La Syrie change de ton envers Israël

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Un récent rapport du Jewish People Policy Institute (JPPI), basé à Jérusalem, met en lumière un changement significatif dans la ligne éditoriale des médias publics syriens à l’égard d’Israël. Cette évolution survient dans le sillage de l’arrivée au pouvoir d’Ahmed al-Shara, qui a succédé à Bachar al-Assad en décembre dernier. Selon l’étude, les attaques verbales et la présence du sujet israélien dans les médias syriens ont été réduites de manière drastique depuis ce changement de leadership.

L’analyse porte sur les cinq premiers mois de l’année 2024, comparés à la même période de l’année précédente. Elle repose sur l’examen de centaines de publications issues de l’agence officielle SANA, ainsi que des journaux pro-gouvernementaux Al-Thawra et Al-Hurriya. L’étude, dirigée par les chercheurs Shlomi Bereznik et Eli Kannai, intègre également des outils d’intelligence artificielle pour évaluer la tonalité des articles.

Sous le régime de Bachar al-Assad, 43 % des dépêches de SANA contenaient des références à Israël, souvent dans un ton virulent. En 2024, ce chiffre est tombé à seulement 7 % sous le nouveau président al-Shara. De même, le journal Al-Thawra montrait une forte orientation anti-israélienne : l’année dernière, 25 % de ses tribunes d’opinion évoquaient Israël, avec 95 % qualifiées de « très négatives ». Cette année, seuls 5 % abordent le sujet, dont un tiers adoptent un ton plus mesuré, voire neutre.

Le quotidien Al-Hurriya (anciennement Tishreen) conserve une posture plus agressive : 78% de ses articles traitant d’Israël sont jugés « très négatifs ». Toutefois, même là, le nombre global de publications liées à Israël est en baisse. Une partie notable des textes désormais publiés évite simplement le sujet.

 

Pour les chercheurs du JPPI, cette tendance ne relève pas seulement d’un changement cosmétique. Elle reflète une réorientation stratégique plus large du pouvoir syrien. « Le ton reste critique, mais le recul quantitatif du discours anti-israélien est révélateur », souligne Ya’akov Katz, directeur du Centre Glazer du JPPI. Il y voit une volonté d’ouvrir une brèche vers l’Occident, dans un contexte régional en mutation.

Ce changement s’inscrit dans une série de gestes politiques récents. Parmi eux, la rencontre d’Ahmed al-Shara avec l’ancien président américain Donald Trump à Riyad, ainsi que la levée partielle de certaines sanctions économiques américaines contre Damas. Pour le JPPI, même une atténuation partielle du discours anti-israélien dans les médias contrôlés par l’État constitue un signal politique clair — certes éloigné d’une normalisation, mais symptomatique d’un infléchissement diplomatique.

La rhétorique utilisée sous l’ère Assad peignait Israël comme une puissance coloniale hostile, accusée de conspirer pour la déstabilisation de la Syrie et de toute la région. L’étude note une diminution notable des références à ce type de théories conspirationnistes, remplacées par un silence sélectif dans plusieurs publications. En d’autres termes, au lieu de critiquer ouvertement Israël, certains médias syriens préfèrent désormais ne pas en parler.

Cette évolution n’est pas isolée. Le JPPI note que les médias publics égyptiens, par exemple, continuent de consacrer environ 30 % de leurs tribunes d’opinion à Israël. En comparaison, la Syrie d’al-Shara figure désormais parmi les pays de la région où l’attention portée à Israël par les médias d’État est la plus faible.

L’étude complète du JPPI sera présentée à Jérusalem lors d’un colloque prévu plus tard ce mois-ci. Les chercheurs espèrent qu’elle permettra d’évaluer plus précisément les implications de cette transformation médiatique sur les relations diplomatiques régionales à moyen terme.

Bien que la tonalité globale des publications syriennes reste largement hostile à Israël, la combinaison d’une baisse du volume et d’une évolution du ton suggère un repositionnement stratégique que la communauté internationale suit de près.

 

Jforum.fr

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