Les propos antisémites proférés par des étudiants de l’université Paris 8, lors d’un meeting organisé par plusieurs collectifs propalestiniens le 15 octobre, sont motivés et légitimés par une complaisance médiatique, judiciaire et politique, pointe Gilles-William Goldnadel.
Le 15 octobre, s’est tenu dans un amphithéâtre de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis un meeting organisé par la Fédération Syndicale Étudiante et plusieurs collectifs palestiniens d’extrême gauche. Celui-ci était présenté, avec l’autorisation de l’université, comme « grand meeting anti-impérialiste ». Je vous rapporte ce qui s’y est dit parce que tous les médias ne s’en sont pas émus. L’amphithéâtre est plein. Une femme prend la parole : « Condamnez-vous le 7 octobre ? »
– Les étudiants à pleins poumons : « Non ! »
– La femme, ravie, poursuit : « Voilà, en défendant Georges Abdallah, nous étions préparés à ce soutien inconditionnel à la résistance héroïque du peuple palestinien qui passe principalement par la lutte armée. Et donc le 7 octobre, nous y étions prêts et n’avons eu aucun problème à le revendiquer ! » (applaudissements et cris de joie).
Mais l’oratrice ne s’arrête pas en si mauvais chemin : « Armons-nous de cette détermination à mettre en acte la lutte armée pour qu’en France également l’étincelle embrase toute la plaine » (applaudissements).
Georges Ibrahim Abdallah, condamné par la France pour actes terroristes et libéré récemment, était prévu pour intervenir depuis le Liban, mais on ne l’entendit pas. En revanche, Miriam Abbou Daccah, importante responsable du FPLP classé terroriste, enflamma également la salle. Comme d’autres intervenants, le terrorisme contre les femmes et enfants fut célébré fièrement.
Ainsi, une organisation étudiante connue pour son extrémisme de gauche peut organiser dans les locaux d’une université française, sans le moindre problème, un meeting où l’on célèbre dans l’allégresse la mort de 1600 juifs et où l’on appelle également à la lutte armée en France. Il faut également préciser que les faits sont connus tout simplement parce que le média Léon a enregistré cette réunion et l’a rendue publique. On peut aisément imaginer que ce n’est pas la seule dans le pays.
On doit également indiquer qu’au moment où ces lignes sont écrites, la responsable des propos précités semble jouir d’une parfaite tranquillité. J’ai rapporté ces faits. Ce n’est pas inutile parce que de nombreux médias, notamment publics, s’en sont abstenus. Mais la question la plus importante vient : comment en est-on arrivé là ? Qui a autorisé cet esprit de haine antisémite totalement décomplexé, et surtout dans un sentiment d’impunité parfaitement justifié ? D’une certaine manière, la réponse est dans la question et le mot « impunité » est central. Car il s’agit tout autant d’une impunité morale que juridique.
Tout d’abord, il faut admettre que cet appel à la haine s’inscrit dans un contexte de victoire médiatique indéniable. Dès que le conflit a commencé le 7 octobre 2023 par le massacre que l’on sait, l’AFP a refusé de qualifier le Hamas de « terroriste » – au rebours de Daesh – nonobstant son classement officiel comme tel par l’Europe – dont la France – et les États-Unis. Rien ne peut l’expliquer de bonne foi. Je ne vais pas non plus, l’ayant déjà exprimé dans ses colonnes, redire comment le Grand Mensonge l’a emporté haut la main.
Jamais dans l’histoire de l’information, la propagande d’une organisation terroriste n’aura été la source principale et indiscutable de nombre de médias par l’intermédiaire soit de sa Défense civile, soit de son ministère de la santé de Gaza, tous deux liés au Hamas sans que la plupart du temps les médias ne l’indiquent. Il en a résulté la victoire sans combat du faux sur le vrai.
D’autre part, on aura réussi à faire croire à des gens de bonne foi qu’il n’existait depuis deux ans sur la planète qu’un seul lieu où des civils étaient les victimes d’une guerre forcément meurtrière au regard de l’exiguïté du territoire et de la stratégie criminelle des boucliers humains. C’est ainsi que le 22 octobre, Le Monde a publié un article sur la situation effroyable en Éthiopie : « Viols collectifs de masse, tortures, témoignages de plus de 480 000 femmes… des clous dans le vagin et l’anus : … l’ampleur de violences génocidaires en Éthiopie. »
Je ne sais combien d’articles j’ai dû lire depuis deux ans sur Gaza. Je jure qu’il s’agit du premier article qui a été porté à ma connaissance sur la situation en Éthiopie. J’avoue même que j’avais oublié que des troupes érythréennes s’en prenaient aux populations éthiopiennes. Je plaide les circonstances atténuantes, faute d’information sur le sujet. Personne ne m’empêchera d’écrire que les malheureux Éthiopiens chrétiens peuvent mourir et souffrir dans la plus totale indifférence dès lors qu’ils ne sont pas assassinés par des juifs, occidentaux et blancs. Personne ne pourra m’empêcher d’y voir cette obsession de Sion.
C’est dans ce contexte idéologique délétère, que le journal Le Monde aura consacré, par la plume de Benjamin Barthe, un article sans acrimonie sur Rima Hassan qui multiplie désormais les déclarations les plus inflammables. L’une des dernières en date aura été de se féliciter ouvertement de massacres bestiaux par le Hamas d’opposants gazaouis : « One by one » a-t-elle tweeté allègrement et en anglais.
De manière plus générale, je n’ai pas souvenance d’avoir lu dans le journal précité ou entendu sur une antenne de l’audiovisuel de service public un seul journaliste mettre en cause les prises de position très favorables au Hamas émanant de nombreux membres de la France Insoumise. Leurs opinions ne sont en rien rangées hors du cercle de la raison et de l’humanisme. Et le parti de M. Mélenchon est toujours classé dans leur dictionnaire politique parmi la gauche radicale tandis que le Rassemblement national campe toujours à l’extrême droite de leur champ lexical. De même, quand de nombreux membres de la France insoumise, parmi lesquels M. Coquerel, ont exprimé leur tendresse pour le terroriste condamné Abdallah, quel journal de gauche a seulement songé à protester ?
Vendredi, le média Blast a interrogé complaisamment le terroriste Salah Hamouri, égérie de l’extrême gauche, condamné pour avoir avoué avoir attenté à la vie du Grand Rabbin d’Israël. Qui donc s’en soucie ? À part Sophia Aram qui dans sa dernière chronique du Point s’en émeut, nul – à commencer par France Télévisions et ses syndicats de journalistes – n’a apporté son soutien à la courageuse journaliste de France TV d’origine turque Claire Koç, attaquée par la CGT du service public, simplement pour avoir manifesté sa sympathie aux victimes du 7 octobre.
J’allais oublier le journaliste Fady Hanona, toujours bien en place à France 24 en dépit d’avoir écrit qu’il « voulait brûler tous les juifs, comme Hitler l’a fait ». Aucun syndicat professionnel n’y voit l’ombre d’un problème. Dans ce cadre médiatique plus que complaisant, on comprend donc que des étudiants d’extrême gauche peuvent se sentir autorisés moralement à dire l’innommable sans le moindre état d’âme.
On aurait pu imaginer cependant que la crainte d’une condamnation judiciaire aurait pu être de nature à modérer l’expression de ces intervenants étudiants. Mais ceux-ci sont suffisamment renseignés pour savoir qu’il ne s’est rien passé. C’est ainsi, que l’avocat qui signe n’est ni très fier ni très heureux d’indiquer que toutes les plaintes diligentées par Avocats Sans Frontières et l’OJE depuis près de deux ans contre Rima Hassan, David Giraud, Thomas Portes, Ersilia Soudais et consorts pour apologie du terrorisme n’ont pour l’heure rien donné. Plus vexant encore, les lettres de rappel n’ont même pas été honorées de la moindre réponse…
Il est difficile d’y déceler un quelconque intérêt pour la lutte contre l’antisémitisme et le terrorisme sanglant. J’ai cru pouvoir observer que dans d’autres domaines, la justice était autrement plus motivée. Ceci étant, quand elle consent à s’en préoccuper, elle ne fait pas montre d’une sévérité très dissuasive pour les maniaques de la haine anti-juive. C’est ainsi qu’elle n’aura pas aperçu dans la destruction de l’Olivier en souvenir du martyre d’Ilan Halimi, portant sur son tronc une plaque le rappelant, la marque de l’antisémitisme…
On comprend donc qu’à ce stade désespérant, ceux qui profèrent des discours haineux ne tremblent pas de tout leur corps. Reste l’exemple politique suprême. Quand un président de la République refuse de marcher contre l’antisémitisme pour mieux courir derrière les banlieues chauffées à blanc par un parti antisémite, une autorisation est donnée par abstention à la plus dangereuse des transgressions. Je ne puis m’empêcher d’en vouloir davantage aux esprits distingués qui s’abstiennent, qu’aux haineux que cette abstention politique, cette indifférence judiciaire ou cette complicité médiatique autorisent. La digue a sauté, faute d’avoir fait barrage au torrent de boue et de haine.