Par Yoni Green, publié dans le journal « Besheva »
« Le commandant du secteur Est de Tsahal au Liban blessé dans un accrochage avec une cellule du Hezbollah. »
C’est ainsi qu’a débuté un rapport en hiver 1997, à proximité du poste de Soujoud.
« Des obus de mortier ont frappé le poste et la zone environnante. L’un d’eux a explosé près du colonel Y., qui a été blessé par des éclats aux jambes et à la poitrine. Malgré des blessures d’abord jugées légères puis devenues modérées, le colonel Y. a continué à donner des ordres et à diriger le combat contre le Hezbollah. Pendant les échanges de tirs, incluant des bombardements de l’armée de l’air et des tirs d’artillerie, le commandant a été soigné par un médecin et un infirmier. Ce n’est qu’après la fin des tirs qu’un hélicoptère de Tsahal est arrivé pour l’évacuer à l’hôpital Rambam à Haïfa. »
Vous savez qui était ce « colonel Y. » qui a continué à commander sous le feu malgré ses blessures ? C’était Yaïr Golan.
Oui, le même Yaïr Golan qui a déclaré cette semaine : « Un État sain d’esprit ne mène pas de guerre contre des civils et ne tue pas des bébés comme un passe-temps. »
Une phrase qui sera citée pendant des années par les ennemis d’Israël comme « preuve irréfutable » que Tsahal commet des crimes de guerre.
Difficile de surestimer la gravité de ces propos, surtout venant d’un ancien chef d’état-major adjoint.
Combien de sanctions, combien de vies de soldats ou de civils coûteront-ils ?
On reviendra plus tard à l’évolution de Yaïr Golan.
Mais cette semaine, j’ai entendu des voix bienveillantes demander : « Pourquoi se focaliser sur une déclaration extrême d’un homme extrême ? Pourquoi donner tant d’importance à un marginal ? »
Eh bien, d’abord parce que le préjudice pour Tsahal et pour Israël est immense. Et ensuite, parce que selon les sondages, Yaïr Golan, chef du parti « Les Démocrates », représente environ 15 mandats. C’est un acteur significatif de la scène politique.
Il ne s’agit pas ici d’un dérapage. Tout le monde peut avoir des maladresses, à droite comme à gauche.
Mais ici, il s’agit d’une déclaration réfléchie, faisant partie d’une campagne organisée, financée, dont l’objectif est d’arrêter la guerre. De toute urgence.
La grande peur du camp « tout sauf Bibi », c’est qu’Israël gagne la guerre, écrase le Hamas — et que Netanyahou reste au pouvoir en tant que « vainqueur » malgré le désastre du 7 octobre.
Cela leur semble pire que le Hamas.
Le Hamas ? On le règlera plus tard.
Mais Bibi, il faut s’en débarrasser maintenant.
C’est pour cela que tout le bloc de gauche s’est aligné derrière Golan cette semaine : Yair Lapid, Ehud Barak, Moshe Ya’alon, Ram Ben Barak, Omar Bar-Lev, Shikma Bressler, Moshe Redman et d’autres encore.
Même ceux qui ont exprimé un semblant de critique l’ont fait du bout des lèvres, parlant de « mauvais choix de mots ».
Encore une fois, comme s’il s’agissait d’un accident — et non d’un système de pensée cohérent.
Les médias, champions de l’indignation sélective, ont relégué cette affaire aux marges.
En Une de Yedi’oth A’haronoth mercredi ?
Rien.
Aucune trace de la déclaration choquante de l’ancien chef adjoint de Tsahal et leader de la gauche.
Et que trouvait-on à la place ?
Une photo émouvante de tous les leaders de la contestation des réservistes, religieux et laïcs, unis dans un appel commun : « Pour la conscription des ultra-orthodoxes. Égalité du fardeau. Maintenant ! »
Attendez, je ne comprends pas : si le journal se soucie tant de nos soldats, pourquoi la déclaration de Golan, qui nuit à des générations de combattants — y compris à ceux qui ne sont pas encore nés — a-t-elle été enterrée ?
Se pourrait-il que les rédacteurs soient d’accord avec Golan et veuillent arrêter la guerre ?
Si oui, alors pourquoi vouloir recruter les orthodoxes pour une guerre qu’une « nation saine d’esprit » aurait arrêtée depuis longtemps ?
Doit-on aussi enrôler les élèves de la Yechiva de Poniévezh pour tuer des bébés ?
Alors oui.
Ces derniers jours, l’hypocrisie atteint des sommets : les représentants de la gauche sont en campagne frénétique pour stopper la guerre — et pour recruter les ‘harédim.
D’un côté : « Vos frères partent à la guerre ?! » — Non, surtout pas ! C’est une guerre inutile !
Et en même temps : « Et vous resterez ici ?! » — Pourquoi les ‘harédim ne participent-ils pas à l’effort ?
Ces deux campagnes semblent se contredire, mais une fois qu’on comprend l’objectif central, tout devient clair.
L’objectif, c’est de renverser Netanyahou. Toujours.
Dans chaque manifestation, chaque article, chaque crise.
Et donc, on cherche à semer la discorde entre les ‘harédim et les sionistes religieux, accusant les premiers d’être responsables du fardeau insupportable des réservistes — dans le but de fracturer le bloc de droite.
C’est aussi la raison pour laquelle la déclaration de Golan a été minimisée dans les médias.
Elle est certes utile à la campagne pour stopper la guerre, mais…
Elle est trop forte, elle blesse Tsahal.
Golan s’est « expliqué » : Ce n’est pas Tsahal qui tue des bébés pour le plaisir, mais le gouvernement Netanyahou.
(Quelle nuance utile ! Voilà qui va sûrement adoucir l’opinion internationale…)
Mais surtout : cette déclaration nuit au projet électoral des anti-Bibi.
Le rêve d’une « alliance des serviteurs », c’est-à-dire un gouvernement dirigé par Naftali Bennett, qui volerait à nouveau des voix au centre et à la droite religieuse — pour s’allier avec Golan et les partis arabes.
Mais sans les mandats de Golan, Bennett n’a pas de majorité.
Alors, surtout, ne parlons pas trop des « propos malheureux » de Golan.
Et tant qu’on y est, oublions aussi ses déclarations passées sur le besoin de « rééduquer » les jeunes sionistes religieux via Tsahal.
Tout cela vous semble compliqué ?
Alors voici un résumé en trois mots : Rien que pas Bibi.
Et ça, ça résout tout.
Mais au-delà de l’explication politique, il y a une question bien plus profonde :
Que s’est-il passé avec Yaïr Golan ?
Un héros d’Israël, qui a risqué sa vie pour défendre ce pays — comment en est-il arrivé à vilipender son armée ?
Et que s’est-il passé avec toute cette génération de généraux ?
Ami Ayalon, Moshe Ya’alon, Yuval Diskin, Amiram Levin, Ehud Barak — des hommes qui ont risqué leur vie pour Israël, qui ont formé des générations de soldats…
Comment en sont-ils arrivés là ?
Tu lis leurs interviews, tu vois leurs tweets, et tu es gêné pour eux.
Mon explication est peut-être difficile à entendre : il n’existe pas de véritable « alliance des serviteurs ».
Le service militaire seul ne définit pas l’identité juive.
Bien sûr, il est essentiel.
On l’a vu le 7 octobre.
Mais la bravoure militaire, sans lien avec la sainteté, finit en brutalité.
Et donc, malgré tout ce que Golan a accompli, cela ne suffit pas.
De même pour Ariel Sharon. Ou Ehud Barak.
La force militaire, ce n’est pas tout.
Tu peux bâtir des implantations — et les déraciner pour éviter des procès.
Nous assistons aux derniers soubresauts de cette génération de héros déchirés, déconnectés.
Pas seulement dans l’armée : aussi chez les médecins, les juristes, les intellectuels, les artistes.
L’élite israélienne s’effondre.
Comme me l’a dit récemment mon oncle, le rav Ouriël Kook : « Nous vivons une époque où les « vaches sacrées » se sacrifient elles-mêmes ».
Et quelle distance abyssale entre ces héros perdus — et la nouvelle génération connectée, qui comprend profondément le sens du combat juif.
Une génération qui se bat non par virilité, mais par foi, par lien avec l’éternité d’Israël, la Torah, les tsitsith, les tefilinnes, le shofar.
Cette jeunesse n’est pas autorisée à diriger.
Elle porte la civière — mais on ne la laisse pas décider de la direction.
Je recommande d’écouter les discours prononcés cette semaine au Mont Herzl lors des funérailles du sergent Yossef Yehouda Hirak, du yishouv de Harsha.
Sa jeune épouse, Emouna Haya, a ouvert son éloge avec le premier principe de foi du Rambam : « Je crois d’une foi parfaite que le Créateur, béni soit Son Nom, est le Créateur et le Conducteur de tous les êtres, qu’Il a tout fait, fait, et fera. »
Quel écho cela a dû produire dans le ciel.
Quelle différence entre sa foi vivante et la foi morte de Yaïr Golan.
Tous deux ont parlé au peuple d’Israël le même matin.
Et puis sa mère, Hanna, a déclaré : « Pour cet enfant j’ai prié. Merci Maître du monde de m’avoir donné un fils saint. Je remercie notre Partenaire, le Saint béni soit-Il… »
Puis vint le père, Peretz Hirak, habitant de la Cité de David, sofer, fondateur du minyan yéménite du Kotel : « Yossef Yehouda. Tu portes bien ton nom. Merci Hachem pour le bonheur que tu nous as apporté. Tu étais avec moi pour tout ce qui était saint. Tu as fabriqué la matsa avec moi chaque année… Tu étais lumière. »
Et il a conclu : « Nous sommes croyants, fils de croyants. Nous sommes totalement messianiques. Nous sommes totalement conquérants. Nous croyons en la justice de la voie du peuple d’Israël.
Nous ne sommes pas troublés par des mots aseptisés ni des idéologies creuses. C’est notre peuple, c’est notre Tora, c’est notre terre.
La foi, c’est la 50e porte. En sortant d’Égypte, nous n’avions pas encore reçu la Tora. Nous étions tombés à la 49e porte d’impureté. Si nous étions tombés à la 50e, nous ne serions jamais sortis.
Mais nous avons reçu la Tora. Elle est notre force. ‘L’Éternel donnera la force à Son peuple, Il bénira Son peuple par la paix.’ »