Il a vendu son affaire pour tuer des Juifs

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À la Crown Court de Preston (notre illustration), le récit dressé par l’accusation glace : un entrepreneur ayant tenu un restaurant de bord de mer aurait vendu son affaire, quitté la côte et recentré sa vie sur un projet unique — frapper la communauté juive de Manchester lors d’une fusillade de masse. Au banc des accusés, Walid Saadaoui, 38 ans, nie les faits qui lui sont reprochés : préparation d’actes terroristes inspirés par l’idéologie de l’organisation État islamique. À ses côtés, Amar Hussein, 52 ans, est poursuivi pour les mêmes chefs, tandis que Bilel Saadaoui, 36 ans, frère de Walid, est jugé pour non-divulgation d’informations liées au terrorisme. Tous trois plaident non coupables.

Selon le dossier, la radicalisation du prévenu ne date pas d’hier. Dès 2022, Saadaoui aurait multiplié les publications en ligne glorifiant l’EI, alimentant au moins une dizaine de comptes et relayant des messages exaltant le martyre, la haine des « apostats » ou des conseils de dissimulation numérique. Après la vente de son restaurant, il s’installa dans le nord-ouest de l’Angleterre et, d’après l’accusation, se consacra à l’opération : repérages de quartiers à forte présence juive, contacts avec des intermédiaires et constitution d’un arsenal.

Le projet se précise : quatre fusils d’assaut de type AK-47, deux pistolets, environ 1 200 cartouches. C’est au moment critique — la livraison partielle des armes sur le parking d’un hôtel à Bolton — que le piège se referme : l’interlocuteur supposé fiable était un agent infiltré. Les arrestations s’enchaînent, puis l’acte d’accusation tombe : l’objectif présumé, selon les procureurs, était de « tuer autant de Juifs que possible » et, en cas d’intervention, de s’en prendre également aux forces de l’ordre.

Ce procès intervient dans une atmosphère lourde pour les Juifs de Grande-Bretagne. Début octobre, un attentat meurtrier a visé la synagogue Heaton Park de Manchester, pendant Yom Kippour. Les magistrats ont insisté : l’affaire Saadaoui n’est pas liée à cette attaque. Il n’empêche : la concomitance ravive les inquiétudes d’une communauté qui, depuis des années, investit dans la sécurité passive, la formation des bénévoles et la coopération étroite avec la police. L’idée d’une « menace hybride » — entre loup solitaire, réseaux en ligne et opportunités d’armement — n’est plus théorique.

Au-delà du fait divers, trois enseignements émergent.

1) La logistique reste le nerf de la guerre. L’acquisition d’armes de guerre et de munitions en quantité suffisante demeure la faille critique que les services cherchent à exploiter. Ici, la jonction entre propagande en ligne et approvisionnement physique a précisément offert un angle d’attaque : suivi des flux financiers en espèces, contacts sous couverture, contrôle des filières d’importation illégales et appât logistique.

2) L’idéologie prospère dans des écosystèmes fragmentés. Les contenus diffusés par l’accusé mêleraient incitations à la violence, esthétisation de la guerre sainte et conseils pratiques pour déjouer la surveillance. Ce patchwork montre comment des « micro-communautés » numériques peuvent entretenir, amplifier — et parfois concrétiser — un passage à l’acte. Les plateformes et la prévention communautaire restent des pièces maîtresses, mais l’élément décisif demeure la capacité de détecter le moment où l’idéologie devient opérationnelle.

3) La résilience communautaire est devenue une compétence. À Manchester, écoles, synagogues et centres communautaires perfectionnent depuis longtemps les protocoles d’alerte, de confinement et de coordination avec les forces de l’ordre. Cette culture de sécurité, loin d’être une panique permanente, s’apparente désormais à un savoir-faire civique : elle sauve des vies, limite la contagion de la peur et facilite le travail judiciaire.

Sur le plan judiciaire, le calendrier s’annonce long : présentation des preuves matérielles (armes, munitions), des communications interceptées et des contenus postés, auditions d’enquêteurs infiltrés et de témoins. La défense contestera l’intentionnalité, la portée des publications, la crédibilité des sources et les éléments matériels saisis. Le jury devra démêler l’idéologie proclamée du projet concret, sans se laisser absorber par l’écho des émotions suscitées par l’attaque récente contre la synagogue.

L’affaire rappelle une évidence : l’antisémitisme violent ne s’arrête pas aux frontières d’Israël, il vise toutes les communautés juives — d’où la légitimité d’une coopération étroite entre Londres et Jérusalem en matière de renseignement, de protection des sites sensibles et d’entrainement des forces. Soutenir Israël dans sa lutte contre le terrorisme, c’est aussi protéger les Juifs d’Europe. La réponse la plus responsable allie fermeté judiciaire, travail de renseignement patient et renforcement de la sécurité communautaire — afin que la liberté de culte et de vie juive demeure non négociable, partout.

Jforum.fr

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