La Shoah dans un musée de Dubaï répond aux propalestiniens

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A ceux qui attendent avec un appétit féroce la fin des accords d’Abraham, à ceux qui stupidement brandissent l’apartheid en Israël, à ceux qui soutiennent le Hamas qui assassine sa population, à tous ces idiots utiles qui moquaient Trump pour avoir entre autres dénoncé l’accord nucléaire qui a permis à l’Iran l’arme nucléaire et la guerre, voilà un cinglant démenti que la coexistence entre Juif et Arabes ne passe pas par la cause palestinienne et ne passera jamais par la destruction d’Israël ni par son retrait de sa terre ancestrale.

Un musée de Dubaï met à l’honneur les victimes de la Shoah, une initiative rare dans un pays arabe.

Une exposition, organisée par un musée privé et la communauté juive de la ville, aborde la tragédie via des destins personnels. Une initiative rare dans le monde arabe, où le rapport à la mémoire de la Shoah est complexe et sensible. Elle doit se comprendre dans le contexte du rapprochement avec Israël.

C’est une scène dont Alex Peterfreund se souviendra toute sa vie. Le 7 avril dernier, jour de la commémoration israélienne de l’Holocauste, ce diamantaire anversois installé à Dubaï récitait la prière des morts dans la cour d’un petit musée situé dans le quartier historique d’Al Shindagha. « J’ai raconté l’histoire de ma famille alors qu’on entendait le chant du muezzin au loin », s’émerveille-t-il. « Je ne trouve pas les mots pour traduire mon émotion. »

Jamais, lorsqu’il est venu s’installer dans la mégapole du Golfe en 2014, Alex n’aurait pu imaginer une telle scène. Même si la vie à Dubaï, pour ce Juif attaché aux traditions, s’est révélée beaucoup plus simple que ce que lui avait prédit sa mère, effrayée de le voir déménager dans un pays arabe. « Ici, je n’ai jamais eu de problèmes. Personne n’a jamais fait de commentaires sur la mezouza accrochée à la porte de mon bureau. » À son arrivée, l’homme d’affaires trouve rapidement une communauté d’expatriés qui, comme lui, cherche à entretenir une vie spirituelle et religieuse. Ils se réunissent le vendredi pour le Chabbath, discrètement, dans une villa privée. Un ami américain leur apporte une Tora, planquée dans un sac de golf.

Cet anonymat ne se prolonge pas très longtemps. En 2019, année que les Émirats placent sous le signe de la tolérance religieuse, avec la visite du pape François, le groupe formé par Alex Peterfreund et ses amis sort de l’ombre. Le premier chef rabbin des Émirats, Yehuda Sarna, est nommé en mars tandis que le gouvernement annonce, quelques mois plus tard, la construction d’une Maison de la famille abrahamique, qui réunira sur l’île de Saadiyat, à Abou Dabi, une église, une mosquée et une synagogue. À l’automne de cette même année, la communauté, qui s’est formalisée sous le nom de Jewish Council of the Emirates, offre une Tora en or à Mohammed ben Zayed, le prince héritier et homme fort de la fédération.

Une surprise diplomatique

Alex Peterfreund a vécu les accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations diplomatiques entre Israël et les Émirats, comme une surprise, même s’il sentait « qu’il se passait quelque chose, surtout après la tribune de Oteiba dans le Yediot Aharonot ». Le 12 juin 2020, l’ambassadeur des Émirats à Washington signait une tribune en hébreu dans ce quotidien israélien à grand tirage, pour mettre en garde les Israéliens contre le projet d’annexion du Jourdain et des territoires palestiniens en Cisjordanie, lequel pourrait compromettre le rapprochement entre les deux pays. « Après ça, mon téléphone n’a plus cessé de sonner. Je n’ai jamais eu autant de contacts avec les locaux », poursuit le diamantaire.

L’un d’entre eux est Ahmed al Mansouri, un quinquagénaire avenant qui a siégé au Conseil national fédéral du pays et qui travaille désormais comme consultant. C’est dans la cour de son Musée de la rencontre des civilisations, créé à partir de sa collection privée, que s’est tenue la cérémonie à la mémoire des victimes de la Shoah, en présence notamment du chef rabbin des Émirats. Cérémonie à laquelle Netanyahou a fait allusion dans son discours prononcé le même jour au mémorial de Yad Vashem.

« Nous voulons non seulement honorer les victimes, mais aussi rendre hommage aux Arabes qui se sont dressés contre les nazis », souligne ce descendant d’une famille de clercs locaux, qui se dit engagé en faveur du dialogue interreligieux. Ce soir-là, des mezouzoth sont dédiées au roi Mohammed V du Maroc (le grand-père de l’actuel souverain), à Si Kaddour Benghabrit, directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris de 1926 à 1954, et à Mohamed Helmy, un médecin égyptien qui a aidé des Juifs à se cacher à Berlin durant la guerre.

Prélude à l’exposition

La cérémonie est le prélude d’une exposition, qui se tient dans l’une des galeries de ce musée logé dans une vieille maison marchande typique. Les murs sont tapissés de photos et de témoignages, notamment celui d’Alex Peterfreund, qui raconte comment son père a réchappé de justesse aux campagnes d’extermination qui ont emporté près de 3 millions de Juifs en Pologne durant la Seconde Guerre mondiale.

« Je n’ai pas d’agenda caché. C’est mon initiative personnelle, c’est mon musée », tient à préciser Ahmed al Mansouri, qui a entendu parler de la tragédie pour la première fois alors qu’il était étudiant aux États-Unis, dans les années 90, et qu’on inaugurait à Washington l’Holocaust Memorial Museum.

« Les musées sont un lieu de diffusion de la connaissance, où l’on vient pour explorer l’Histoire. Ce qui me motive, c’est de faire quelque chose pour que ce type d’atrocités n’arrivent plus jamais », poursuit le consultant, qui dit avoir été effrayé à la vue de manifestants, l’année dernière aux États-Unis, arborant des t-shirts avec des messages pro-nazis. « Si cela arrive dans un des pays les plus avancés du monde au XXIe siècle, alors cela peut arriver n’importe où. »

« Beaucoup de gens de la région n’ont jamais entendu parler de la Shoah », souligne de son côté Alex Peterfreund. « Une activiste saoudienne me disait récemment : mais pourquoi est-ce la première fois que j’entends cette histoire ? Au XXIe siècle, c’est incroyable. Il y a beaucoup de travail à faire. »

Les Arabes et la Shoah : un sujet délicat

Décrire la relation des Arabes à la Shoah est un « labeur accablant » : voilà ce que Gilbert Achcar, professeur à l’Institut des études orientales et africaines de Londres (SOAS), écrit en préambule de son livre Les Arabes et la Shoah (Actes Sud, 2009). Manière de dire qu’on avance ici en terrain miné, et que les caricatures sont pléthore. Le cas du grand mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, qui a activement collaboré avec le IIIe Reich, a par exemple souvent servi de raccourci simpliste pour décrire un monde arabo-musulman sympathisant avec le nazisme.

Côté arabe, « le rapport à la tragédie juive est infiniment compliqué par sa relation avec le drame palestinien », relève Gilbert Achcar. La haine d’Israël a engendré son lot de discours négationnistes, décrivant l’Holocauste comme une mystification visant à justifier les abus contre les Palestiniens. Notons par exemple la réception très positive, dans la région, des écrits du révisionniste Roger Garaudy et de son ouvrage Les Mythes fondateurs de la politique israélienne (1995), qui a donné lieu à quantité d’articles et de commentaires sur le « mensonge sioniste » dans les journaux arabes.

Nombre d’intellectuels palestiniens et arabes ont dénoncé de telles postures, appelant au contraire à reconnaître l’existence de cette tragédie pour avancer dans la voie de la coexistence et de la reconnaissance des souffrances de part et d’autre. Tout en mettant en garde contre les tentatives d’instrumentalisation. Il y a quelques mois, ils étaient ainsi plusieurs à signer une tribune dans le Guardian pour s’inquiéter des manœuvres visant à assimiler toute critique d’Israël à de l’antisémitisme, en particulier à travers la définition qu’en donne l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste.

Israël, un « allié utile »

Au regard de cette histoire complexe où prévaut la « guerre des récits », l’organisation d’un événement commémorant l’Holocauste à Dubaï n’est pas anodine. Pour Hussein Ibish, du think tank Arab Gulf States Institute in Washington, cet événement doit se comprendre dans le contexte du repositionnement des pays du Golfe vis-à-vis d’Israël et de l’arrivée d’une nouvelle génération de leaders politiques, qui ne perçoivent plus le nationalisme israélien comme « pathologique ».

« Israël est vu comme un allié utile sur certaines questions – contrer les influences iraniennes et turques dans la région – même s’il reste problématique sur d’autres – les Palestiniens. » Le récent conflit à Gaza a d’ailleurs mis les Émirats arabes unis en difficulté, en questionnant l’impact que la normalisation pourrait avoir sur le règlement de la question palestinienne.

Hussein Ibish observe l’émergence, dans le Golfe, d’un discours mettant en évidence les racines profondes et la normalité de la présence de communautés juives dans la région, ce qui par extension « rend raisonnable l’existence de l’État israélien ». L’année dernière, l’Arabie saoudite a par exemple diffusé durant le ramadan une série sur la vie des Juifs au Koweït dans les années 1940. C’était la première fois qu’une production arabe s’attaquait à un tel sujet. Une autre série, diffusée en même temps, montrait quant à elle un personnage plaidant pour la normalisation avec Israël, ce qui n’a pas manqué de susciter la controverse.

« Une telle commémoration s’inscrit parfaitement dans l’agenda culturel et politique des Émirats », note également Hussein Ibish, qui rappelle la vision particulière de ce pays quant à la direction que devraient prendre les sociétés arabes et le Moyen-Orient. « Au lieu de parler de démocratie et de droits politiques, sujets qui ne reçoivent aucune attention, ils mettent l’accent sur la coexistence, la tolérance et le pluralisme. »

JForum et la Libre.Be

Photo : une menora à Doubaï !

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