Israël a lancé, lundi, une opération terrestre d’ampleur inédite dans la ville côtière de Deir al‑Balah, au cœur de la bande de Gaza. Des blindés et des unités d’infanterie ont pénétré simultanément par les quartiers sud et est, quelques heures seulement après la diffusion d’ordres d’évacuation invitant la population civile à gagner l’ouest ou le sud de l’enclave. Dans ce secteur densément peuplé – refuge de milliers de Gazaouis déplacés depuis octobre 2023 – l’armée affirme cibler les infrastructures militaires du Hamas et rechercher des otages toujours détenus dans la région.
Deir al‑Balah occupe une position stratégique entre la ville de Gaza et Khan Younès. Traversée à l’est par la route Salah‑al‑Din et bordée à l’ouest par la route côtière menant à la zone humanitaire d’al‑Mawasi, la cité se trouve à la croisée des deux principaux axes nord‑sud de la bande. Cette localisation, combinée à la présence de quatre « camps centraux » – Nuseirat, Deir al‑Balah proprement dit, Bureij et Maghazi – en a fait un bastion naturel pour le Hamas, qui y bénéficie d’un solide réseau de soutien issu de l’histoire même des camps de réfugiés créés après 1948.
Le facteur otages au centre des décisions
La présence possible d’otages a pesé lourd dans la planification militaire. Quatre captifs avaient déjà été libérés lors d’un raid audacieux à Nuseirat en juin 2024. Les services de renseignement israéliens soupçonnent qu’une partie des quelque quarante personnes encore portées disparues pourrait être détenue dans les souterrains ou les immeubles densément construits de Deir al‑Balah. Cette hypothèse explique à la fois la retenue précédente de Tsahal et l’ampleur des moyens déployés aujourd’hui : l’objectif affiché est de neutraliser les capacités du Hamas sans mettre en danger les otages.
Un dernier bastion pour le Hamas ?
Depuis le lancement de l’opération « Chars de Gédéon » en mai dernier, l’état‑major israélien affirme contrôler environ 70 % de la bande de Gaza. Pourtant, des répliques du Hamas à Beit Hanoun au nord et dans plusieurs secteurs du sud ont montré la résilience de ses réseaux. Les camps centraux représenteraient, selon les analystes, « la dernière grande zone de pouvoir cohérente » du mouvement islamiste. Les rues étroites, l’urbanisme dense et le relief côtier offrent un terrain favorable à la guérilla, compliquant toute progression mécanisée.
Une opération à hauts risques
Militairement, l’enjeu est double : démanteler les infrastructures souterraines du Hamas – tunnels, postes de commandement, dépôts d’armes – tout en sécurisant éventuellement des otages. Politiquement, Israël cherche à démontrer que le mouvement islamiste n’a plus de sanctuaire. L’armée s’attend toutefois à une campagne longue et coûteuse : l’expérience de la reconquête de Khan Younès, puis le retour des combattants adverses dans certains quartiers, rappelle la difficulté de « tenir » durablement le terrain.
Une issue encore incertaine
Alors que la médiation internationale tente de relancer des pourparlers de trêve, l’assaut sur Deir al‑Balah pourrait bien être décisif pour la suite du conflit. S’il permet la neutralisation durable du Hamas et la libération d’otages, il renforcerait la position d’Israël. À l’inverse, une opération prolongée, coûteuse en vies civiles et sans résultat tangible pourrait raviver les critiques et compliquer toute sortie politique.
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