La paracha de Bamidbar est toujours lue avant la fête de Chavou’oth, conformément à l’enseignement des Tossafoth (Meguila 31b) qui mettent en garde contre la juxtaposition des malédictions de Be’houkotaï avec la célébration du don de la Tora. Mais cette lecture n’est pas qu’une précaution liturgique : elle prépare en profondeur notre esprit à recevoir à nouveau la Tora.
Le Midrach Rabba (1:7) enseigne que la Tora a été donnée à travers trois éléments : le feu, l’eau et le désert. Ces trois éléments ont un point commun : ils sont libres d’accès, sans propriétaire. Le feu et l’eau sont des éléments naturels, accessibles à tous, et le désert est un espace abandonné que personne ne revendique. La Tora, elle aussi, est posée « ‘al kéren zavit » — disponible à quiconque souhaite venir la chercher. Elle n’est l’héritage d’aucune élite, mais celui de chacun, à parts égales. Elle appartient à ceux qui en font l’effort, à ceux qui la désirent.
Mais au-delà de cette gratuité, chacun de ces éléments révèle une dimension spirituelle que nous devons intégrer pour mériter la Tora.
Le feu est le symbole de l’enthousiasme, de l’ardeur et de la vitalité avec lesquels il convient d’accueillir les paroles de Tora. Il représente l’élan intérieur, la ferveur dans l’accomplissement des mitsvoth, et, plus profondément encore, la disposition à se sacrifier pour ses principes, comme le fit notre père Avraham face à l’idolâtrie.
L’eau, quant à elle, est naturellement attirée par le bas. Elle incarne donc l’humilité, la modestie, et la capacité à se mettre au service d’un idéal plus grand que soi. C’est dans cette disposition d’esprit que Moché, le plus humble des hommes, transmit la Tora. L’eau évoque aussi la tempérance, le calme, la clarté d’esprit nécessaires pour ne pas être emporté par les passions. Elle rappelle également le dévouement des Bené Israël à la mer Rouge, cette foi sans faille qui les poussa à avancer avant même que les eaux ne s’ouvrent.
Enfin, le désert symbolise le détachement matériel. Pour recevoir la Tora, il faut créer un espace intérieur disponible, se libérer de l’obsession des biens terrestres, à l’image de Ya’akov qui ne demandait que du pain pour se nourrir et des vêtements pour se couvrir. Le désert est un lieu sans production, sans rentabilité, mais c’est précisément là que la Tora a été donnée. Il exprime la confiance absolue en Hachem et l’étude désintéressée, sans attente de bénéfice personnel — ce que l’on appelle Tora lichma.
Le rav Dessler enseigne qu’on ne peut recevoir que ce qui a été donné, et qu’on ne peut acheter que ce qui est proposé à la vente. La Tora ne s’acquiert que là où elle est offerte — dans les maisons d’étude, dans les lieux de prière — et seulement par un effort sincère et constant.
Chavou’oth n’est pas une simple commémoration. C’est un rendez-vous avec l’essence de notre engagement. La réception de la Tora passe par trois voies : un feu intérieur qui nous pousse à agir avec passion et vérité ; une eau limpide qui nous invite à l’humilité, à la mesure et à la fidélité ; un désert silencieux, vaste et ouvert, dans lequel la voix de la Tora peut pleinement résonner.
Chabbath Chalom et ‘Hag Matan Tora saméa’h !
Puissions-nous être dignes de compter aux yeux d’Hachem — et d’embrasser notre rôle avec fierté et responsabilité.
Rav Mordekhaï Bismuth, https://www.ovdhm.com