Le nouveau pontife, qui n’a pas fait de déclarations sur Israël et n’est pas une figure de proue de la lutte contre l’antisémitisme, suscite malgré tout la confiance chez les dirigeants juifs américains
JTA — Le cardinal Robert Prevost, fraîchement élu pape Léon XIV ce jeudi, a étudié sous la direction d’un pionnier des relations judéo-catholiques au séminaire de Chicago, le révérend John T. Pawlikowski.
Ce révérend a enseigné pendant une cinquantaine d’années à l’Union théologique catholique jusqu’à sa retraite, en 2017, et a cofondé et dirigé son programme d’études catholiques-juives, tout en siégeant à quatre reprises au conseil d’administration du Musée commémoratif de la Shoah des États-Unis.
Pawlikowski ajoutera plus tard qu’il lui avait « laissé le souvenir de quelqu’un de très ouvert d’esprit, tout-à-fait dans la mouvance de Vatican II. »
En 1965, Vatican II, ou Concile Vatican II, a imposé une nouvelle ère dans les relations judéo-catholiques en publiant un document, Nostra Aetate, qui répudiait l’antisémitisme et déclarait que le peuple juif n’était pas responsable de la mort de Jésus. Les relations entre les deux communautés religieuses ont connu un grand essor à l’époque où Léon étudiait en vue du sacerdoce, à la fin des années 1970 et au début des années 80.
Sous la direction de Pawlikowski, Léon a étudié les questions sociales catholiques, axées sur les thématiques sociales et économiques. Selon Pawlikowski, les relations avec les Juifs sont particulièrement pertinentes sur ce point. L’Union théologique catholique est active dans les relations entre catholiques et Juifs depuis sa fondation et a lancé son programme officiel de terrain en 1968.
« J’ai toujours dit que l’antisémitisme devait être considéré comme faisant partie de l’engagement catholique en faveur de la justice sociale et la dignité humaine », dit-il. « Mon travail sur les questions sociales catholiques a toujours inclus l’antisémitisme. »
Le pape a fait une grande partie de sa carrière au Pérou et est considéré comme un centriste, initié du Vatican. Il n’a pas été une figure de premier plan dans le dialogue judéo-catholique ou dans la lutte contre l’antisémitisme, et ne semble pas s’être officiellement exprimé sur Israël ou la guerre à Gaza, déclenchée par le pogrom commis par le Hamas le 7 octobre 2023. Son prédécesseur le pape François s’était, lui, prononcé sur ces questions et avait entretenu des relations avec des dirigeants juifs dans son Argentine natale.
« L’élection d’un pape américain est de bon augure pour le futur des relations entre catholiques et juifs. Plus que partout ailleurs dans le monde, les relations entre catholiques et juifs ont prospéré et établi une sorte de référence aux États-Unis. »
François s’était ouvertement opposé à l’antisémitisme et avait oeuvré à la promotion des relations avec les Juifs, mais il s’était également attiré les foudres de certains dirigeants juifs, ces dernières années, en raison de ses critiques de la guerre menée par Israël contre le Hamas, à Gaza. L’un de ses derniers actes en tant que pape aura d’ailleurs consisté à faire don de sa papamobile à Gaza afin qu’elle serve d’unité médicale mobile.
Pawlikowski a dit croire à l’existence d’une « volonté de poursuivre » les relations entre catholiques et juifs, tout en ajoutant que « la situation en Israël et à Gaza a eu un effet dramatique ».
Son ancien élève va-t-il ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre catholiques et juifs ? Pawlikowski estime qu’il est trop tôt pour le dire, d’autant que Léon ne s’est pas encore penché sur la question.
« Il n’a pas vraiment officié dans une zone dotée d’une communauté juive vraiment prononcée », explique-t-il. « Sur le plan des relations interreligieuses, il devra nous montrer où il en est, mais je pense que son attitude sera plutôt extravertie et positive. »
Dans son premier discours en tant que pape, Léon a lancé un appel au dialogue : « Aidez-nous aussi, aidons-nous les uns les autres – à construire des ponts par le dialogue, par la rencontre, en unissant le monde en un seul peuple, en paix pour toujours », a-t-il déclaré.
Le rabbin Joshua Stanton, vice-président associé en charge des initiatives interconfessionnelles et intergroupes au sein des Jewish Federations of North America, y voit le signe que le pape s’intéresse aux relations judéo-catholiques. Il rappelle que cette année est aussi celle du 60e anniversaire de Nostra Aetate, dont il espère que Léon commémorera l’édiction avec engagement.
« J’ai bon espoir qu’il ait fait mention de l’importance du dialogue et de l’ouverture au-delà de l’Église catholique, vers d’autres communautés religieuses », estime Stanton en ajoutant que Léon XIV a une réputation d’« efficacité tranquille » et qu’il serait attentif à la prise de fonctions du nouveau pontife.
« Invitera-t-il des dirigeants juifs au Vatican ? », questionne-t-il. « Invitera-t-il des dirigeants d’autres confessions ? Fera-t-il venir plusieurs groupes en même temps ? »
L’allocution donnée par Léon jeudi était axée sur la paix. Avec la guerre qui fait rage à Gaza, Marans n’a pas pris cela pour une référence spécifique au Moyen-Orient.
« Tous les papes veulent la paix », conclut-il. « Et permettez moi d’ajouter que tous les catholiques, tous les juifs, tous les rabbins veulent la paix. »