Friedrich Merz nuance face à Macron

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Le chancelier allemand Friedrich Merz s’est exprimé ce mardi sur la situation au Proche-Orient, lors d’une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre canadien Mark Carney. Ses déclarations contrastent sensiblement avec celles formulées récemment par le président français Emmanuel Macron, révélant une différence de ton et de stratégie diplomatique entre Berlin et Paris.

Une ligne allemande plus prudente

Interrogé sur la question de la reconnaissance d’un État palestinien, Friedrich Merz a estimé que le moment n’était pas opportun. « Les conditions nécessaires ne sont pas réunies », a-t-il déclaré, soulignant toutefois qu’Israël devait veiller à ne pas prendre de mesures irréversibles qui compromettraient la création future d’un tel État. Cette formulation illustre une ligne allemande marquée par la prudence : ne pas fermer la porte à une solution politique à deux États, mais refuser d’envisager une reconnaissance immédiate.

À l’inverse, Emmanuel Macron a exprimé à plusieurs reprises son souhait de voir progresser la perspective d’un État palestinien, estimant que cette solution représentait la seule voie possible vers une paix durable et la sécurité d’Israël. La divergence entre les deux dirigeants européens souligne la difficulté pour l’Union européenne d’adopter une position commune sur ce dossier sensible.

Réactions à la frappe de Khan Younès
Les différences d’approche se sont également manifestées à propos de l’attaque israélienne sur l’hôpital Nasser, à Khan Younès, survenue la veille. Emmanuel Macron avait fermement condamné la frappe, pointant la responsabilité d’Israël et dénonçant des pertes civiles jugées inacceptables.

Friedrich Merz, de son côté, a adopté un ton plus mesuré. « Je ne pense pas qu’Israël ait délibérément tué des journalistes dans l’attaque », a-t-il affirmé, avant de préciser qu’il attendait les conclusions de l’enquête pour se prononcer plus clairement. En refusant d’imputer directement la responsabilité à Israël avant la fin des investigations, Merz privilégie une approche de retenue diplomatique, alignée sur la tradition allemande de prudence dans le traitement des questions israéliennes.

Berlin et Paris : deux sensibilités européennes
Cette différence de posture illustre la complexité des équilibres diplomatiques au sein de l’Europe. Paris, en choisissant une parole plus offensive, cherche à affirmer un rôle moteur dans la médiation et à marquer sa désapprobation face à certaines actions israéliennes. Berlin, en revanche, reste attaché à une ligne plus nuancée, cherchant à maintenir une proximité avec Israël tout en rappelant l’importance d’une solution politique à long terme.

Les propos de Friedrich Merz s’inscrivent aussi dans la continuité de la politique allemande depuis plusieurs décennies : un soutien affirmé à la sécurité d’Israël, mais une vigilance sur la préservation de la possibilité d’un futur État palestinien. Cette approche reflète la volonté allemande de ne pas alimenter les tensions tout en conservant un rôle diplomatique équilibré.

Le poids du contexte international
La différence entre Macron et Merz ne se réduit pas à une simple divergence d’opinion personnelle. Elle reflète aussi les positions nationales respectives de la France et de l’Allemagne dans la politique étrangère européenne. La France, plus encline à adopter un discours de condamnation, cherche à mobiliser la communauté internationale autour d’initiatives diplomatiques. L’Allemagne, quant à elle, agit dans un cadre où son histoire particulière avec Israël influence fortement ses choix et ses déclarations publiques.

Dans ce contexte, la conférence de presse donnée à Berlin avec Mark Carney a permis au chancelier allemand de réaffirmer cette ligne : prudence dans le discours, insistance sur la nécessité de ne pas compromettre la solution à deux États, mais absence de reconnaissance immédiate d’un État palestinien.

Une divergence appelée à durer ?
L’écart entre les positions française et allemande pourrait compliquer l’adoption d’une voix commune au sein de l’Union européenne. Alors que certains États membres réclament des sanctions plus fermes contre Israël, d’autres privilégient la retenue et insistent sur l’importance de maintenir le dialogue avec toutes les parties.

Dans cette équation, la posture de Merz apporte un contrepoids au discours plus direct de Macron. La question est désormais de savoir si ces différences resteront des nuances de ton, ou si elles traduiront des divergences plus profondes au sein des orientations diplomatiques européennes.

Jforum.fr

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