Nicolas Sarkozy va sortir de prison
Par Paule Gonzalès
Nicolas Sarkozy est remis en liberté, avec un strict contrôle judiciaire. La Cour a estimé que «la détention provisoire (n’était) pas justifiée. Il n’y a pas de risque de dissimulation de preuve, de pression ou de concertation». Elle décide de le placer sous contrôle judiciaire avec notamment l’interdiction de sortir du territoire, de rentrer en contact avec les protagonistes du dossier, et diverses personnes dont le Garde des sceaux et son cabinet. Elle examinait ce lundi la demande de mise en liberté de l’ex-président de la République, incarcéré depuis trois semaines à la prison de la Santé. Une décision conforme aux réquisitions du Parquet.
L’avocat général, Damien Brunet, avait en effet demandé que «soit fait droit à la demande de Nicolas Sarkozy» de le libérer sous contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact avec témoins et co-prévenus. Dans des réquisitions sobres, il demandait à la Cour : « Vous vous fondez sur l’article 144 du code de procédure pénale – qui définit la détention provisoire, NDLR – et non sur son article 465. Il ne s’agit pas d’une analyse sur le jugement correctionnel du 21 septembre 2025. Vous apprécierez la demande d’un prévenu en détention provisoire et présumé innocent ». Le procureur demande sa mise en liberté, compte tenu du niveau des garanties de représentation exceptionnelle, mais « sous contrôle judiciaire du fait des risques de réitération et de concertation frauduleuse et de risque de pression sur les témoins » du fait des «quatre procédures, – dont trois clôturées et l’une toujours en cours sur l’infraction de pacte corruptif». Il aura été entendu par la Cour qui a monté au plus haut les conditions de cette remise en liberté sous condition.
«Je n’ai jamais eu l’idée ou l’intention folle de demander de l’argent à monsieur Kadhafi»
Tout s’est joué ce lundi matin dans la salle Dario de la Cour d’appel de Paris, au cours d’une audience maîtrisée par l’ensemble des parties, courtoise, au cordeau sur le plan procédural, qui aura duré une heure montre en main.
Elle s’était terminée par cette déclaration solennelle et vibrante de l’ex-président de la République : «Je sais que ce n’est pas lieu de plaider au fond mon dossier. Mais je n’ai jamais eu l’idée ou l’intention folle de demander de l’argent à monsieur Kadhafi. Et jamais je n’avouerai une chose que je n’ai pas faite. J’ai toujours répondu à toutes les convocations de la justice. Je n’imaginais pas atteindre 70 ans et connaître la prison. C’est une épreuve imposée. C’est dur, c’est très dur. Cela laisse des traces chez tout détenu car c’est éreintant. J’ai conscience de la gravité des faits reprochés mais ce ne sont pas trois semaines à la Santé qui me feront changer d’attitude. Je suis français, Monsieur le Président, ma famille est en France. Et je respecterai toutes les obligations qui me seront faites. Je veux rendre hommage aux personnels pénitentiaires qui ont fait preuve d’une humanité exceptionnelle et qui ont rendu ce cauchemar supportable»
Cinquante minutes auparavant, l’ex-président de la République était apparu en visio, les traits durcis, avec cette mine un peu grise que confère tout séjour en détention où la lumière est rare, surtout à l’isolement. Dans la salle, au tout premier rang du prétoire pour que le détenu puisse les voir face caméra, sa femme Carla Bruni accompagnée de deux de ses fils, Pierre et Jean. «J’ai mal au ventre», avait-elle murmuré en arrivant dans le prétoire, habillée d’une stricte robe manteau noire.
«Une leçon d’humilité»
«La détention est une menace pour mon client», a plaidé d’emblée son avocat Christophe Ingrain, qui, dans cette procédure, est intervenu le premier, avant le parquet général, pour défendre la demande de son client. «Je suis très impressionné de prendre la parole devant vous aujourd’hui», a-t-il enchaîné. Il évoque «les menaces de mort, les cris la nuit, la mobilisation d’urgence à la cellule d’à côté pour un détenu qui s’est mutilé. Si nous savons notre client innocent, cette décision a été pour nous une leçon d’humilité».
Mais ce n’est pas sur la base de cette dernière que «la Cour doit se décider, ni sur la sévérité de la peine ni sur le mandat de dépôt, mais sur le fondement de l’article 144 du Code de procédure pénale sur la détention provisoire». Alors, sans se désemparer, Maître Ingrain passe en revue chacun des six points qui justifient la détention provisoire. Il évoque tour à tour «la difficulté probatoire du dossier», qui démonte l’impératif de la conservation des preuves ; il rappelle qu’en dix ans de procédure, il n’a été fait «aucune pression sur les témoins», et «quoique à côté de Claude Guéant et de Brice Hortefeux à l’audience de première instance, jamais le risque théorique de concertation avec les autres prévenus ne s’est matérialisé» ; son contrôle judiciaire ? il n’a jamais été constaté de viol. Quant au recel de subornation de témoin via la sulfureuse Mimi Marchand -procédure en cours-, «une demande en nullité est pendante».
Christophe Ingrain a aussi répondu à la Cour qui, lors des questions au prévenu, a notamment demandé de justifier d’un étrange coup de fil en juin 2013. Celui à Patrick Calvart, alors directeur général du renseignement intérieur, au moment où venait d’exploser l’affaire libyenne après les révélations de Mediapart : «Je l’ai appelé pour lui dire qu’en cas de nouvelle manipulation – car il y avait déjà eu l’affaire Clearstream et Mediapart – je n’hésiterai pas à porter plainte», s’est justifié Nicolas Sarkozy. «J’étais certain d’une manipulation, mais il m’était difficile d’avoir cette conversation avec le nouveau président de la République François Hollande, avec qui je n’entretenais pas de bonnes relations». Incidemment, le président a régulièrement insisté sur ces affaires de subornation de témoins avec donc en filigrane la dernière affaire en cours, celle qui a pour cœur le revirement de témoignage de Ziad Takieddine en novembre 2020.
Lors de cette audience, il a aussi été beaucoup question d’argent. Le président Géron a insisté sur les capacités financières du prévenu, listant les revenus de son cabinet d’avocat, sa retraite, ses revenus mobiliers et ses placements. Cela a sans doute convaincu la Cour.
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