Gaza : l’erreur stratégique de Sharon et ses conséquences

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En août 2005, le gouvernement israélien dirigé par Ariel Sharon mettait en œuvre un plan radical : le retrait unilatéral de Gaza et l’évacuation du bloc de colonies du Goush Katif. Présentée comme une décision stratégique majeure, cette opération a profondément marqué la politique israélienne et l’équilibre sécuritaire de la région. Vingt ans plus tard, les critiques estiment que ce choix a ouvert la voie à une série de crises dont les effets se font encore sentir.

Une opportunité pour le Hamas

Le retrait de l’armée et l’expulsion des colons ont permis au Hamas de consolider rapidement son emprise sur Gaza. Le mouvement a pu développer un réseau de tunnels, renforcer son arsenal et asseoir son pouvoir politique. Pour ses détracteurs, cette décision a fragilisé la dissuasion israélienne et encouragé les groupes armés à intensifier leurs actions.

Certains considèrent même que cette séquence a indirectement préparé le terrain pour l’attaque du 7 octobre, au cours de laquelle le Hamas a mené un raid meurtrier sur le sol israélien. Les violences qui ont suivi, touchant aussi bien les civils israéliens que palestiniens, sont perçues par ces observateurs comme une conséquence directe du vide laissé par le départ israélien.

Les espoirs non réalisés

À l’époque, Ariel Sharon justifiait cette politique par la promesse d’un soutien international accru, censé permettre à Israël de frapper plus durement les menaces persistantes. Cette perspective ne s’est pas concrétisée. Les réticences d’une partie de la communauté internationale à soutenir pleinement les opérations militaires israéliennes contre Gaza ont limité la portée de cet argument.

De plus, l’idée que les Palestiniens utiliseraient ce retrait pour bâtir un État stable et pacifique ne s’est pas matérialisée. Au contraire, la bande de Gaza est rapidement devenue un foyer de tensions, placé sous le contrôle exclusif du Hamas.

Un débat interne profondément idéologique
Le désengagement de Gaza a divisé la société israélienne bien au-delà de ses implications militaires. Si la droite nationaliste y voyait une atteinte grave au projet sioniste et à la sécurité nationale, une partie de la gauche modérée estimait qu’un retrait unilatéral renforcerait les éléments les plus radicaux côté palestinien.

Une anecdote illustre cette fracture idéologique. Lors d’une rencontre entre un groupe de rédacteurs en chef canadiens et des journalistes israéliens, l’ancien rédacteur en chef du quotidien Haaretz, David Landau, expliqua que, selon lui, l’importance historique du désengagement ne résidait ni dans la fin de l’occupation de Gaza, ni dans la possibilité pour les Palestiniens de se développer, ni même dans la réduction des risques pour les soldats israéliens. Pour Landau, l’événement avait une portée avant tout politique interne : il affaiblissait considérablement l’influence des colons et du sionisme religieux sur la scène israélienne. Selon ses propres termes, la destruction des implantations du Goush Katif avait réduit leur poids politique, ouvrant la voie à une recomposition des rapports de force en Israël.

Un héritage controversé
Vingt ans après, le bilan reste lourd : multiplication des attaques depuis Gaza, cycles de violences récurrents, et absence de perspective politique durable entre Israéliens et Palestiniens. Les partisans du désengagement continuent de défendre l’idée qu’il s’agissait d’un choix nécessaire, tandis que ses opposants y voient une erreur stratégique majeure ayant compromis la sécurité nationale.

Le cas du retrait de Gaza illustre à quel point les décisions militaires et politiques peuvent être influencées par des enjeux internes autant que par des considérations sécuritaires. Entre visions stratégiques divergentes et héritage idéologique, le débat reste ouvert sur ce que ce choix a réellement coûté à Israël et à la région.

Jforum.fr

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