L’Allemagne, hantée par sa culpabilité pour la Shoah, sous pression pour son soutien à Israël

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Les alliés occidentaux encouragent Berlin à reconnaître l’État palestinien et à soutenir les sanctions de l’UE contre Israël, alors que les sondages montrent qu’une majorité d’Allemands s’oppose au conflit actuel avec le Hamas

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à droite, rencontre le chef de l’opposition allemande Friedrich Merz au bureau du Premier ministre à Jérusalem, le 12 février 2024 (Crédit : Kobi Gideon / GPO).

La pression monte sur l’Allemagne pour qu’elle rejoigne les initiatives visant à sanctionner Israël en raison de la guerre à Gaza, alimentant un débat tendu dans un pays hanté par sa culpabilité pour la Shoah.

Berlin, soutien indéfectible d’Israël, se retrouve en porte-à-faux avec de nombreux alliés européens.

Si l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas a été unanimement condamnée en Occident et est considérée comme l’origine de la guerre, nombreux sont ceux à juger désormais que la riposte militaire israélienne est disproportionnée compte-tenu du nombre de victimes civiles.
Cette semaine, l’attention se tourne donc vers Berlin, qui devra se positionner quant aux propositions de l’UE de sanctionner Israël. Un sommet est prévu le 1er octobre à Copenhague et le chancelier Friedrich Merz doit y prendre position.

En outre, des manifestations contre la campagne militaire israélienne à Gaza sont devenues hebdomadaires en Allemagne.

« L’Allemagne est sous une pression accrue venant de plusieurs directions », relève auprès de l’AFP, Mariam Salehi, chercheuse en relations internationales à l’Université libre de Berlin.

« Ca provient de partenaires au sein de l’Union européenne (…) mais aussi de la société civile », poursuit-elle.

Un drapeau palestinien (à droite) côtoie un drapeau israélien (à gauche) lors d’une manifestation intitulée « Tracez la ligne rouge avec nous : ensemble pour Gaza ! » dans le centre de Berlin, le 27 septembre 2025. (Crédit : RALF HIRSCHBERGER / AFP)

 

Redéfinir « Plus jamais ça »

Remettre en question le soutien indéfectible à Israël reste un tabou majeur en Allemagne, qui a exterminé six millions de Juifs pendant la Shoah.

L’ex-chancelière conservatrice Angela Merkel avait érigé la sécurité israélienne au rang de « raison d’Etat », c’est-à-dire un principe fondamental dépassant toute autre considération.

Les propos de Christoph Heusgen, son ancien conseiller diplomatique et ex-ambassadeur à l’ONU, ont donc fait l’effet d’une petite bombe politique : fin août, il a jugé qu’Israël risquait de devenir un « Etat d’apartheid » et appelait Berlin à reconnaître l’Etat palestinien.

De quoi nourrir le débat de savoir si, 80 ans après la fin de la guerre, « plus jamais ça » ne doit pas prendre une autre signification que le soutien à Israël.

« Tel qu’il est interprété aujourd’hui, ce principe implique une responsabilité envers l’Etat d’Israël. Mais on pourrait aussi le voir comme une responsabilité envers le droit international (…) et la promesse qu’aucun génocide ne doit jamais se produire », avance Mme Salehi.

Face à la situation humanitaire à Gaza, Berlin a durci le ton. En août, le chancelier conservateur Friedrich Merz a annoncé de premières restrictions sur les ventes d’armes à Israël.

Les participants brandissent une banderole sur laquelle on peut lire « Un génocide n’en justifie pas un autre » lors d’une manifestation organisée sous le slogan « Tracez la ligne rouge avec nous : ensemble pour Gaza ! » devant l’hôtel de ville rouge (Rotes Rathaus) à Berlin, le 27 septembre 2025. (Crédit : RALF HIRSCHBERGER / AFP)

Si la décision a été saluée par la gauche, elle a été vivement critiquée à droite. Stefan Mayer, un spécialiste des questions diplomatiques au sein du parti conservateur bavarois CSU, avait ainsi dénoncé « une inversion des rôles entre victimes et bourreaux ».

Enfer sur Terre

La Société germano-israélienne, l’association d’amitié entre les deux pays, a pour sa part qualifié cette décision de « victoire pour le Hamas dans la guerre mondiale de la propagande ».

Contrairement à l’Espagne ou à des enquêteurs de l’ONU, M. Merz s’est en outre bien gardé d’employer le terme de « génocide » s’agissant de Gaza. Berlin a également assuré ne pas envisager de reconnaître l’Etat palestinien, contrairement à la France, au Royaume-Uni, à l’Australie, au Canada.

Alors que l’UE envisage de restreindre ses échanges commerciaux avec Israël et de sanctionner certains ministres, le chancelier Merz se retrouve donc à l’heure du choix.

De gauche à droite : le président français Emmanuel Macron, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le chancelier allemand Friedrich Merz lors d’une réunion du sommet de la Communauté politique européenne (CPE), à Tirana, en Albanie, le 16 mai 2025. (Crédit : Ludovic Marin/AFP)

Rene Wildangel, historien et ancien chercheur au Conseil européen des relations internationales, a rappelé que le ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul a qualifié Gaza d’ »enfer sur Terre » lors de son discours à l’ONU.

« L’Allemagne fait bien trop peu pour mettre fin à cet enfer », a-t-il déploré auprès de l’AFP.

Le mécontentement grandit aussi dans la population allemande.

Samedi, des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Berlin pour réclamer la fin de la campagne militaire israélienne à Gaza.

Et, selon un sondage de la chaîne publique ZDF, 76% des électeurs allemands jugent injustifiée l’ampleur de l’action militaire israélienne à Gaza. Et une enquête YouGov publiée en septembre révèle que 62 % des sondés considèrent qu’un génocide est en cours.

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