Le Qatar, allié de l’Iran, placé dans une position difficile

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Alors que la guerre entre Israël et l’Iran franchit le cap des six jours, le Qatar se retrouve dans une position de plus en plus délicate. Ce petit État du Golfe, riche et influent, a tissé des liens étroits avec Téhéran, tout en accueillant l’une des plus importantes bases militaires américaines dans la région. Cette double posture diplomatique, longtemps perçue comme un atout stratégique, devient aujourd’hui une source de tensions et de risques.

Historiquement, Doha a joué un rôle de médiateur dans plusieurs crises régionales. Il a accueilli les dirigeants du Hamas et facilité les négociations concernant les otages israéliens dans le conflit de Gaza. Dans un passé récent, le Qatar a également servi de canal de dialogue entre les talibans et les États-Unis, contribuant à la transition ayant permis le retour au pouvoir du groupe islamiste en Afghanistan. Cette capacité à parler à toutes les parties a souvent permis au Qatar de renforcer son image d’acteur diplomatique incontournable. Mais la guerre actuelle change la donne.

Depuis le 13 juin, date du lancement des frappes israéliennes contre l’Iran, les négociations liées à Gaza et aux otages semblent figées. Le conflit plus large entre deux puissances régionales — Israël et l’Iran — a éclipsé les autres enjeux. Le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Amjad al-Ansari, a exprimé la préoccupation de son pays, appelant à une désescalade par la voie diplomatique. Le Premier ministre qatari, de son côté, a condamné sur les réseaux sociaux ce qu’il qualifie d’« actions israéliennes compromettant la paix », sans pour autant s’aligner complètement avec Téhéran.

Doha doit cependant tenir compte d’une réalité géostratégique : sa proximité avec les États-Unis. La base aérienne d’Al-Udeid, située sur son sol, accueille des milliers de militaires américains. Elle a été utilisée dans le passé pour lancer des bombardiers B-52 lors d’opérations au Moyen-Orient. Si les tensions entre les États-Unis et l’Iran devaient s’aggraver, et si Washington décidait de frapper depuis le Qatar, Doha se retrouverait immédiatement sous pression, tant de la part de son allié iranien que de ses propres citoyens inquiets d’un conflit sur leur territoire.

 

En outre, alors que Donald Trump semble prêt à accentuer la pression sur l’Iran, Doha pourrait se retrouver isolé. Certains États du Golfe pourraient suivre la ligne dure de Washington. Le Qatar, de par ses relations anciennes avec l’Iran, ne pourra pas aisément les imiter. Il cherchera sans doute à maintenir sa posture de médiateur, mais cette stratégie pourrait cette fois être moins payante.

La position de Doha est d’autant plus complexe que la perception de l’Iran a changé. La capacité d’Israël à frapper efficacement les infrastructures militaires iraniennes et la faiblesse de la riposte de Téhéran ont affaibli l’image du régime chiite. Ce dernier, déjà fragilisé sur le plan intérieur, voit sa crédibilité s’effriter à l’étranger. Pour le Qatar, continuer à défendre ou à héberger des mouvements soutenus par l’Iran, comme le Hamas, devient un pari diplomatique de plus en plus risqué.

Il est donc envisageable que le Qatar revoie ses priorités. Un éloignement progressif de l’Iran pourrait lui permettre de s’aligner davantage avec les États-Unis et de préserver sa stabilité intérieure. En adoptant une posture plus ferme vis-à-vis du Hamas, Doha pourrait tenter de regagner de l’influence dans les négociations futures. Cela lui permettrait aussi de montrer sa bonne volonté à une communauté internationale de plus en plus sceptique à l’égard des soutiens indirects au régime iranien.

 

Dans ce contexte, la rhétorique classique appelant à la paix et à la négociation pourrait s’avérer insuffisante. Alors que les menaces de Téhéran s’intensifient contre les installations américaines ou les partenaires du Golfe, les capitales occidentales attendent des positions claires. Toute ambiguïté du Qatar pourrait être interprétée comme une complicité ou, à tout le moins, comme un calcul opportuniste.

Enfin, le facteur Trump n’est pas négligeable. Le président pourrait imposer une ligne dure contre l’Iran. Si Doha devait s’y opposer publiquement, cela pourrait entacher sa relation avec Washington et remettre en cause son statut privilégié d’allié majeur hors OTAN.

À l’heure où la guerre rebat les cartes au Moyen-Orient, le Qatar joue sa crédibilité. Son choix, entre fidélité à Téhéran ou alignement stratégique avec les États-Unis, pourrait avoir des répercussions profondes sur sa position régionale et son rôle futur de médiateur. Pour l’instant, Doha tente de garder l’équilibre, mais la corde se tend.

 

Jforum.fr

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