L’Allemagne restera-t-il le meilleur allié d’Israël ?

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Vers une ligne rouge allemande dans le soutien à Israël ?
Dans une tribune publiée par le magazine Stern, l’éditorialiste allemand Fabian Huber interpelle directement le gouvernement fédéral au sujet de sa politique vis-à-vis d’Israël, estimant que le soutien historique de l’Allemagne doit désormais s’accompagner de conditions claires. Cette position, inhabituelle dans le paysage politique allemand, intervient dans le contexte prolongé de la guerre à Gaza et des tensions diplomatiques croissantes liées à la conduite du gouvernement israélien.

L’auteur rappelle que l’amitié entre l’Allemagne et Israël, ancrée dans la mémoire de l’Holocauste, repose sur des principes fondamentaux. Parmi ceux-ci, la dignité humaine figure en tête, inscrite à l’article 1 de la Loi fondamentale allemande. Pour Huber, ce socle moral ne peut justifier un soutien aveugle à toutes les actions d’un gouvernement, fût-il celui d’un allié aussi proche.

L’éditorialiste critique avec fermeté la stratégie du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qu’il accuse d’entretenir une guerre prolongée afin de préserver sa position politique menacée par des affaires judiciaires. Selon lui, l’arrêt des hostilités pourrait précipiter la chute de son gouvernement, ce qui rendrait Netanyahou vulnérable à des poursuites pour corruption.

Huber évoque aussi sa rencontre avec l’ancien chef d’état-major israélien Dan Halutz, quelques jours après l’attaque sanglante du Hamas en octobre 2023. Dans cet échange, il dit avoir été marqué par les réponses du général retraité, qui ne niait pas les conséquences humaines des opérations militaires mais les assumait au nom de la sécurité nationale. Une réponse qui illustre, selon l’auteur, l’impasse morale dans laquelle s’enferme le conflit : « Qui a dit qu’ils étaient innocents ? » aurait rétorqué Halutz à propos des civils palestiniens.

L’éditorial s’attaque ensuite à ce que Huber perçoit comme une dérive : la déshumanisation progressive des populations civiles de Gaza, piégées entre une autorité militaire israélienne déterminée à éradiquer le Hamas et des groupes terroristes utilisant les zones habitées comme boucliers. « Aucun enfant ne mérite la faim à Rafah. Aucune famille ne devrait fuir sans fin sur des charrettes instables », écrit-il.

Huber n’élude pas la responsabilité historique allemande, ni la nécessité de garantir la sécurité du peuple juif. Mais il insiste sur une distinction fondamentale : le droit d’Israël à exister est incontestable, mais les politiques de son gouvernement ne sont pas au-dessus de la critique. Il appelle à briser le tabou d’une critique perçue comme incompatible avec la solidarité allemande, et à parler librement, sans pour autant verser dans l’antisionisme ou la délégitimation.

À la lumière des récents développements, notamment les procédures engagées contre Netanyahou à la Cour pénale internationale, Huber va plus loin : si un mandat d’arrêt était délivré, l’Allemagne ne pourrait, selon lui, accueillir le Premier ministre israélien sur son sol. Il évoque même des mesures de rétorsion ciblées contre les colons radicaux et leurs soutiens politiques au sein du gouvernement israélien.

L’un des points les plus sensibles de la tribune concerne la reconnaissance de la Palestine. Huber considère qu’un engagement sincère pour une solution à deux États impose à l’Allemagne d’envisager, à terme, la reconnaissance officielle de l’État palestinien, ce qui marquerait un tournant diplomatique majeur.

Enfin, l’auteur se montre critique à l’égard du traitement médiatique du conflit en Europe, où le débat se polarise trop souvent en faveur ou en défaveur d’un camp, comme s’il s’agissait d’un match sportif. « Le traumatisme israélien et la souffrance palestinienne coexistent », insiste-t-il, rejetant toute approche manichéenne.

Jforum.fr

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