Lettre ouverte à Monsieur Renaud Girard, chroniqueur au Figaro

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Lettre ouverte à Monsieur Renaud Girard, chroniqueur au Figaro

Objet : À propos de votre article du 27 mai sur Gaza

Monsieur,

Lecteur fidèle et souvent admiratif de vos chroniques, je m’étonne profondément de votre article du 27 mai consacré à la situation humanitaire à Gaza.

Vous y reprenez — sans la moindre réserve — les chiffres fournis par le Hamas, alors même que ce dernier a publiquement reconnu, en mai 2024, que 72 % des morts étaient des hommes en âge de combattre.

 Cette déclaration, relayée par plusieurs médias internationaux, s’est accompagnée du retrait discret de milliers de noms initialement présentés comme des victimes civiles.

 Pourquoi ne pas avoir mentionné ce tournant capital ? Pourquoi continuer à parler de “deux tiers de victimes civiles”, alors que ce chiffre est désormais infirmé — y compris par ses propres auteurs ?

Je m’interroge également sur l’absence totale de toute mention des otages israéliens encore détenus par le Hamas, dont le sort tragique et inhumain devrait, me semble-t-il, faire partie intégrante de toute analyse honnête du conflit.

Vous passez également sous silence un fait essentiel : pendant dix-sept mois, après le massacre du 7 octobre, Israël a continué à laisser passer l’aide humanitaire vers Gaza, tout en maintenant les livraisons d’eau et d’électricité — ce qu’aucun pays au monde n’aurait toléré dans des conditions similaires.

 Le blocage temporaire du mois de mars 2025, que certes vous n’évoquez pas mais qui est présenté comme un acte de brutalité par presque tous vos confrères est en réalité survenu après la découverte du détournement systématique de cette aide par le Hamas, sa revente à prix fort à sa propre population, et son utilisation pour acheminer des armes.

Vous citez avec émotion les prénoms des enfants d’un médecin palestinien morts dans un bombardement. C’est bouleversant, bien sûr. Mais avez-vous éprouvé le même souci du détail après le 7 octobre, en énumérant les prénoms des enfants juifs assassinés, brûlés ou décapités avec leurs parents dans les kibboutzim ?

Aviez-vous cité en son temps le nom des membres des familles décimées par les bombardements français sur Raqqa ?

Devons-nous vous rappeler que ceci avait été fait à la suite de l’acte terroriste du Bataclan, nous ne nous souvenons pas de leçon de morale de votre part au gouvernement français.

Vous citez à juste titre Arthur Koestler, mais vous semblez ignorer ou minimiser l’ancrage historique profond du sionisme : depuis la dispersion il y a vingt siècles, “L’an prochain à Jérusalem” est resté au cœur des prières juives. Il ne s’agit pas d’un fantasme moderne, mais d’un fil ininterrompu de mémoire, de foi et d’histoire.

Enfin, vous vous indignez — avec compassion — de ce que le “refus arabe” a contraint Israël à faire.

Mais je ne lis nulle part, dans votre texte, la moindre indignation sur ce refus lui-même, ni sur la manière dont il se manifeste depuis plus d’un siècle, au mépris de toute perspective de coexistence.

Ces omissions — venant d’un analyste aussi chevronné que vous — interrogent.

Elles participent, peut-être malgré vous, à une narration déséquilibrée : celle qui présente Israël comme un oppresseur, sans jamais replacer les faits dans leur complexité.

Est-ce là une chronique, un billet d’humeur, ou un pamphlet ? Vous ne nous aviez pas habitués à hurler avec les loups. Hélas, c’est très tendance ces temps-ci.

J’ose espérer que vous reviendrez bientôt à cette rigueur intellectuelle que vos lecteurs vous reconnaissent : celle qui refuse les raccourcis moraux, les chiffres suspects, et les indignations sélectives.

Avec toute ma considération,

Paul Germon, BNVCAEG

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