Tempête en Allemagne concernant embargo contre Israël

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La politique étrangère allemande traverse une zone de turbulences. La décision du chancelier Friedrich Merz de restreindre l’exportation de certaines armes à destination d’Israël a provoqué une onde de choc à Berlin, déclenchant de vives réactions au sein même de son parti.

Une mesure inédite dans les relations germano-israéliennes
Selon les annonces du gouvernement, l’Allemagne continuera de fournir une partie de l’équipement militaire à Israël, qui représente environ 30 % de l’arsenal israélien, contre 70 % provenant des États-Unis. Mais ces livraisons sont désormais assorties d’une condition stricte : elles ne devront pas être utilisées dans la bande de Gaza, seulement sur le territoire israélien ou en Cisjordanie. Cette limitation, sans précédent, est perçue comme un signal adressé au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, après sa déclaration d’intention d’occuper Gaza dans son intégralité.

Pour les partisans d’Israël au sein de la coalition allemande, cette restriction équivaut à un affaiblissement du lien historique entre les deux pays, forgé dans l’ombre de l’Holocauste. Certains cadres de la CDU y voient même un « cadeau offert au Hamas », fragilisant la crédibilité de l’Allemagne comme allié d’Israël.

Le débat sur le principe du « Staatsräson »

La controverse a relancé un terme fondateur de la politique étrangère allemande : le « Staatsräson », qui désigne la sécurité d’Israël comme une composante de l’identité de la République fédérale. Pendant des décennies, ce principe a constitué la pierre angulaire de la diplomatie allemande.

Cependant, une partie de l’opinion publique et certains responsables politiques remettent en question son interprétation exclusive. Pour eux, l’engagement de « Plus jamais ça » ne devrait pas se limiter à l’Holocauste, mais inclure la condamnation de toutes les formes de génocide à travers le monde. Cette lecture, renforcée par la situation humanitaire à Gaza, explique en partie le soutien populaire à la décision de Merz.

Une opinion publique favorable aux pressions sur Israël
Un sondage cité par le Telegraph révèle que 66 % des Allemands souhaitent que leur gouvernement accentue la pression sur Israël pour obtenir un arrêt des combats. Cette tendance illustre le fossé croissant entre une opinion publique sensible aux drames humanitaires et une tradition diplomatique marquée par une solidarité quasi automatique avec Israël.

Dans ce contexte, la manœuvre de Friedrich Merz apparaît comme une tentative de concilier deux impératifs contradictoires : répondre aux attentes de l’opinion européenne tout en préservant un partenariat stratégique avec Israël.

Des conséquences politiques intérieures
Si l’impact militaire de l’embargo reste limité – Israël dépendant largement des livraisons américaines –, les répercussions politiques en Allemagne sont beaucoup plus profondes. La CDU, dirigée par Merz, a dû convoquer une réunion d’urgence pour gérer la crise. Cette décision intervient alors que le chancelier avait déjà essuyé, en mai dernier, un revers symbolique lors d’un vote de confirmation de son mandat, une première dans l’histoire politique allemande.

Ses opposants internes, critiques de sa ligne jugée populiste à droite, notamment en matière de sécurité et d’immigration, voient dans cette controverse une nouvelle occasion de fragiliser son autorité. Les tensions actuelles risquent donc de creuser davantage les divisions au sein de son camp.

Entre coopération stratégique et tensions diplomatiques

Malgré la polémique, les liens stratégiques entre Berlin et Jérusalem demeurent forts. L’Allemagne a récemment conclu l’acquisition du système antimissile Arrow 3 pour près de quatre milliards d’euros, témoignant de l’importance de cette coopération militaire. De plus, les services de renseignement israéliens restent des partenaires essentiels pour Berlin dans le cadre de la lutte antiterroriste.

La décision de Friedrich Merz n’a donc pas vocation à rompre cette alliance, mais elle illustre la difficulté croissante pour l’Allemagne de concilier ses responsabilités historiques, ses intérêts stratégiques et la pression de son opinion publique.

Jforum.fr

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