Le pouvoir de la Pensée Positive : mythe ou réalité ?

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« Là où sont tes pensées, tu es. Veille à ce que tes pensées soient bien là où tu veux être » (Rabbi Na’hman de Breslav)
Qui donc n’a pas entendu parler du pouvoir de la pensée positive ?

[NDLR : Que ceux qui n’en font pas partie sautent le présent article, ou en profitent pour, au moins, apprendre les nouvelles voies des facettes de la bêtise humaine… Da’ ma chétachiv.]

En effet, il est presque impossible, de nos jours, de ne pas entendre parler de l’importance de la puissance de la pensée positive – ou de sa version « cacher » – Pense bien et tout ira bien.
Et pour cause : depuis ces dix dernières années, tous les « gourous » motivationnels nous rabâchent inlassablement qu’être positif constitue un élément essentiel, voire décisif, pour notre bien-être et notre succès. C’est la clé de toute félicité : famille, amis, santé, vie professionnelle, etc. Selon eux, il n’y a pas un pan de notre vie qui ne soit régi par la pensée positive.
Alors que le roi Chelomo enseignait : « La vie et la mort sont au pouvoir de la langue » (Michlé/Proverbes 18,21), les coachs de vie déclarent à l’unisson : « La mort et la vie sont au pouvoir de la pensée positive. » Et si Hachem nous invite à choisir la vie en embrassant sa Tora, les pontes de la pensée positive nous invitent, quant à eux, à embrasser leur culte ainsi que celui de la « loi d’attraction ».
Compte tenu de la morosité qui sévit un peu partout en Occident, il n’est pas étonnant que le business de la pensée positive (Positive Thinking pour les puristes) ait le vent en poupe, et qu’il remplisse les poches des marchands de bonheur…
En clair, la pensée positive, c’est magnifique, et, quant à la Loi d’attraction, c’est carrément magique.
Le phénomène est tellement « trendy » qu’il s’invite de plus en plus dans le rayon pensée juive de nos chères librairies, quand il ne s’incruste pas dans nos chi’ourim ou conférences.
Il suffit de lire les titres des ouvrages en tête de gondole de nos ‘hanouioth sefarim (magasins de livres, en hébreu) pour se rendre compte que même chez nous, la Pensée Positive, c’est le must.
Et toute une ribambelle d’enseignants, de conférenciers, de rabbanioth et de rabbins proposent désormais des ouvrages qui tentent d’aborder le sujet sous un angle juif.
Les livres de personnalités comme le rabbin Zelig Pliskin ou la rabbanith S. Yossef sont, aujourd’hui, des best sellers que l’on étudie comme le ‘Alé Chour, le Messilath Yecharim, le Oroth Tsadiqim ou le ‘Hovoth HaLevavoth.
Ces succès témoignent d’une immense soif de bonheur et de réalisation inhérente à l’homme. Avide d’existence, l’individu est prêt à payer cher pour accéder au bonheur et au bien-être.

Pourtant, existe-t-il une vérité dans tout cela, ou bien ne s’agit-il que d’un doux mythe ?

Certains rétorqueront que le simple fait de poser la question relève de la ‘houtspa, pour ne pas dire du « blasphème ».
Comment, en effet, oser mettre en doute l’authenticité de la pensée positive, alors que nos librairies abondent d’ouvrages sur le sujet ? De plus, les auteurs de ces essais ne basent-ils pas leurs travaux sur des sources toraniques irréprochables ?
Les apologètes iront jusqu’à désigner le judaïsme comme la véritable source de la pensée positive, et n’hésiteront pas à écumer les mers du Talmud pour y pêcher des citations attestant leurs propos.

Trêve de sarcasme ! Car, derrière ces lazzis, demeure une véritable question. Certes, la pensée en général, et la pensée positive en particulier, ont indéniablement une place importance dans le judaïsme. Les sentences talmudiques et les citations de nos maîtres, les Sages de la Tora, ne manquent pas, pour en attester.
Ceci dit, lorsque l’on parle de « pensée positive » dans la Tora, de quoi parle-t-on exactement ?
L’une des citations les plus populaires à ce sujet reste sans aucun doute le fameux passage des Si’hot HaRan de rabbi Na’hman de Breslav. Il y enseigne le pouvoir de la pensée.
Voici ses propos : « Sache que la pensée humaine a un immense pouvoir. Lorsqu’on concentre intensément ses pensées sur quelque chose que l’on désire dans ce monde, on l’obtient finalement. Même s’il s’agit de la richesse… on l’obtiendra sans doute, et il en est ainsi pour chacun de nos désirs. »
Cet enseignement de rabbi Na’hman est non seulement l’un des plus célèbres, mais probablement l’un des plus problématiques…

Intervention humaine ou divine ?

En effet, il nous pousse à réfléchir sur deux, voire trois notions fondamentales du judaïsme : le libre arbitre et le plan divin, ce qui englobe l’Omniscience, ainsi que l’Omnipotence de Hachem.
En d’autres termes, l’homme peut-il se soustraire au plan divin par le biais de son libre arbitre, des ses actes, de sa parole et de sa pensée, ou bien est-il soumis à une certaine forme de déterminisme ?
« Nombreuses sont les conceptions dans le cœur de l’homme ; mais c’est le dessein de l’Eternel qui l’emporte » (Michlé/Proverbes 19,21).
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On trouve dans le Talmud, deux sentences importantes qui apportent des éléments de réponse à cette question.
On a, tout d’abord, la Guemara dans le traité Chabbath (156a). Nos Sages y débattent de l’éventuelle prédestination astrale du peuple d’Israël. Elle conclut l’absence de prédestination astrale inéluctable, mais l’existence d’une prédestination suprême, qu’il appartient à chacun d’exploiter au mieux pour se réaliser, en s’attachant à Hachem. Il y a donc des règles irrévocables (prédestination suprême) fixées par Hachem. Lui seul peut  les modifier ou les abolir, selon Sa volonté.
Cependant, à l’intérieur de ce système, l’homme écrit son histoire à l’encre de ses actions, de sa parole et de ses pensées. C’est par son libre arbitre qu’il établit son rôle dans le plan divin.

La deuxième référence se trouve dans la Guemara ‘Houlin (7b), où rabbi ‘Hanina donne l’enseignement suivant : « Une personne ne lève pas le petit doigt ici-bas, sans que cela soit décrété En Haut » (par Hachem). Il affirme de la sorte l’existence d’un plan divin dont l’homme ne peut s’exclure. Cette notion fut préalablement enseignée par Yossef, lorsqu’il se dévoila à ses frères (Beréchith/Genèse 45,5-6) et leur dit : « Et maintenant, ne vous affligez point, ne soyez pas irrités contre vous-mêmes de m’avoir vendu pour ce pays ; car c’est pour le salut que Hachem m’y a envoyé avant vous.
En effet, voici deux années que la famine règne au sein de la contrée et, durant cinq années encore, il n’y aura ni culture ni moisson. Hachem m’a envoyé avant vous pour vous préparer une ressource dans ce pays et pour vous sauver la vie par une conservation merveilleuse. Non, ce n’est pas vous qui m’avez fait venir ici, c’est Hachem ! »
Hachem a donc rédigé un « scenario », si l’on peut dire, dans lequel chacun peut choisir le rôle qu’il y jouera : le bon, la brute ou le truand !
Comme il est écrit dans les Pirqé Avoth/Maximes de nos Pères (3,5) : « Tout est (pré-)vu [par Hachem], et la liberté d’agir est donnée à l’homme. Le monde est jugé avec bienveillance, et tout dépend de la majorité des œuvres. »
On trouve également ce principe dans la Guemara Maccoth (10b) : « Dans le chemin où l’homme veut aller, on le fait marcher. »
Certains s’empresseront de demander : et la pensée positive dans tout ça ? N’y a-t-il pas d’autres sources talmudiques, ou des allocutions de nos maîtres, qui affirment sa véracité ?
Qu’en est-il de cette fameuse histoire au nom du célèbre rabbi de Loubavitch, le Tséma’h Tsédeq ?
Selon ce récit populaire, en effet, l’illustre rabbi ‘hassidique aurait encouragé l’un de ses disciples à faire usage de la pensée positive pour permettre la guérison de son proche gravement malade. N’est-ce pas là, une preuve manifeste de l’authenticité, ainsi que de l’omnipotence, du positive thinking ?

Le choix de percevoir positivement les événements envoyés par Hachem relève de la émouna (la foi) et du bita’hon (la confiance en D’). En effet, ces deux mitswoth fondamentales du judaïsme nous enjoignent d’avoir conscience de l’existence du Créateur, et de Son statut de source suprême de tout. Elle implique la conviction de Son omniscience et de Son omnipotence. On admet qu’Il œuvre constamment pour notre bien le plus absolu. Comme l’enseignait rabbi ‘Aqiva, « Il faut dire sans cesse : « Tout ce que D’ fait, Il le fait pour le bien. » »
Aucune situation, ni aucun événement, agréable ou non, n’échappe à cette règle.
Nos Sages ont d’ailleurs instauré la récitation d’une berakha (bénédiction) particulière, tant sur les événements heureux et agréables que sur les évènements tristes et déplaisants (Berakhoth 60a).
La émouna et le bita’hon forment de « grandes » mitswoth, au mérite d’une valeur incommensurable. C’est le cas, notamment, du bita’hon, qui procure non seulement la sérénité, la motivation et l’alerte indispensable à toute entreprise, mais donne également au ba’al bita’hon le privilège de devenir l’« associé » de D’. Le bita’hon permet, en effet de défier les lois naturelles, comme l’enseigne rav ‘Hayim de Wolozhyn dans son Néfech Ha’hayim.
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Cependant, il ne s’agit en rien de magie ou d’occultisme. Hachem a établi l’ordre naturel selon Sa volonté. Bien qu’Il souhaite son maintien, Il peut, à tout moment et à Sa guise, le modifier ou l’annuler. Lorsqu’un individu fait preuve d’un bita’hon absolu, Hachem consent à en faire Son associé, et lui permet de transcender la nature. Ce fut le cas, notamment, lors de l’ouverture de la Mer Rouge. Cette association suppose impérativement de cheminer avec Hachem, tout en honorant Sa volonté par nos choix. C’est d’ailleurs ce qu’enseigne la Michna dans Avoth (2,4) : « Accomplis Sa volonté [celle de Hachem] comme si elle était la tienne, afin qu’Il considère ta volonté comme la Sienne. Suspends ton désir pour le Sien, afin qu’Il suspende celui des autres pour le tien. »
La capacité d’opérer des changements dans le monde reste donc clairement entre les mains de Hachem seul. L’homme n’y parvient qu’avec Son consentement.
Ainsi, l’idée que l’on puisse soumettre de façon inéluctable la volonté divine, à la sienne propre consiste en un mythe à la limite de l’hérésie.
Bien évidemment, cela ne signifie pas qu’il faille demeurer passif en pensant « tout est entre les mains du Ciel », bien au contraire. Nous devons être les acteurs de notre vie, tout en gardant la ferme conviction que notre succès dépend de Hachem : « Et Hachem, ton D’, te bénira dans toutes tes entreprises. » (Devarim/Deutéronome 15,18).
Là encore, la Tora nous enseigne qu’il nous appartient de choisir notre rôle dans le plan divin : le sage, le méchant, le simplet ou le celui-qui-ne-sait-pas-demander.

La pensée positive telle qu’elle est distillée dans le monde n’a donc pas grand-chose à voir avec le judaïsme, dès lors qu’elle exclut Hachem. De plus, il faut distinguer la pensée positive de la psychologie positive.
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En effet, la psychologie positive prétend s’appuyer sur des recherches scientifiques. Elle peut donc, dans une certaine mesure, bénéficier du crédit accordé aux sciences des nations, comme nous l’enseignent nos Sages : « Si quelqu’un te dit : « Il y a de la sagesse parmi les Nations », tu peux le croire. Si, par contre, quelqu’un te dit : « Il y a de la Tora parmi les Nations », ne le crois pas » (Eikha Rabba 2,13).
La pensée positive, quant à elle, et tout particulièrement la loi d’attraction, qui assujettit totalement l’univers à la volonté humaine, n’ont rien de scientifique. Elles s’apparentent davantage à une sorte d’ésotérisme New Age. Il n’y a donc que très peu d’écart entre les recettes des pontes du « positive thinking » et la potion magique du druide Panoramix.
A ce sujet, nos Sages nous enseignent : « Si, par contre, quelqu’un te dit : « il y a de la Tora parmi les Nations », ne le crois pas. » »
En conclusion, il convient de citer les paroles de nos sages dans les Pirqé Avoth/Maximes de nos Pères, qui nous rappellent ô combien nous sommes chéris et aimés de Hachem. Hachem veut notre bonheur, notre bien-être, mais surtout notre réalisation. Il Se languit de nous voir cheminer sereinement et joyeusement vers l’harmonie. Ce qui peut provoquer le déclic est que nous Lui fassions entièrement confiance.
La « pensée positive juive », c’est donc la émouna et le bita’hon, à chaque instant et dans chaque situation.

« Bien-aimé est le peuple d’Israël pour être appelé « enfants de D’ » ; c’est un surcroît d’amour que de leur avoir fait savoir qu’ils sont les enfants de D’, car il est dit : « Vous êtes les enfants de Hachem votre D’. Bien-aimé est le peuple d’Israël, car il lui a été accordé un objet précieux » ; c’est un surcroît d’amour que de lui avoir fait savoir qu’il lui a été donné un outil précieux, car il est dit : « Car c’est un enseignement de valeur que Je vous ai donné ; Ma Tora, ne la délaissez pas » » (Pirqé Avoth/Maximes de nos pères 3,14).

1 Commentaire

  1. Article MAGNIFIQUE ! Je venais de voir une vidéo sur un site cacher par un rav orthodoxe ! Sur la visualisation créatrice et cette vidéo m’à énormément dérangé car je me suis demandé où est Hachem dans tout ça ?

    On fait dire à Rabbi Nahman de Breslev qu’il valide la loi d’attraction / visualisation créatrice mais je pense que c’est plus compliqué que ça !
    La véritable loi d’attraction /visualisation créatrice est païenne ! Et donc incompatible avec Rabbi Nahman de Breslev!
    Rabbi Nahman de Breslev nous dit juste de penser positif (le désespoir n’existe pas), c’est à dire avoir en tête qu’avec tefila (prière)/Hitbodedout (prière avec ses mots et sa propre langue en solitaire, à Hachem), Torah et mitsvoth : on peut obtenir beaucoup beaucoup beaucoup ! Mais Il n’à jamais dit aux pauvres/célibataires/malades… de passer des heures à visualiser dans les moindres détails une grosse rentrée d’argent, la guérison, la rencontre avec le conjoint et le mariage ! D’ préserve de penser cela !

    Tout, absolument tout tout tout est entre les mains de Hachem ! Qui n’agit que et uniquement que pour le BIEN EN TOUTE JUSTICE ! Notre marche de manœuvre est ultra limitée ! Mais, certes, elle existe malgré tout, aussi limitée soit-elle ! Ce que nous obtenons est pure Volonté de Hachem ! Un CADEAU GRATUIT ! Et pour notre BIEN, Hachem peut nous refuser ce que nous Lui demandons ou bien nous faire vivre ce que nous ne voulons pas ! Mais ayons en tête que HACHEM NOUS AIME DE FAÇON INCOMMENSURABLE, ALORS PARLONS LUI À NOTRE PAPA/CRÉATEUR/ROI (HITBODEDOUTH).

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