La parole du Hamas et l’opinion européenne

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En Occident, les déclarations du « ministère de la Santé du Hamas » sont reprises avec complaisance.

Illustration : Mahomet à la Ka’ba. Peinture du Siyar-i Nabi, Istanbul, vers 1595. Comme souvent à partir du xve siècle, le visage de Mahomet est couvert d’un voile.
Selon le linguiste et psychanalyste Georges-Elia Sarfati, la propagande du Hamas trouve un écho particulièrement favorable en Europe et singulièrement en France. Serions-nous en voie de dhimmisation ? Analyse.

En dehors de l’État d’Israël qui a été la cible d’une horde de tueurs islamo-sadiques, jamais dans l’histoire moderne une organisation criminelle n’avait été aussi choyée par sa proie – l’humanité occidentale – depuis l’attaque génocidaire du Hamas.

Tout le malheur du monde

Cet état de fait ne peut se comprendre que par la conjonction de l’obsession antijuive et de la sensibilité victimaire – source de nombre des maux qui hantent l’Europe : parce que cet évènement de la fin d’un temps, met une énième fois au travail, dans l’imaginaire collectif, la question palestinienne, érigée depuis plus d’un demi-siècle en double substitut et de la question juive, et de la question ouvrière, puisque l’OLP et l’extrême gauche ont instillé dans les mentalités que les Palestiniens cumulaient à eux-seuls toutes les souffrances, les nostalgies et les aspirations des anciens damnés de la terre.

À partir de cette disposition, l’Europe était mûre pour céder, fidèle à son ethos licencieux, au roulis de complaisance et de réticence à reconnaître le vrai et le juste. Avi Pazner avait prévenu que la sympathie des nations pour le tragique de la situation en Israël n’aurait qu’un temps. En-deçà d’une courte brèche de sympathie dans la routine du jugement à charge, le consensus anti-israélien ne tarda pas à s’enclencher. C’est que la parole du Hamas s’est avérée aussi efficiente que la violence de ses exactions. Dès les premières heures du 7 octobre, c’est le Hamas qui a donné le ton de l’information : par le relais débridé du film des atrocités sur TikTok, puis par l’appui en renfort de ses « fixeurs », commentateurs enfiévrés des tueries, à mesure qu’elles avaient lieu, enfin par la voix, apparemment crédible et autorisée – tout au long de la guerre – du « ministère de la Santé du Hamas »… Ces excès comportaient en eux-mêmes la vague de déni, puis de négationnisme qu’ils ont rendu possible, sur fond de présentisme et de sidération.

Une guerre informationnelle

Cet élan premier a conditionné l’enchaînement, non des faits mais des représentations : l’information de guerre a tôt fait de se muer en guerre de l’information, avec sa scénographie incessante de défilés de perception. L’effet pathétique a joué à plein, éveillant la compassion pour les « victimes civiles », toujours « selon le Hamas ». Ces entorses majeures aux normes de l’analyse approfondie ont permis qu’interfèrent, conformément aux règles d’une logique d’apparence, la reformulation habile de la passion antijuive qui travaille l’Europe comme son premier trait d’identité : d’abord l’unilatéralisme de stricte observance de l’ONU, avec ses concrétions de bonne conscience : « couloirs humanitaires »« aide à la population civile », ensuite la répétition, par l’UE, de l’appel au respect du droit international (à l’adresse d’Israël…). À quoi a répondu, fidèle à sa tradition de connivence avec les judéocides, de Heydrich à Sinwar, le silence implacable de la Croix Rouge, bientôt imitée par l’indifférence de l’Unicef, que les otages piochés parmi les massacrés fussent des adultes ou des enfants juifs. La réaction plus qu’improbable de l’ONU Femmes/UN Women aura quant à elle, brutalement terni l’idée que l’on pouvait se faire de l’universalisme effectif d’une institution récente, en principe spécialisée dans la défense de la dignité des femmes, quelles qu’elles fussent. Il est aussi apparu, que les « grandes » institutions, à l’instar du Hamas, n’ont pas eu la délicatesse de faire le distinguo entre les Israéliens et les Yahoud. À de notables exceptions près – l’Autriche et l’Allemagne, en dette de réparation vis-à-vis du peuple juif – la pusillanimité des gouvernants de l’UE s’est montrée sans reste. Le cas de la présidence française demeurera paradigmatique d’un style politique très innovant sur une aussi courte durée, consistant à se dédire d’un jour sur l’autre de ce qui a été proféré la veille, sans compter la règle d’abstinence qui devait s’imposer devant l’échéance d’une manifestation de la nation contre l’antisémitisme. Ce souci d’équilibre force la consternation, qui montre avant tout la peur qu’inspire la philosophie du Hamas.

Une erreur que ses soutiens et ses sympathisants savent interpréter illico comme la ratification tacite mais résignée de leurs visées. D’autant que ce refus qui consiste à se tenir en réserve de la République, alors que celle-ci exige l’élan le plus fort en défense d’elle, s’est exprimé en miroir du séparatisme de la grande coalition de gauche. En saluant le 7 octobre comme une action de la « résistance palestinienne », ses principaux représentants ont signé par leurs prises de position leur inscription dans une tradition antisémite qui remonte à Drumont. Les affiliés de cette formation désormais discréditée, ont pu cependant compter sur la cinquième colonne du Hamas, qui envahit régulièrement les villes, aux cris d’« Israël assassin ! »

Un consensus sur le dos de l’État d’Israël

Les autorités religieuses de France ne font pas exception, elles feignent de préserver un consensus devenu conformisme, mais aujourd’hui fondé sur le non-dit, sous prétexte de respecter le « pacte républicain ». Elles aussi ont choisi leur camp : celui de la connivence honteuse pour les uns (le Grand rabbinat), celui de la restriction mentale pour les autres (la Grande mosquée de Paris), celui de l’indicible pour ceux qui ont ajouté la pieuse compassion à la mémoire éternelle de la Passion (les Églises).

La solitude biblique d’Israël s’avère presque intacte : aucune grande voix, ni en politique, ni dans le sport, ni dans les arts, ni dans les lettres ne s’est élevée pour témoigner en sa faveur ; seuls quelques esprits indépendants tentent de repousser les épaisses ténèbres du moment.

Avec son essai Le radeau de Mahomet (1983), ce fut naguère le mérite de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, de nous mettre en garde contre la progression menaçante de l’islamisme dans nos contrées. Le 7 octobre 2023 a imposé aux consciences une partition idéologique quasi-planétaire, quand les multitudes, de concert avec les grandes institutions, ont exhibé le haut degré de dimmhisation des esprits. C’est la démonstration éclatante que la civilisation des Lumières vacille sur ses bases puisqu’il semble que le radeau de Mahomet ait depuis longtemps accosté sur les rives de l’Europe, et ses missionnaires sanglants pris fermement pied sur son sol. Après bien des aveuglements, le vieux monde tressaille, il sait désormais qu’il se trouve à la croisée des chemins.

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