Allemagne : l’Extrême-Droite fait son nid en Saxe

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Depuis la réunification, l’extrême droite a su s’implanter dans cette région où l’on ne compte plus les manifestations, bousculades et injures contre les réfugiés.

Pourquoi toujours la Saxe ? La question est sur toutes les lèvres après les violences d’extrême droite qui viennent de se dérouler dans la petite ville de Chemnitz au cœur de ce Land de l’ancienne RDA. Déclencheur de cette révolte : le meurtre d’un Allemand et l’arrestation de deux suspects d’origine irakienne et syrienne. Des sympathisants d’Extrême -Droite firent la chasse aux immigrés dans les rues de la ville pendant plusieurs heures. La police dépassée et en sous-nombre a eu du mal à réagir. Ces scènes choquantes ont été retransmises en boucle à la télévision et sur les réseaux sociaux. On y voit des manifestants brandissant des drapeaux allemands. Ils se sont donné pour mission de défendre l’identité de leur pays. Et on y voit aussi des hordes de jeunes néonazis faisant le salut hitlérien en pleine rue. Ces images ont été diffusées dans le monde entier et ont choqué le reste de l’Allemagne. Le porte-parole d’Angela Merkel intervient : « De tels rassemblements illégaux et de telles chasses ayant pour cible des gens d’apparence ou d’origine différente n’ont pas leur place dans notre pays. »

Meute

Ce n’est pas, loin de là, la première fois que la Saxe se distingue ainsi. Depuis l’unification, l’extrême droite a fait son nid dans cette région pourtant chargée d’histoire dont les capitales, Dresde et Leipzig, attirent chaque année des millions de touristes. C’est à Leipzig qu’est née, et c’est paradoxal, le mouvement citoyen qui finit par renverser le régime communiste d’Erich Honecker. Et, ironie du destin, c’est à Dresde qu’est né Pegida, vaste regroupement de citoyens en colère venus protester une fois par semaine contre la politique d’accueil des réfugiés d’Angela Merkel en 2005. On ne compte plus depuis les manifestations devant les foyers de réfugiés, les bousculades et les injures. En février 2016, un exemple parmi tant d’autres, la petite bourgade de Clausnitz fait la une de la presse nationale. Une meute de gens du cru en colère lance des insultes aux réfugiés qui se trouvent à bord d’un car.

Résultat : aux élections législatives de l’automne dernier, l’AfD, le nouveau parti populiste, arrive en première position en Saxe, doublant la CDU d’une nette coudée. Du jamais-vu en Allemagne. Non seulement un parti populiste et ouvertement xénophobe entre au Bundestag, mais il s’impose dans un des grands Länder. Le ministre président chrétien-démocrate Stanislaw Tillich démissionne. C’est un jeune loup de la CDU, Michael Kretschmer, 42 ans, qui le remplace au pied levé. Il promet un changement de culture politique dans la région et fait pression sur Angela Merkel pour qu’elle adopte une politique plus stricte vis-à-vis des réfugiés.

La police locale mise en cause

La Saxe n’est pas près pourtant de se défaire de la réputation sinistre qui lui colle à la peau. Quelques jours seulement avant les échauffourées de Chemnitz, un autre incident scandalise l’Allemagne. Cette fois-ci, c’est l’attitude de la police locale qui est mise en cause. Une équipe de journalistes de la télévision allemande filme un groupe de manifestants Pegida-AfD venus « accueillir » Angela Merkel en visite dans la ville ce jour-là. Un manifestant, bob aux couleurs de l’Allemagne enfoncé sur le crâne, se poste devant le caméraman et lui ordonne de cesser de le filmer. La police intervient, mais au lieu de protéger les journalistes pour qu’ils puissent faire leur travail, elle dresse un procès-verbal, relève l’identité des membres de l’équipe de tournage. Le chef de la police et Michael Kretschmer se rangent du côté des forces de l’ordre. La ministre de la Justice au niveau fédéral condamne, elle, cette situation inacceptable. Les violences de Chemnitz quelques jours plus tard s’inscrivent donc dans un contexte déjà extrêmement tendu.

Alors pourquoi une fois de plus la Saxe ? Les raisons sont complexes et il serait trop facile de faire de cette révolte populiste un phénomène purement est-allemand. Dans certaines communes de Bavière, l’AfD a enregistré des scores tout aussi importants. Il n’en reste pas moins que l’ex-RDA est un cas particulier. D’abord parce que cette moitié de l’Allemagne a subi au début des années 90 une mutation brutale et profonde. Du jour au lendemain, rien n’était plus comme avant. Des changements que certains, les plus vulnérables, ont vécus comme un traumatisme dont ils ont du mal à se remettre. Ensuite parce que dans les petites villes de l’Est, on n’avait pas, comme à l’Ouest, l’habitude de côtoyer des étrangers.

Ceux qui ne sont pas comme nous

Plusieurs enquêtes montrent que l’ignorance d’autres cultures, la peur diffuse de « ceux qui ne sont pas comme nous » expliquent en partie cette réaction agressive. Une crainte que viennent confirmer les difficultés de reconversion et d’adaptation de certains. Nombreux sont les Saxons qui après l’unification ont perdu leur emploi à vie. Les plus jeunes et les plus dynamiques ont tiré leur épingle du jeu : ils sont allés travailler à l’ouest. Ils ont refait leur vie dans la nouvelle Allemagne. Les autres cultivent leur haine et leur déception. Ces « paysages florissants » que promettait Helmut Kohl ne sont pas pour eux. Ils ont l’impression d’avoir été abandonnés. Ils se laissent séduire par les réponses faciles proposées par les partis d’extrême droite et les populistes en tout genre.

Source www.lepoint.fr

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