« Le golem finit par surmonter son créateur »

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De grands efforts sont déployés ces années-ci pour contrer l’impact d’Internet dans le public orthodoxe. Nous n’avons pas de doute tout le monde est au fait des problèmes posés par l’utilisation trop élargie d’Internet. Elle peut en conduire à un phénomène d’addiction, ou aux pires choses du monde. Nous pensons toutefois intéressant de rapporter dans nos colonnes les arguments présentés, ne serait-ce que pour savoir ce que disent les rabbanim qui se dressent à présent sur les barricades pour tenter d’entraver ce danger.

Un mot sur ce titre : « Le golem finit par prendre le dessus sur son créateur. » Il s’agit d’une expression hébraïque, résumant l’histoire du golem de Prague, finissant par surmonter son créateur, le Maharal de Prague, et par mettre en danger la communauté (nous admettons ici qu’il a existé).

Depuis que l’histoire existe, et tout au long de son déroulement, les golem créés par l’homme ont su renverser la vapeur et se retourner contre leurs fabricants – en général, avec l’aide de l’homme lui-même. Les résultats s’avèrent toujours catastrophiques.
Nos Sages disent déjà que le serpent originel était conçu pour devenir le serviteur fidèle de l’homme, mais ce dernier lui a permis de lever la tête, de devenir son conseiller et de le guider, au lieu de l’avoir comme aide à ses côtés.
Les païens se sont prosternés devant le soleil, la lune et les étoiles – ce qui les a amenés au même résultat : au lieu que ces astres le servent, et permettent à l’homme d’arriver à remplir son propre rôle, leur fonction a été reversée, et ils ont fini par fixer « eux-mêmes » (pour ainsi dire) les buts de l’homme !
Les exemples sont nombreux, tout autant que les années de l’humanité elle-même. On trouvera autant de golem que de créateurs de tels accessoires. L’agriculture, l’industrie, l’art, tous ont fini par cesser d’être des instruments entre les mains de l’homme, pour devenir des « valeurs » (la place manque ici pour démontrer ce principe). La démocratie elle-même, fondée pour promouvoir de précieuses valeurs, se transforme en système distillant des impératifs, au lieu de desservir des idéaux suprêmes. Là encore, le golem prend le dessus, et détruit tout ce qu’il peut y avoir de bien.
Les média modernes Les media modernes ont été fondés pour apporter une amélioration à l’accès des informations et à arriver le plus vite et facilement possible (physiquement ou intellectuellement) aux sites voulus.
Ceci était censé permettre de laisser du temps et de l’énergie pour le travail et les buts de la personne. Toutefois, de même que le serpent a cessé de remplir son rôle, de même que le soleil et la lune ont fini par ordonner des conduites (à leurs serviteurs païens), au lieu de se restreindre à leur fonction première, ces divers intermédiaires se sont avérés devenir des buts en soi – tout ceci étant vrai également pour les outils de communication modernes. Ils ne permettent plus à l’homme d’arriver à ses fins, mais viennent lui fixer des occupations.
Quand la personne s’asservit à l’« objet », elle perd sa personnalité. L’homme est dès lors renvoyé du Gan Eden, et après cela, d’Erets Israël. Il cesse d’être producteur. Il finit par constituer une sorte de marionnette, de personnage de théâtre géré par d’autres.

Plus grave encore, les media modernes, ce serpent d’aujourd’hui, ont atteint une puissance au-delà de tout ce que nous avons pu voir auparavant. Ce reptile a à sa disposition une puissance perverse inconnue jusqu’alors, remettant tout en question. Cette fois-ci, le combat concerne la maison elle-même, les yeux et les oreilles, le cœur et l’esprit – la personnalité tout entière.
Quand l’individu a perdu le contrôle (qu’il le sache ou non), il tombe sous le pouvoir de systèmes dominant ses sens et son esprit, non point selon les besoins qu’il s’est consciemment fixés, mais selon la volonté du « serpent ». Ces forces décident à sa place ce dont il a besoin, et ce qu’il est censé vouloir atteindre, effaçant son être, le privant de limite de temps et d’espace, l’asservissant partout et tout le temps.

Naguère, il fallait se rendre sur le territoire du serpent. Adam et ‘Hawa devaient tourner autour de l’arbre interdit ; les païens devaient se rendre dans les temples destinés au culte, et, pour la période moderne, les fauteurs se voyaient contraints de rejoindre des endroits de plaisir, à l’extérieur des murs de la cité des serviteurs de l’Eternel. Les éléments de sauvegarde que nous avions dressés autour de nous-mêmes, comme l’habillement juif traditionnel et distinct, l’apparence juive, etc., tout ceci pouvait servir de défense à qui le voulait bien. Fini ! De nos jours, l’individu peut se revêtir des huit habits du Kohen gadol, s’entourer d’une société orthodoxe et vivre dans une ambiance de ce genre, ne pas quitter les quatre coudées du ghetto, tout en se livrant corps et âme au serpent. Pour reprendre l’expression populaire : on n’a plus besoin de se rendre à la montagne, elle vient toute seule à nous… De même qu’on parlera de visite à domicile de médecins, de techniciens du froid ou d’installateurs, on pourra voir des visites du serpent originel, revêtu de son costume actuel…
Le serpent n’a pas besoin d’être un python birman de 12 mètres de long pour se révéler dangereux. Il s’adapte à la période. En nos temps de réduction des dimensions, il peut prendre un format de poche.

serpentSi, du temps de la Haskala, le serpent avait pris une forme cultivée et intelligente, tuant l’esprit avec l’adulation de la pensée, de nos jours, il tue l’esprit et l’intelligence ensemble. Depuis l’époque du paganisme le plus primitif, le serpent n’est jamais parvenu à nous dominer avec autant de puissance qu’aujourd’hui. Là, il fait chuter ceux qui le suivent à la plus grande bassesse humaine et intellectuelle. La frappe concerne tant le poids central de l’individu que celui de son discernement.
La lutte se situe à l’entrée de la maison, tant celle de la société que celle de chacun d’entre nous ! En effet, combien de foyers n’ont-ils pas déjà été détruits parce que l’un des membres de la famille a été happé par ces vagues sales ? Et, avec l’abandon de la personnalité profonde des individus, qui cessent d’être leurs propres dirigeants, ils deviennent les esclaves de leurs appareils.


Combien est triste le monde intérieur d’un homme qui est sans arrêt avide de communication en provenance du monde extérieur ! Il est fonction de ses instruments. Il doit savoir ce qui se passe, même si rien n’est arrivé… Et ce, même si le déclic entendu le surprend en pleine étude, au milieu de la prière, voire de la Chemona ‘Essré…
Ces gens, qui ne sont plus en mesure de rester avec eux-mêmes, se vident de leur contenu. Leur monde intérieur est gommé. Sans ces appels de l’extérieur, ils n’ont plus à quoi penser. Comme dit, ils se vident eux-mêmes de tout contenu, et donc, se mettent à en chercher dans le monde de l’imaginaire, s’engageant dans la mutation la plus avancée sur le plan technique du serpent originel – lequel se frotte les mains avec jouissance : « Celui-là, il est à moi ! »

De plus en plus de gens arrivent de nos jours à prendre conscience du besoin d’agir, d’éloigner le serpent moderne de notre portée, de nos cœurs, de notre entourage.

Par le rav Mordekhaï Neugrashel

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