On lui colle sur le dos les crimes de ses ennemis. On efface ses pogroms, ses attentats, ses massacres. On falsifie ses guerres. Et on expose au monde l’image d’un bourreau imaginaire. Le mensonge, ici, n’est pas accidentel, c’est une arme de destruction massive.
Les grands mensonges de l’Histoire ne manquent pas.
– Le mensonge colonial : l’Europe se prétendait « civilisatrice » tout en pillant, exploitant, écrasant. On parlait de mission humaniste, on pratiquait la spoliation. Ce mensonge a couvert des siècles de violences et de dominations.
– Les Protocoles des Sages de Sion : faux fabriqué par la police tsariste, ce texte inventa un « complot juif mondial ». Démasqué comme imposture, il continue pourtant à nourrir les haines, du nazisme à l’islamisme contemporain. Le mensonge le plus meurtrier du XXᵉ siècle : des millions de morts en furent les victimes indirectes
– L’Affaire Dreyfus : la République française, aveuglée par la haine, maquille les preuves, sacrifie un innocent, condamne un juif parce qu’il est juif. Ce fut un mensonge d’État, relayé par la presse et sanctifié par les élites. Il fallut un cri – le « J’accuse » de Zola – pour fissurer ce mur de falsifications.
– Le mirage soviétique : des décennies de propagande célébrant « la patrie du socialisme », chantée par Sartre, Aragon et d’autres. En réalité : goulags, famines, purges, un peuple réduit au silence. Ce mensonge planétaire séduisit des générations et couvrit des crimes de masse.
– Les mensonges contemporains : promesses écologiques gonflées, chiffres maquillés sur la dette, narratifs inventés autour de pandémies ou de migrations. Le mensonge moderne n’est plus un événement ponctuel : il est devenu le climat permanent dans lequel nous respirons.
… ET, et, le 22 septembre, le monde a assisté à une décision qui repose sur un mensonge planétaire : 158 membres de l’ONU soutiennent, le statut d’État à une population dont les origines diverses ne constituent pas un peuple.
Ici, l’imposture n’est pas seulement diplomatique, elle est ontologique : on tente de fabriquer une nation à partir d’un amalgame de groupes hétérogènes, unifiés seulement par la haine d’Israël.
Où ailleurs a-t-on vu pareille aberration ?
– Les Kurdes, peuple ancien, enraciné, comptant des dizaines de millions d’âmes, n’ont jamais obtenu d’État.
– Les Ouïghours, peuple turcique musulman installé depuis des siècles au Turkestan oriental (aujourd’hui Xinjiang chinois), subissent persécutions et camps d’internement, sans que leur droit à un État soit reconnu.
– Les Tibétains, peuple millénaire avec une langue, une culture et une religion propres, sont écrasés par Pékin, sans État.
– Les Aborigènes d’Australie, premiers habitants du continent, ont été marginalisés et spoliés, mais personne n’a jamais songé à leur accorder un État indépendant.
– Les Basques (Espagne/France) : installés dans le sud-ouest de la France (nord de l’Espagne) depuis l’antiquité, langue unique (le basque n’a aucun lien avec les langues indo-européennes), culture enracinée depuis des millénaires. Malgré leur identité très forte, ils n’ont jamais obtenu un État souverain.
– Les Corses : identités bien distinctes, enracinées, avec langues et cultures propres, mais qui n’ont jamais obtenu d’État indépendant.
Tous ces groupes partagent une origine commune, une continuité historique, une identité enracinée.
Ils sont des peuples au sens plein.
À l’inverse, ceux que l’on appelle Palestiniens ne constituent pas un peuple homogène : leurs ancêtres viennent d’origines multiples – tribus bédouines, migrants d’Égypte, de Syrie, du Liban ou d’Anatolie – et n’ont jamais formé une nation.
Leur seule identité commune fut inventée au XXᵉ siècle comme un projet politique, et construite contre Israël.
Organisation des Narratifs Unislamistes
Caricature de l’ONU, cette Organisation des Narratifs Unislamistes (ONU) incarne la fabrique moderne du faux.
– Elle ne juge plus les faits, elle construit des récits.
– Elle ne protège plus les victimes, elle consacre leurs bourreaux.
– Dans ses résolutions biaisées, l’Histoire s’inverse : Israël est toujours coupable, ses agresseurs toujours disculpés.
L’ONU n’est plus une institution : c’est une machine idéologique, un syndicat de la falsification.
Comment philosophes, penseurs et religions « voyaient-ils » le faux ?
– Pascal avertissait déjà que la vérité, aussi fragile soit-elle, finit par se lever, car « le mensonge ne dure qu’un moment, mais la vérité demeure éternelle. »
– Kant voyait dans le mensonge un crime absolu : mentir, c’est traiter autrui comme un simple instrument.
– Camus rappela que la révolte commence là où le mensonge devient insupportable.
– Levinas enseigna que le visage d’autrui porte une exigence de vérité, et que mentir revient à nier son humanité.
– Enfin, Hannah Arendt avertit : « Le mensonge organisé tend toujours à détruire la réalité elle-même. »
Les religions sont constantes dans leur verdict.
– Le judaïsme ordonne : « Tu t’éloigneras de la parole mensongère » (Exode 23,7) ;
– Le christianisme dénonce : « Satan est le père du mensonge » (Jean 8,44) ;
– Théoriquement, l’islam lui-même condamne le mensonge comme un vice destructeur.
Toutes les traditions voient dans le mensonge une abomination, un ferment de ruine. Mais nos sociétés sécularisées, persuadées d’avoir dépassé la morale religieuse, se vautrent dans le faux comme dans un confort au point d’avoir « institué » les cinq armes du mensonge moderne :
- L’inversion : transformer la victime en bourreau, et le bourreau en victime.
- La répétition : marteler sans relâche, jusqu’à ce que le faux devienne vérité.
- L’émotion : substituer l’image aux preuves, la larme au fait.
- L’effacement : gommer le contexte, falsifier la mémoire, réécrire l’Histoire.
- L’impunité : mentir sans jamais payer, car le mensonge prospère là où la justice se tait.
Quelle riposte et comment résister ?
– En restaurant la soif de vérité.
– En réapprenant à douter, à questionner, à exiger des preuves.
– En dénonçant sans relâche les faussaires : journalistes militants, ONG biaisées, gouvernants cyniques.
– En refusant d’être le relais passif de slogans prémâchés.
La vérité n’a pas besoin d’être majoritaire pour être éternelle. Mais elle a besoin de combattants. De femmes et d’hommes qui osent dire non.
Que les faussaires soient nommés : CNN, Al-Jazeera, l’ONU et ses agences dévoyées, Téhéran, Doha, Ankara, l’Autorité palestinienne, le Hamas, le Hezbollah.
Qu’ils soient jugés pour ce qu’ils sont : des fabricants d’armes de désinformation. Et que ceux qui relaient ces mensonges sachent qu’ils en sont complices. Car chaque « fake » partagé est une balle tirée contre les innocents, l’Élysée charge les armes du peloton.
Le mensonge constitue un crime qui tue, qui déforme, qui délégitime. Et ce crime se commet aujourd’hui au grand jour.
– À nous de refuser le faux et l’usage du faux.
– À nous de dénoncer, de hurler, de combattre.
Comme Zola hier, comme Arendt et Levinas après lui, affirmons-le : « Non, la vérité n’est pas un narratif. Non, la vérité n’est pas négociable. »
Car si nous nous taisons, alors le mensonge aura gagné, et avec lui, ce sera l’humanité qui aura perdu.