Ils ont des yeux et ils ne veulent pas voir

Ils ont des yeux et ils ne veulent pas voir

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Par Michèle Mazel

A la barre des témoins les survivants des sanglants attentats de janvier 2015 viennent raconter ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont subi. D’autres parlent au nom de ceux qui ne sont plus là. C’est qu’il a fallu cinq ans pour faire enfin comparaitre devant les tribunaux les assassins encore en vie et en prison, leurs commanditaires et leurs complices.  Enfin ceux qui n’ont pas réussi à échapper aux mailles du filet comme certains qui coulent des jours paisibles au Moyen Orient. Somme toute, ce procès tant attendu jette une lumière crue sur la dissonance entre des victimes et leurs familles et des prévenus sans remords qui savent qu’ils ne risquent pas leur vie. Bref, difficile d’y voir un acte de dissuasion, si tardive qu’elle soit.

D’ailleurs il ne semble pas impressionner les terroristes d’aujourd’hui qui prétendent émuler les précédents. « L’organisation djihadiste al-Qaida aurait fait savoir que le raid meurtrier de janvier 2015 n’était pas un incident ponctuel  » écrit Le Figaro du mercredi 23 septembre, qui rend compte d’une édifiante histoire rendue publique par Le Point. « La directrice des ressources humaines de Charlie Hebdo, Marika Bret, a dû être exfiltrée de son domicile en raison d’une possible attaque. » Selon le quotidien, citant Le Point, elle n’a eu que dix minutes pour s’organiser. La menace viendrait d’Al Qaeda dont la branche yéménite a invité « Les musulmans de France, d’Europe et de l’extérieur » à poignarder les membres de Charlie. Mais rassurez-vous, mardi soir le Parquet national anti-terroriste n’avait pas encore été saisi : il aurait, selon Le Figaro « besoin d’éléments très concrets pour ouvrir une enquête ; mardi soir il était en demande d’informations. »

Laissons les experts poursuivre leurs investigations et arrêtons-nous sur les faits. Près de cinq ans après le massacre qui a décapité l’équipe de Charlie Hebdo perpétré par les frères Kouachi, les survivants du journal font toujours l’objet « d’une protection très lourde. »  Selon un spécialiste cité par Le Figaro : « Les responsables du service de protection à la personne ont mis en œuvre énormément de moyens pour les mettre à l’abri et éviter que le sang coule à nouveau. » Une protection apparemment insuffisante puisque Mme Bret se voit forcée de quitter son appartement en urgence et craint de ne pouvoir jamais y revenir. Etrange situation où les services de sécurité se voient dans l’incapacité d’assurer la sécurité d’une citoyenne française en danger au motif qu’elle est employée par un journal satirique qui bien que touché presque mortellement persiste à défendre la liberté d’expression. Plus étrange encore, c’est dans la rubrique « société » que l’on trouve ce que Le Figaro qualifie « d’inquiétant épisode. »

Tout de même, à l’initiative de Riss, directeur de la publication de « Charlie Hebdo », des représentants de journaux français se sont réunis pour débattre des menaces qui pèsent sur la liberté d’expression. Plus d’une centaine de médias ont signé et publié une « lettre ouverte à nos concitoyens ».

Il n’est pas sûr que Marika Bret en tire un grand réconfort.

@Michèle Mazel

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