L’Allemagne bloque les sanctions de l’UE contre Israël

0
89

Alors que la guerre à Gaza se poursuit, l’Union européenne, traditionnellement unifiée dans sa diplomatie, se trouve aujourd’hui profondément divisée sur la possibilité de sanctionner Israël. Ce clivage est devenu manifeste à l’occasion d’une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Copenhague.

Face à une pression croissante de l’opinion publique pour que l’UE réagisse à la crise humanitaire à Gaza, plusieurs États membres, emmenés par l’Espagne, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, l’Irlande et le Luxembourg, ont demandé des mesures fortes. Ces propositions incluent la suspension de l’accord de libre-échange avec Israël, des sanctions contre les entreprises de recherche israéliennes dans le cadre du programme Horizon Europe, un boycott des produits issus des colonies en Cisjordanie, ainsi que des sanctions ciblées contre des ministres considérés comme extrémistes.

Pour fonctionner, certaines de ces mesures nécessitent une majorité qualifiée — c’est-à-dire le soutien de 55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’UE — tandis que d’autres, comme la suspension de l’accord de libre-échange, exigent l’unanimité des 27 pays.

C’est ici qu’intervient l’Allemagne, soutenue par la République tchèque et l’Italie, pour bloquer ces propositions. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a explicité son opposition : selon lui, cibler des aspects civils tels que le commerce ou la science est une erreur. L’Allemagne privilégie une pression ciblée, notamment par un moratoire sur les exportations d’armes susceptibles d’être utilisées à Gaza. Cette position découle, selon Berlin, d’une logique pragmatique — la volonté d’exercer un impact réel sans nuire à l’économie européenne ni fragiliser les structures communes de coopération.

Cette frilosité demeure critiquée par les partisans de mesures plus musclées. Ils estiment que retarder ou diluer une réponse collective équivaut à affaiblir la voix européenne en matière de diplomatie et de défense des droits de l’homme. Certains dénoncent une forme de dilettantisme moral qui pourrait entacher la crédibilité de l’Union sur la scène mondiale.

L’Allemagne n’est pas seule dans cette posture. L’Autriche a exprimé des réserves similaires, se déclarant ouverte à des sanctions ciblées, notamment à l’encontre des colons violents, mais refusant une suspension générale du partenariat commercial. Pendant ce temps, la Hongrie ou la République tchèque repoussent la moindre initiative exigeant une unanimité.

Sur le plan pratique, les efforts d’imposer un gel partiel du programme Horizon Europe ont échoué faute de soutien suffisant. Sans majorité qualifiée, cette mesure, pourtant jugée symbolique par certains, n’a pas pu être adoptée. Résultat : aucune sanction majeure n’a été mise en œuvre, malgré la reconnaissance d’un manquement d’Israël à ses obligations en matière de droits de l’homme au regard de l’accord d’association.

Paradoxalement, alors que l’UE peine à concilier ses divisions, certains gouvernements nationaux réagissent. L’Allemagne, longtemps alliée indéfectible d’Israël, a récemment annoncé qu’elle suspendait tout export d’équipement militaire pouvant potentiellement servir à intensifier le conflit à Gaza. Un geste inédit, qualifié de lourd de sens, bien que parti sur la lancée de critiques grandissantes vis-à-vis de la gestion du conflit.

Ce tableau reflète un dilemme de taille pour l’Union européenne : peut-elle conjuguer valeurs universelles et intérêts économiques dans un contexte géopolitique ultra-tendu ? Les divisions internes, loin d’être anecdotiques, risquent d’affaiblir son rôle de moteur diplomatique en temps de crise.

Jforum.fr

Aucun commentaire

Laisser un commentaire