L’antisémitisme est consubstantiel au wokisme

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Par le Professeur Dani Orbakh (notre photo)1
(Séminaire de l’Institut Argaman)

NDLR : définition de wokisme​​​ – anglicisme (souvent péjoratif) Courant de pensée d’origine américaine qui dénonce, parfois de manière intransigeante, les injustices et discriminations subies par les minorités ; mouvement, pensée woke.

Comment les universités américaines sont devenues des foyers de la lutte pro-palestinienne

J’aborderai deux sujets :

– Premièrement, la persécution politique par les wokistes : licenciement des professeurs, opposition violente aux conférenciers « politiquement incorrects », blocage des cours, etc. Je parlerai ensuite des solutions, afin de sauvegarder le pluralisme d’opinions et comment éviter d’éventuelles erreurs, pour sauvegarder ce pluralisme.

– Deuxièmement, pourquoi diable, ces wokistes sont-ils si farouchement anti israéliens et comment cela se fait-il, qu’Israël et les juifs en général, concentrent tant de haine ? Je vais essayer de démontrer, que ce sujet va au-delà de l’antisémitisme « habituel ».

Lorsqu’on parle de la persécution wokiste dans le monde académique. Je compare ce phénomène à la chasse aux sorcières du Moyen Âge.

Au préalable, posons-nous la question « pourquoi au dix-huitième siècle, la chasse aux sorcières s’est arrêtée ? » Et voici la réponse :

Ce n’est pas parce que les gens ont cessé de croire à l’existence des sorcières, non. Les peuples ont continué à croire aux sorcières et qu’elles étaient la création du diable. Ces croyances perduraient durant des siècles, jusqu’au vingtième siècle. Alors, qu’est-ce qui a entraîné l’arrêt de la chasse aux sorcières ? Eh bien tout simplement, que les élites ont cessé de participer à tout ce processus.

En effet, dans des procès pour sorcellerie, les juges ont commencé à exiger des preuves plus tangibles, que ouïe dires et ragots. Devant l’absence de preuves réelles, progressivement, le phénomène s’est éteint de lui-même.

Concernant la persécution wokiste, le processus est analogue. Il y a toujours eu des étudiants idéologisés et violents, réfractaires à tout ordre établi. Le problème c’est la collaboration des dirigeants et du corps professoral universitaire avec les étudiants activistes.

Si les élites universitaires étaient restées en dehors du mouvement, le wokisme serait probablement resté marginal.

Outre cette collaboration des élites, se rajoutent d’autres causes, qui font que cette idéologie woke persiste, notamment aux États-Unis.

– La première, est la volonté des dirigeants d’une université, de montrer leur établissement sous le meilleur jour, pour obtenir le meilleur classement, par rapport à d’autres et attirer un maximum de financements, lesquels aux État-Unis sont privés. Par conséquent, ces dirigeants, à la moindre contestation d’étudiants contre tel professeur ou tel conférencier, capitulent afin de sauvegarder le calme, car une université en désordre n’attire pas de donateurs privés. Évidement, cette attitude ne fait que multiplier des exigences idéologiques woke : déconstruction, décolonialisme, intersectionnalité, etc. de la part des étudiants et des professeurs.

– La deuxième cause contribue à pérenniser la dérive woke des universités américaines. En effet, une bonne partie du corps professoral américain actuel avait déjà été formé durant la dernière décennie alors que l’idéologie woke était en pleine expansion, justement parce que les élites intellectuelles adhéraient largement au politiquement correct3, l’origine du wokisme à ses débuts. Pour expliquer la lente dégradation d’une institution, universités en l’occurrence, je voudrais me référer à l’historien et essayiste britannique Cyril Northcote Parkinson4, auteur d’un ouvrage appelé « la loi Parkinson », qui dit de façon schématique : « plus une personne dispose de temps pour s’acquitter d’une tâche, plus celle-ci nécessitera de temps ». À partir de là, interviennent, dans une organisation la multiplication des incompétents. Pour désigner cet état de choses, Parkinson a forgé un néologisme « jaloustupidité ». C’est-à-dire, à partir du moment, où un poste de direction est occupé par une personne jalouse de ses prérogatives et stupide, alors cette personne appliquera la bêtise, comme un critère d’avancement de carrière. Il se produit alors un phénomène de mimétisme, car les subordonnés de ce même directeur, s’entoureront eux-mêmes de collaborateurs bêtes et inefficaces.

Appliquons cette loi au wokisme et ce qui se passe dans les universités américaines. Le wokisme est devenu le critère principal de nomination des professeurs et de leur avancement.

– La troisième cause de la dégradation de l’institution académique américaine peut être déduit, comme la première cause, à savoir, la chasse aux sorcières. En effet, pourquoi la chasse aux sorcières a tenu des siècles en Europe ? Parce que, pour toute une caste, principalement le clergé, elle est devenue la principale source de revenus.

Par conséquent, l’intérêt corporatiste du clergé, était que le nombre des sorcières soit grand et qu’il continue d’augmenter.

Et donc, en ce qui concerne les universités, à partir du moment où la direction wokiste nomme des membres de la diversité sans regarder les compétences, des partisans de la théorie du genre, des lobbyistes LGBT, etc., tout le système éducatif devient saturé de fonctionnaires formatés à la même idéologie. Alors pour continuer à exister, ces mêmes fonctionnaires sont obligés de trouver constamment des « problèmes » ne rentrant pas dans les normes du woke, des professeurs qui n’appliquent pas les directives woke de la direction et là où ils (les fonctionnaires) ne trouveront pas de problèmes, ils les inventeront, car leur raison d’être est de gonfler leur nombre et de se renforcer.

Je voudrais dire quelques mots quant à d’éventuelles solutions à cet état de choses, mais d’abord il faut dire, que la pire des solutions serait que des politiques s’en mêlent, en votant des lois contre la liberté académique, suivant des critères que les politiciens définiront, telle loi tant bonne et telle autre non. Ce pourrait devenir une arme à double tranchant, car les critères pourraient devenir politiques, au lieu d’être liés à la compétence dans telle ou telle discipline.

La première action, pour renverser la tendance est le licenciement, par une autorité extérieure à l’université, de tous les bureaucrates woke, qui perpétuent leur structure à l’aide de règlements, circulaires, consignes et ordonnances, afin de justifier leur soi-disant utilité. C’est ce qu’a fait Ron DeSantis, gouverneur de la Floride, avec son « Stop Woke Act ». En aucune façon cela n’impactera la liberté académique.

La deuxième action sera l’interdiction d’organiser des séminaires, ateliers et cours obligatoires, interdits aux blancs, aux hommes et/ou aux hétérosexuels, etc., car à partir où ces activités sont obligatoires, cela devient l’idéologie officielle. Ensuite, tendre le plus possible, vers une diversité politique du corps professoral, sans que cela devienne un critère de choix, évidemment la mise en œuvre d’une telle politique de recrutement est, on ne peut plus difficile.

Maintenant, je voudrais aborder le sujet d’anti israélisme.

Comment cela se fait-il, que ce positionnement idéologique soit général à toute la mouvance woke ? Je crois, que là aussi, il y a plusieurs sources historiques à l’origine de ce phénomène.

– La première apparaît dans les années vingt du siècle dernier, qui est l’opposition farouche au sionisme et cette opposition devient l’ADN d’identité arabe puis islamique. Par la suite cette opposition caractérise le panarabisme et le panislamisme, phénomènes tous deux apparus au moment même où disparaissait l’empire Ottoman, le califat qui maintenait, tant bien que mal, la cohésion de l’oumma de l’islam. Le panarabisme et le panislamisme ont remplacé le califat pour « encadrer » l’oumma. Ensuite, durant la guerre froide, vient la décolonisation et les pays arabes et musulmans rentrent dans la sphère des pays non alignés, mais qui en sous-main seront pilotés par l’URSS et les pays communistes. Or, en 1991 l’URSS s’écroule. Les communistes extérieurs à l’URSS, perdent leur modèle de référence. La chute de l’URSS se combine avec l’apparition du post-modernisme, le déconstructionisme, la « fin de l’histoire », qui sont l’expression d’opposition à l’ordre mondial occidental, tel qu’il se présente sans l’URSS. C’est alors, que l’idéologie de résistance arabo-islamique, « ataviquement » antisémite trouve dans l’opposition à l’Occident, un nouveau champ d’expression et s’adapte comme un gant à tout le mouvement post moderniste.

Le wokisme est le réceptacle naturel de tous les courants post modernistes, et dont l’idéologie de résistance arabo-islamique avec son antisémitisme et anti israélisme est la pièce maîtresse.

La diabolisation d’Israël et des juifs ne se limite pas au monde woke.

Il y a des millions de gens non woke, qui se disent préoccupés par les malheurs du monde, qu’on appelle des « bonnes âmes ». Ils veulent montrer, que le sort de tous les opprimés leur tient à cœur. Sauf que, les malheurs du monde, ils les voient sur les écrans de leur télé, ordinateurs et smartphones. Et comme les idéologues et des tenants du wokisme sont très actifs dans les médias mondiaux, toutes ces « bonnes âmes » sont abreuvées jour et nuit d’images de propagande de « souffrances palestiniennes ».

Cette propagande en mondovision est un outil multiplicateur à l’échelle mondiale, de l’anti israélisme et partant de là, de l’antisémitisme.

Résultat, Israël et les Juifs, 7 mois après le 7 octobre 2023, sont devenus le mal absolu et la cause d’une éventuelle guerre moyen-orientale, voire mondiale. DO

Dani Orbakh, Argaman


Transcription et adaptation pour Mabatim.info : Édouard Gris

1 Danny Orbach est professeur d’histoire militaire et d’études asiatiques de l’université hébraïque de Jérusalem.

3 Souvenons-nous du livre de Philip Roth « La Tache », écrit en 2000, où un professeur juif, avait été licencié, car il a utilisé un terme familier désignant des afro-américains, en s’adressant à un élève noir. (NdT)

4 Cyril Northcote Parkinson (1909-1993) auteur de « Lloi de Parkinson » (recueil d’articles publié en 1957) selon laquelle « le travail s’étale de façon à occuper le temps disponible pour son achèvement »

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