Que dit le rapport secret russe sur la Chine

1
66

Officiellement, les relations entre Moscou et Pékin s’affichent comme solides, stratégiques et fondées sur des intérêts partagés. Pourtant, un document confidentiel des services de renseignement russes, récemment révélé, trace un portrait bien plus nuancé et préoccupant de cette alliance. Selon ce rapport émanant d’une unité secrète du FSB, la Chine serait perçue comme la principale menace à long terme pour la sécurité russe, malgré les déclarations officielles d’amitié.

Le New York Times rapporte que ce document interne du FSB, long de huit pages, révèle une série d’actions hostiles menées par la Chine, notamment des tentatives d’infiltration, d’espionnage, et même des revendications territoriales voilées sur des régions de l’Extrême-Orient russe. Rédigé à la fin de 2023 ou au début de 2024, ce rapport a été authentifié par plusieurs agences de renseignement occidentales.

Une coopération affichée, une méfiance profonde
Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la Russie a redirigé une grande partie de ses ressources militaires et de renseignement vers l’Ouest. Profitant de ce vide stratégique, Pékin aurait multiplié ses efforts pour recruter des fonctionnaires russes, des scientifiques, des journalistes, et des entrepreneurs proches du Kremlin. Le rapport évoque une véritable « guerre du renseignement », qualifiant la Chine d’« ennemi ultime ».

En réponse, le FSB aurait lancé un programme de contre-espionnage baptisé Entente-4, spécifiquement destiné à contrer l’influence chinoise. Les agents russes ont reçu pour mission de surveiller les contacts étroits avec la Chine, en particulier via des plateformes comme WeChat, soupçonnée d’être exploitée à des fins de collecte d’informations stratégiques. Le FSB aurait même ordonné le piratage ciblé de téléphones utilisés par des Russes coopérant avec des entités chinoises.

 

Une curiosité stratégique de Pékin
Le rapport souligne également la stratégie de la Chine consistant à observer la guerre en Ukraine pour en tirer des enseignements militaires. Des responsables chinois, liés aux industries de défense, se seraient rendus en Russie dès les premiers jours du conflit afin d’étudier les tactiques russes, en particulier l’usage des drones, les réponses aux armes occidentales, et les systèmes de commandement sur le terrain.

Un autre point d’intérêt pour Pékin réside dans l’expertise aéronautique russe. Les services chinois chercheraient activement à recruter des spécialistes russes en aérodynamique, systèmes de contrôle et technologie d’aéroglisseurs de type Ekronoplane, une technologie héritée de l’Union soviétique.

 

Ambitions territoriales et préoccupations stratégiques
La crainte d’une expansion territoriale chinoise n’est pas nouvelle en Russie, mais elle semble avoir gagné en intensité. Pékin remet en question des accords historiques signés au XIXe siècle, à l’époque où la Russie a annexé des territoires alors revendiqués par la Chine, notamment autour de Vladivostok. En 2023, la publication d’une carte officielle chinoise mentionnant les noms historiques chinois de villes russes a ravivé ces tensions.

Le FSB s’alarme également de la stratégie d’influence chinoise en Asie centrale, notamment en Ouzbékistan. Des programmes de coopération en matière humanitaire ou commerciale pourraient servir de leviers d’influence dans une région que Moscou considère encore comme relevant de sa sphère d’influence post-soviétique.

L’Arctique russe constitue un autre point de friction. Avec la fonte des glaces, la route maritime du Nord, reliant plus directement la Chine à l’Europe, suscite l’intérêt croissant de Pékin. Selon le rapport, des espions chinois tenteraient d’accéder à des informations sensibles via des universités et des entreprises minières opérant dans cette région stratégique.

 

Une dépendance économique difficile à rompre
Malgré ces inquiétudes, le document recommande aux agents russes de faire preuve de retenue, soulignant que toute action contre Pékin doit être approuvée au plus haut niveau. Car dans un contexte de sanctions occidentales, la Russie est devenue économiquement dépendante de la Chine, principal acheteur de son pétrole et fournisseur de composants électroniques et militaires.

Des entreprises chinoises ont remplacé de nombreuses marques occidentales qui ont quitté le marché russe. En parallèle, les deux pays annoncent des coopérations ambitieuses, allant de la construction d’une base lunaire à des productions cinématographiques conjointes.

Une opportunité stratégique pour Washington ?

Aux États-Unis, certains stratèges voient dans ces tensions une opportunité diplomatique. Pour des figures comme Donald Trump ou Marco Rubio, un rapprochement tactique avec Moscou pourrait éloigner la Russie de la Chine, évitant un axe sino-russe trop puissant face aux intérêts occidentaux.

Le rapport du FSB, en révélant la fragilité de l’alliance actuelle, alimente cette thèse. Mais il peut aussi refléter une vision réaliste du Kremlin : malgré la méfiance, Vladimir Poutine semble prêt à continuer son partenariat avec Pékin, estimant qu’il en tire plus d’avantages que de risques. Une posture qui pourrait façonner durablement l’équilibre géopolitique mondial.

Jforum.fr

1 Commentaire

Laisser un commentaire