
Au Liban, on s’indigne du fait que Téhéran continue d’intervenir dans les affaires du pays. Cette fois, la polémique tourne autour de l’affirmation selon laquelle “30 % des membres de l’armée libanaise appartiennent au Hezbollah”, publiée sur le site officiel de Khamenei puis démentie : “Tous les éléments de l’armée sont loyaux à la nation”. Et aussi : l’accusation selon laquelle “l’Iran monte Israël contre l’armée libanaise”.
Ynet
Ces derniers jours, une nouvelle intervention iranienne au Liban a suscité l’ire, y compris au sein de l’armée du pays du Cèdre. Dans un communiqué officiel publié ce jeudi matin, l’armée a indiqué qu’“un site Internet étranger a diffusé des informations concernant l’appartenance et la loyauté de certains militaires envers une partie donnée”.
Selon l’armée libanaise : « Le commandement de l’armée dément l’exactitude de ces informations et confirme que tous les membres de l’armée adhèrent à une doctrine militaire claire et sont loyaux envers l’institution militaire et la nation. Il appelle également à éviter de diffuser des nouvelles visant à nuire à la réputation de l’armée, surtout en cette période critique. »
L’origine de la polémique : un entretien diffusé par un site affilié à Khamenei
Quelques jours plus tôt, un média iranien avait publié un reportage sur le lien entre l’armée libanaise et le Hezbollah, reportage qui n’a manifestement pas plu au commandement libanais. Le 1er décembre, Iran International, média d’opposition au régime des ayatollahs, a relayé un entretien donné au site officiel du guide suprême Ali Khamenei par Hossein Mohammadi Sirat, de l’université Imam Sadegh à Téhéran.
Dans cet entretien, Sirat compare le Hezbollah aux Bassidjis iraniens, organisation paramilitaire fidèle au régime, et déclare : « 30 % des membres de l’armée libanaise sont membres du Hezbollah. Le matin, ils portent l’uniforme de l’armée, et l’après-midi ils rejoignent les rangs du Bassidj (Hezbollah). »
Il faut rappeler que les combattants du Hezbollah occupent souvent aussi des fonctions civiles — enseignants, agriculteurs, etc. — utilisées par le mouvement et Téhéran pour brouiller les pistes.
“L’Iran pousse Israël contre l’armée libanaise”
La chaîne libanaise MTV, connue pour sa ligne hostile au Hezbollah, a immédiatement réagi et titré : “L’Iran incite Israël contre l’armée libanaise.”
Le site de la chaîne ajoute : « Une déclaration iranienne, approuvée par le site officiel du guide suprême, accuse des membres chiites de l’armée libanaise d’être loyaux à l’Iran et dresse Israël contre l’institution militaire. »
Un contexte de tensions croissantes entre Téhéran et Beyrouth
Ces propos surviennent alors que le Liban tente de renforcer le rôle de son armée, d’étendre sa souveraineté sur tout son territoire, de désarmer le Hezbollah et de se défaire de toute influence extérieure — en particulier iranienne.
La relation s’est récemment tendue sous la présidence de Joseph Aoun (notre photo). Beyrouth a signalé à plusieurs reprises à Téhéran qu’elle ne souhaitait pas son ingérence, notamment après l’élimination du chef d’état-major du Hezbollah Haytham Ali Tabatabai dans la banlieue sud de Beyrouth.
Le ministre libanais des Affaires étrangères, Youssef Raji, exprime sa colère
Après que des responsables iraniens ont multiplié les interventions, Youssef Raji, chef de la diplomatie libanaise, a publiquement pris à partie son homologue iranien Abbas Araghchi sur X : « J’étais sincèrement enclin à croire votre affirmation selon laquelle l’Iran ne s’ingère pas dans les affaires internes du Liban, jusqu’à ce que le conseiller de votre guide suprême apparaisse pour nous expliquer ce qui est vraiment important au Liban et nous avertir des conséquences du désarmement du Hezbollah. »
Des échanges indirects avaient déjà eu lieu entre les deux ministres. Raji s’était dit prêt à le rencontrer dans un pays neutre pour discuter des différends en suspens. Araghchi avait répondu en invitant Raji à Téhéran, tout en assurant que l’Iran ne s’ingérait pas dans les affaires libanaises.
Malgré l’escalade verbale, l’agence iranienne Tasnim rapporte aujourd’hui que l’Iran tente de faire un pas vers une rencontre.
Selon l’agence, Araghchi a transmis un message à son homologue libanais soulignant les liens anciens entre les deux pays et réaffirmant le « soutien constant de l’Iran à la souveraineté, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, à la sécurité et à la stabilité du Liban, notamment face à l’agression du régime sioniste ».
Il l’a également invité à venir en Iran pour évoquer l’avenir des relations bilatérales et les évolutions régionales. Mais selon une source diplomatique citée par MTV, le ministre libanais n’a pas encore décidé s’il accepterait l’invitation.

























