Israël, acteur central de la transformation du Moyen-Orient au cours des dernières décennies, se retrouve aujourd’hui relégué au second plan d’un jeu diplomatique et stratégique qui s’intensifie sans lui. Longtemps protégé par l’engagement américain à maintenir sa supériorité militaire qualitative (QME), l’État hébreu voit aujourd’hui cet avantage remis en question, dans un contexte de recomposition régionale accélérée.
Mais la donne a changé. Récemment, les États-Unis ont signé des contrats d’armement majeurs avec l’Arabie saoudite et la Turquie. Ces accords pourraient inclure la vente du F-35, un chasseur furtif de cinquième génération, actuellement exploité dans la région uniquement par Israël. Ce n’est pas un appareil comme les autres : véritable plateforme interconnectée, il transforme la manière de concevoir la guerre aérienne, rendant cruciale la maîtrise de l’information et la coordination en temps réel.
L’idée que la Turquie, dont le président Erdogan a récemment tenu des propos ouvertement hostiles à Israël, puisse être dotée de ce système ultra-performant suscite de vives inquiétudes à Jérusalem. Il ne s’agit plus seulement de ventes d’armes, mais d’un possible basculement stratégique, affaiblissant la position israélienne dans une région de plus en plus instable.
Cette inquiétude est accentuée par l’incertitude qui entoure le renouvellement du protocole d’aide militaire entre les États-Unis et Israël. L’actuel protocole, signé en 2016 pour une période de dix ans, accorde 3,8 milliards de dollars annuels à Israël. Il expirera en 2027. À l’époque, Netanyahou avait choisi de conclure l’accord avec l’administration Obama, préférant miser sur la prévisibilité plutôt que sur l’inconnu d’une éventuelle élection de Donald Trump.
Depuis, les tentatives de renégociation ont échoué, notamment en raison de l’instabilité politique israélienne. Et aujourd’hui, la situation devient encore plus complexe. Trump privilégie les pays qui investissent massivement aux États-Unis, comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou les Émirats arabes unis. Israël, qui bénéficie d’une aide sans contrepartie financière directe, pourrait être moins prioritaire dans une approche transactionnelle.
Pendant ce temps, Israël reste engagé dans une guerre difficile contre le Hamas, cherche encore à libérer ses otages, et se retrouve isolé sur la scène diplomatique. La récente rencontre à Riyad entre Donald Trump, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, le président turc Erdogan (en visioconférence), et Ahmed al-Sharaa – ancien djihadiste devenu figure politique syrienne – illustre cruellement cette marginalisation. Israël, jadis incontournable dans les grandes discussions régionales, n’a même pas été invité.
Au lieu de cela, les États-Unis et les puissances du Golfe signent des accords commerciaux colossaux sans Israël. L’alliance régionale se redessine, et Israël, pourtant artisan de la lutte contre l’Iran et le Hezbollah, se retrouve exclu du nouveau paysage qu’il a contribué à façonner.
Cet article s’inspire d’une tribune parue dans le Jerusalem Post, dont l’auteur est chercheur principal au JPPI, ancien rédacteur en chef du Jerusalem Post, et co-auteur du livre à paraître « While Israel Slept » sur les attaques du Hamas du 7 octobre.