Quelle seront les réponses d’Israël au plan Macron ?

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La décision du président Emmanuel Macron d’annoncer à l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre prochain, la reconnaissance officielle d’un État palestinien constitue une rupture majeure sur la scène internationale. Dans une lettre rendue publique, le chef de l’État français explique vouloir « rester fidèle à l’engagement historique de la France pour une paix juste et durable au Moyen‑Orient ». Il promet de prononcer cet acte solennel au siège de l’ONU afin de « contribuer à relancer la solution à deux États ». Paris, qui abrite les plus importantes communautés juive et musulmane d’Europe, deviendrait alors le premier pays membre permanent du Conseil de sécurité et du G7 à franchir ce pas. Cette initiative, qui vise également à inciter d’autres alliés à suivre, s’inscrit dans une tentative de créer un effet d’entraînement après la reconnaissance de la Palestine par la Norvège, l’Irlande, l’Espagne, la Slovénie et, récemment, l’Arménie.

La déclaration d’Emmanuel Macron a immédiatement suscité de vives réactions. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a condamné ce qu’il qualifie de « récompense au terrorisme » et de menace directe pour la sécurité de son pays. À ses yeux, un État palestinien dans la conjoncture actuelle serait « un tremplin pour anéantir Israël » plutôt qu’un voisin pacifique. Le ministre de la Défense, Israël Katz, a qualifié l’initiative de « reddition au terrorisme », tandis que le secrétaire d’État américain Marco Rubio a dénoncé une décision « imprudente » qui servirait la propagande du Hamas et insulterait les victimes de l’attaque du 7 octobre. Le Canada, tout en réaffirmant son soutien à une solution à deux États, reproche à Israël son incapacité à prévenir l’aggravation de la catastrophe humanitaire à Gaza et appelle à un cessez‑le‑feu immédiat.

 

 

Face à cette annonce, Jérusalem discute activement de mesures de rétorsion. Selon des médias israéliens, plusieurs options sont à l’étude : l’extension de la souveraineté israélienne à certaines parties de la Cisjordanie – annexion soutenue par une majorité des députés de la Knesset –, la fermeture du consulat général de France à Jérusalem, qui assure des services consulaires aux Palestiniens, et le rappel de l’ambassadeur d’Israël en France. Les dirigeants israéliens cherchent également à coordonner leur stratégie avec Washington pour éviter que d’autres pays ne rejoignent l’initiative française. Certains suggèrent d’agir rapidement pour envoyer un signal dissuasif, quand d’autres préconisent d’attendre l’officialisation de la reconnaissance en septembre.

Les appels à une réaction ferme proviennent notamment des partis de droite. Le ministre de la Justice, Yariv Levin, et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, ont plaidé pour l’imposition de la souveraineté israélienne sur tout le bassin du Jourdain. Le conseil des colons, qui représente les implantations de Judée Samarie, demande que la déclaration non contraignante votée par la Knesset – rejetant toute souveraineté palestinienne à l’ouest du Jourdain – soit traduite en actes. Des députés du Likoud appellent à la fermeture immédiate du consulat français à Jérusalem, considéré comme un « ambassade de facto du gouvernement palestinien ». D’autres responsables encouragent les Juifs de France à émigrer en Israël, voyant dans la position de Paris la preuve que leur avenir est ailleurs. En parallèle, des commentateurs proches de la droite suggèrent d’autres sanctions : suspendre le transfert des taxes collectées pour l’Autorité palestinienne, ou mettre fin à la coopération sécuritaire avec elle.

 

Au‑delà des représailles envisagées, les autorités israéliennes s’inquiètent de l’effet boule de neige que pourrait provoquer la décision française. Selon des sources diplomatiques citées par Reuters, Israël a mis en garde Paris contre une détérioration des relations bilatérales, évoquant notamment un possible ralentissement du partage de renseignements sensibles et des entraves aux initiatives régionales françaises. Ces sources indiquent que Jérusalem n’exclut pas d’étendre sa loi à des parties de la Judée Samarie, démarche assimilée à une annexion de facto. Les avertissements s’accompagnent d’un lobbying intense auprès d’autres capitales pour empêcher une reconnaissance en chaîne. Pour l’instant, Londres et Ottawa ont refusé de suivre Paris en invoquant la crainte de contrarier Washington.

 

L’Élysée n’est pas parvenu à convaincre ses partenaires européens et nord‑américains de se joindre à son projet initial, élaboré avec Riyad : une reconnaissance concertée par la France, le Royaume‑Uni et le Canada, adossée à une pression diplomatique sur les États arabes pour qu’ils adoptent une attitude plus conciliante envers Israël. Les Britanniques et les Canadiens, soucieux de ne pas s’aliéner l’administration américaine, ont décliné l’invitation. Faute d’alliés, Emmanuel Macron a décidé d’avancer seul, tout en espérant rallier d’autres États d’ici septembre. Dans sa lettre au président palestinien Mahmoud Abbas, il souligne que la reconnaissance doit s’accompagner de garanties : démilitarisation de l’État palestinien, reconnaissance pleine et entière d’Israël et sécurité régionale. Ces conditions visent à rassurer l’opinion israélienne et les pays occidentaux qui craignent de conforter le Hamas.

 

La décision française a été saluée par l’Autorité palestinienne, qui y voit un engagement fort en faveur du droit à l’autodétermination et une réponse aux souffrances de la population de Gaza. Les autorités israéliennes, en revanche, estiment que cette démarche ne fera qu’encourager le Hamas et prolonger le conflit. Les prochaines semaines seront décisives pour savoir si d’autres capitales suivront l’exemple de Paris ou si les pressions israélo‑américaines parviendront à contenir l’élan diplomatique.

 

Jforum.fr

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