Alors que la guerre de Gaza entre dans une phase politique décisive, les regards se tournent vers les coulisses des négociations. Dans les milieux de sécurité israéliens, une hypothèse domine : derrière le cessez-le-feu et la libération progressive des otages se cacheraient des engagements non publiés, liant le Hamas, les médiateurs régionaux et l’administration Trump autour d’un vaste plan de réaménagement de la bande de Gaza.
La démilitarisation deviendrait alors, au moins en partie, une opération négociée. Le Hamas serait invité à remettre ses capacités « offensives » – roquettes, drones, explosifs conçus pour percer les barrières et tunnels stratégiques – tout en cherchant à conserver un arsenal « défensif » : fusils, mitrailleuses, lance-roquettes et explosifs légers, présentés comme instruments d’une « résistance » de basse intensité. Une idée a même circulé : placer une partie des armes sous la garde de l’Autorité palestinienne, chargée de les conserver en réserve. Ramallah a rejeté cette option, craignant d’être transformée en dépôt d’armes pour une future guérilla.
Le volet le plus controversé concerne toutefois la géographie de l’après-guerre. Le projet américain prévoit une division durable de Gaza en deux espaces. La « zone rouge », soit environ 43 % du territoire, resterait sous contrôle de fait du Hamas, avec près de deux millions de Palestiniens vivant au milieu des ruines, sans perspective claire de reconstruction rapide. La « zone verte », placée sous contrôle israélien et international, accueillerait deux à trois cent mille Gazaouis, bénéficiaires d’aide humanitaire, d’infrastructures réhabilitées et de communautés temporaires appelées à se transformer, à terme, en villes permanentes.
L’objectif affiché de Washington est d’inciter plus d’un million et demi de Gazaouis à quitter progressivement la zone rouge pour rejoindre la zone verte, où seraient concentrés eau, électricité, soins et emplois. Parallèlement, une force internationale de stabilisation serait déployée comme tampon entre Tsahal et les combattants du Hamas le long d’une « ligne jaune » de séparation, accompagnant le retrait israélien et supervisant un corps de police palestinien local. Son mandat resterait toutefois limité, sans usage direct de la force contre le Hamas, ce qui nourrit le scepticisme de nombreux experts.
Ce dispositif s’articule avec d’autres projets américains, comme le GREAT Trust, qui envisage une reconstruction de Gaza financée par des investissements privés massifs, parfois présentés par Trump comme la transformation de l’enclave en « freedom zone » ou en future « Riviera du Moyen-Orient ». Ces visions suscitent une levée de boucliers dans le monde arabe et parmi les organisations humanitaires, qui dénoncent le risque de déplacements de population à grande échelle et de partition de facto du territoire.
Du point de vue israélien, la situation est profondément ambivalente. L’un des objectifs de guerre – le retour de la majorité des otages, vivants ou morts – pourrait être atteint dans le cadre de ce schéma. Mais un autre objectif central, la chute complète du régime militaire et civil du Hamas, apparaît fragilisé si l’organisation conserve une base territoriale et une population sous son influence. Tant que le Hamas demeure, même affaibli, l’ombre du 7 octobre plane sur le débat stratégique israélien.
Si, à terme, le Hamas contrôle encore une part significative de Gaza, Israël devra trancher : accepter une coexistence sous parapluie international, avec une Autorité palestinienne remodelée comme interlocuteur principal, ou revenir à une logique d’occupation plus directe de la « zone rouge ». Quoi qu’en disent les textes, ce seront les résultats – en matière de sécurité, de stabilité et de protection des civils – qui décideront du jugement porté, à Jérusalem comme à Washington, sur ces accords tissés dans l’ombre autour du plan Trump pour Gaza.
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