Au plus fort de la campagne de la famine, le Hamas s’est retiré des négociations. Quand il a vu la détermination israélienne, il est revenu avec une réponse positive. C’est le moment de continuer et d’intensifier les pressions qui se sont avérées efficaces.
Ynet – Yaffa Segal
Nous oublions parfois que le Hamas est un adversaire intelligent, rusé et particulièrement cynique, prêt à accomplir des actes que nous considérons comme inconcevables pour atteindre ses objectifs. Il ment, trompe et sacrifie ses propres hommes comme instrument stratégique dans la guerre contre Israël. Le Hamas réagit aux développements, planifie et s’adapte. Nous ne devons pas le sous-estimer comme nous l’avons fait à la veille du 7 octobre.
Alors, que veut le Hamas ? Sa priorité absolue est sa survie. Le Hamas n’a pas besoin de gagner la guerre, ni de se soucier du nombre de Gazaouis qui meurent. Tant qu’il reste debout, il considère avoir gagné. De plus, un cessez-le-feu alors qu’il détient encore ne serait-ce qu’un seul otage israélien représente pour lui une double victoire : il garde une « police d’assurance » pour des années et continue d’exercer une pression psychologique sur la société israélienne, dans l’espoir de la voir se désagréger de l’intérieur.
Le Hamas s’adapte sans cesse à la situation sur le terrain, selon son estimation de sa force relative. Il tient à préserver plusieurs leviers de pouvoir. Pourquoi insiste-t-il pour revenir aux anciens mécanismes d’aide et mettre fin au nouveau dispositif ? Parce que ce nouveau système a considérablement affaibli son influence, diminué ses revenus et réduit son contrôle sur la population – recrutement de combattants, interdiction d’évacuer les civils, utilisation des habitants comme boucliers humains. C’est précisément pour cette raison qu’a éclaté la « campagne de la famine », au moment où le nouveau dispositif de distribution commençait à fonctionner et où Israël projetait la création d’une ville humanitaire – un coup potentiellement fatal pour le Hamas. Il s’est adapté, a planifié et exécuté son action à la perfection. Les résultats ont dépassé ses espérances : la communauté internationale a tout accepté sans poser de questions, la ville humanitaire a été écartée, et des États ont commencé à annoncer qu’ils reconnaîtraient un État palestinien ou imposeraient des sanctions à Israël. C’est alors que le Hamas a décidé de se retirer des négociations – rien ne pouvait mieux lui convenir.
Pourquoi est-il ensuite revenu à la table ? Parce qu’il a constaté une détermination israélienne à continuer de combattre et à atteindre ses objectifs par la force si nécessaire. Il s’est donc réadapté et est revenu aux pourparlers, tout en proposant une réponse qui vise à préserver ses leviers de pouvoir. Même s’il accepte de libérer quelques otages, il en conservera suffisamment pour atteindre des objectifs comparables.
Un cessez-le-feu lui offrirait une occasion idéale pour piéger, recruter, reconstruire et se réorganiser. Il pourrait ainsi freiner l’élan israélien, accentuer les pressions intérieures et extérieures contre Israël, l’isoler, l’affaiblir, et surtout arriver à la fin de la guerre avec encore des otages en main. Il continuerait de recevoir d’énormes sommes d’aide internationale qui l’aideraient à reconstruire et même à renforcer son vaste appareil militaire. Peu importe si cela prend des années : il a la patience d’une guerre éternelle, et l’argent finira par arriver. Qu’une grande partie soit détournée à des fins militaires, rien de nouveau sous le soleil.
La réalité est complexe et il n’y a pas de réponses simples. Si la guerre s’achève alors que le Hamas détient encore des otages, comment les récupérerons-nous ? Qu’est-ce qui le pousserait à les relâcher, et quand ? Si le Hamas reste au pouvoir et se reconstruit pour viser un nouveau « 7 octobre », comment arrêterons-nous cette menace imminente ? Comment obtiendrons-nous la légitimité, intérieure et internationale, pour une nouvelle guerre ? Comment supporterons-nous encore des centaines de morts ?
Une analyse froide de la réalité montre que priver le Hamas de ses leviers de pouvoir est une méthode qui fonctionne. Quand il est affaibli, il devient vulnérable et peut être plié. Même si nous n’arrivons pas à récupérer tous les otages dans un seul accord, il est impératif de conserver la capacité de continuer à priver le Hamas de ses forces, même après un accord partiel, afin d’atteindre nos objectifs : renverser le Hamas et ramener tous les otages.
En conclusion, un accord partiel ne peut être accepté que s’il nous laisse la possibilité de continuer à avancer. Il est inacceptable que les otages restants soient abandonnés à un avenir incertain, ou qu’Israël soit entraîné à céder et à mettre fin à la guerre sans atteindre ses buts. Si le Hamas se sent assez fort pour rejeter une proposition, nous devons lui prouver qu’il se trompe. La voie est claire : continuer et intensifier les pressions qui se sont révélées efficaces – élargir les mécanismes d’aide qui ne sont pas sous son contrôle et exercer une pression militaire massive. Seule une détermination persistante conduira rapidement à l’accord véritable que nous recherchons : le retour de tous les otages et la défaite définitive du régime du Hamas.
Avocate Yaffa Segal est spécialiste du droit international et des relations internationales. Membre du Forum Deborah, elle est responsable de domaine dans l’organisation “Les Sécuritaires”.