La Syrie, longtemps considérée comme un pilier du front anti-israélien au Moyen-Orient, manifeste aujourd’hui des signes d’ouverture inédits en direction d’Israël. Selon des responsables syriens de haut niveau, le président Ahmed al-Sharaa aurait exprimé, lors d’une réunion à Damas début avril, sa disposition à envisager une normalisation des relations avec l’État hébreu. Cette initiative, si elle se confirmait, marquerait un profond changement dans la posture historique de la Syrie, techniquement en guerre avec Israël depuis 1948.
Une conjoncture régionale propice
Pour Nir Boms, président du Forum de recherche sur la Syrie au Centre Moshe Dayan de l’Université de Tel-Aviv, cette inflexion syrienne ne survient pas en vase clos. Il la rattache à un affaiblissement de l’axe iranien depuis le 7 octobre et à une pression croissante exercée par les États-Unis sur les acteurs régionaux. Le Hezbollah, pilier de l’influence iranienne au Liban et en Syrie, a perdu du terrain, ce qui redéfinit les rapports de force. Boms évoque également la réémergence d’une opposition syrienne longtemps marginalisée, désormais à nouveau active sur le plan politique.
Le cas du Golan, pierre d’achoppement persistante
Malgré ces signaux encourageants, plusieurs obstacles structurels freinent toute avancée rapide. Le statut du plateau du Golan, annexé par Israël en 1981 et que la Syrie souhaite récupérer, reste au cœur du différend. En outre, l’opinion publique syrienne demeure partagée, et certains acteurs politiques réclament que toute initiative de paix repose sur un mandat populaire clair, accompagné de réformes politiques internes.
Pour Israël, un accord de normalisation avec Damas permettrait de stabiliser sa frontière nord, de réduire l’influence iranienne et de s’intégrer davantage dans un espace économique et sécuritaire régional. Pour la Syrie, une telle démarche ouvrirait la porte à une sortie de son isolement diplomatique, à l’obtention de soutiens financiers pour la reconstruction et à une reconnaissance accrue sur la scène internationale.
L’un des éléments nouveaux du processus réside dans la montée en puissance de la diplomatie interpersonnelle. Boms rapporte entretenir des relations étroites avec des Syriens depuis près de 15 ans. Il évoque l’accueil de plusieurs d’entre eux chez lui, les soins médicaux prodigués à plus de 5 000 patients syriens dans les hôpitaux israéliens et les projets humanitaires menés dans le cadre de l’opération « Bon Voisin ».
Selon lui, une partie de la société civile syrienne aspire aujourd’hui à un avenir fait de stabilité et de prospérité, une aspiration nourrie par les années de guerre et d’effondrement économique. Cette évolution se manifeste aussi dans les discours de figures naguère intransigeantes, comme al-Jolani, chef du groupe Hayat Tahrir al-Cham, qui adopterait désormais un ton plus nationaliste et pragmatique.
Une opportunité à saisir avec prudence
Malgré l’incertitude qui entoure la solidité de cette ouverture syrienne, certains analystes estiment que l’heure est propice à une reconfiguration des alliances régionales. Boms évoque l’émergence d’un « axe de renaissance » fondé sur une collaboration entre partenaires pragmatiques tels que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Jordanie et Israël.
À terme, si les obstacles peuvent être surmontés, ce rapprochement inédit entre Damas et Jérusalem pourrait redessiner le paysage diplomatique du Moyen-Orient, en ouvrant une nouvelle phase de coopération, de désescalade et, peut-être, de paix durable.
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