La traversée de la Mer Rouge

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Autour de la table de Chabbath, n° 329 ‘Hol Hamo’èd Pessa’h

Illustration : la mer s’ouvre en 12 passages (Arouts 2000)

Le dernier jour de Pessa’h, vendredi prochain (samedi aussi en dehors d’Israël) est un jour chômé, c’est le 7ème jour de Pessa’h, « Chevi’i chel Pessa’h ». Dans la chronologie des évènements de la Sortie d’Egypte, c’est la traversée de la Mer Rouge. On sait tous que la mer s’est ouverte devant les Bené Israël. Ils l’ont traversée à pieds secs et sans encombre tandis que l’armée encore puissante de Pharaon a été engloutie par la mer qui s’est refermée sur eux après le passage des Bené Israël. C’est un très grand miracle que l’on fête d’année en année.

Soit dit en passant, on poussera nos lecteurs à ouvrir les livres parlant des merveilles de cette traversée. Les Sages dans le Midrach enseignent qu’il y a eu dix miracles en plus du fait que la mer se soit ouverte ! Par exemple la mer s’est fendue en 12 couloirs, un pour chaque tribu ! Le fond de la mer était comme dallé afin que les pieds ne s’enfoncent pas dans la boue ou encore lors de la traversée, chaque tribu pouvait voir directement les tribus voisines qui traversaient au même moment car les parois d’eaux qui séparaient les tribus étaient translucides ! Un vrai conte féérique mais bien réel !

Pour les besoins de notre feuillet on s’attardera sur le Talmud connu qui met en parallèle deux choses avec ce grand miracle. La Guemara dans Sota 2, énonce : « Difficile le zivoug (la formation du couple) de l’homme comme fut la traversée de la Mer Rouge ». Ensuite, dans Pessa’im 118, « Difficile est la parnassa/subsistance de l’homme comme la traversée de la Mer Rouge ». Des commentateurs (Rachi dans Sota, Alchikh hakadoch à la fin de la Parachath Bo) expliquent que la difficulté exprimée par les Sages se rapporte à Hachem. Il existe donc deux domaines dans lesquels Hachem a une difficulté : former les couples du Clall Israël et donner la subsistance.

Notre question sera des plus simples : comment dire que Hachem, le Créateur, en 6 jours, des cieux et de la terre, éprouve une quelconque difficulté ? Qu’est-ce qui est difficile pour Lui ? Voilà que lors des dix plaies d’Egypte, Hachem a montré une domination totale sur toutes les forces du monde, depuis la vermine jusqu’aux astres du cosmos (durant les 7 jours d’obscurité totale !) ? Notre développement sera tiré du livre Netivath Da’ath section Bechala’h éd Oz Véadar. Le Alchikh explique qu’au moment de la traversée de la mer, l’ange de l’Egypte dans le ciel réclamait à Hachem qu’Il fasse la stricte justice ! Voilà que les Bené Israël COMME les égyptiens étaient idolâtres. Les 210 ans d’esclavage ont entrainé qu’une partie du Clall Israël s’est adonné à l’idolâtrie. L’accusation était très forte au moment du grand danger ! Il a donc fallut une grande dose de Miséricorde divine afin de dépasser l’accusation des anges ! (Voir le fameux Or Ha’haim dans Bechala’h, rapporté dans notre feuillet sur Bechala’h, qui explique que la miséricorde divine est intervenue au moment où les Bené Israël ont été prêt à se sacrifier en rentrant dans l’eau et ont placé leur délivrance UNIQUEMENT dans les mains de Hachem !). C’était la grande difficulté de l’évènement !

Pour la subsistance de l’homme, on sait que Hachem nourrit Son grand monde ! Depuis les mouches jusqu’aux hommes, et ce, TOUS LES JOURS ! Il n’y a pas un jour où le blé n’est pas arrivé à maturité, ou que la vache n’a pas donné de son lait. MERVEILLE DE LA NATURE ! Tout cela, afin que le monde perdure. C’est la volonté du Créateur ! Or, dans cette grande humanité, il existe beaucoup de gens qui font preuve d’un niveau de perfection très bas dans leur conduite et leurs actions. Et pourtant, Hachem leur donne aussi à manger TOUS LES JOURS ! C’est un vrai miracle, car au niveau de la justice, Hachem pourrait ne pas leur donner la subsistance ! Là encore Hachem va au-delà de la stricte justice et donne la subsistance bien que l’homme n’a pas de mérite ! C’est là aussi la difficulté de Hachem !

Dans ce même ordre d’idée on sait que le monde est régi par un système écologique fantastique qui permet que chaque espèce animale et végétale est régulée, ce qu’on appelle l’ECO-SYSTEME. Chaque espèce est une pièce dans le grand puzzle du monde qui organise un grand équilibre.

Pour le genre humain, c’est différent. L’être humain, qui est pleins de tensions et d’envies, est toujours à l’affut du toujours plus ! Or, Hachem fixe depuis Roch Hachana la parnassa de chacun ! Donc lorsqu’en cours d’année, un quidam aura une politique agressive ou rusera sur le dos de son voisin, et finalement gagnera de l’argent sur son concurrent. Il faudra que Hachem réajuste les flux de la parnassa et ‘récupère’ l’argent perdu qui était octroyé depuis Roch Hachana au volé ! D’un autre côté, le rusé devra nécessairement écoper par ailleurs d’une perte ! En cela il existe une difficulté.

Pour le zivoug, la formation du couple de l’homme, la Guemara dans Sota 2 explique qu’il existe deux sortes de couples. Le premier, c’est celui fixé à la création de l’embryon dans le ventre de sa mère, une voix céleste proclame dans le ciel : « La fille d’un tel est promise pour untel ! » Sur cette catégorie de couple, le Talmud dit qu’il n’existe pas de difficulté à les réunir ! Tandis qu’il existe un deuxième groupe, ce qu’on appelle zivoug chéni, rien n’est fixé dans le ciel, les couples sont formés suivant leurs actions. Ce n’est pas la voix céleste qui les prédestine l’un à l’autre, mais c’est par le mérite de leurs actions que le couple se forme. Sur cette dernière catégorie, il est dit : « Difficile est leur mariage (vis-à-vis de Hachem) comme la traversée de la mer Rouge ! » On réfléchira ensemble sur les difficultés rencontrées par ce genre de couple. Une explication est qu’il est IMPOSSIBLE d’avoir un couple dont le mari et la femme ont le même niveau de droiture et d’engagement ! Forcément, il existe toujours un qui est plus élevé ou tsadik que le second ! Et pourtant Hachem va les réunir et automatiquement l’un devra perdre un peu de son avance pour assurer au second une possibilité de cohabitation ! Là encore la stricte justice réclame devant Hachem que chaque personne se marie avec un conjoint qui ait exactement le même niveau de droiture. C’est la difficulté de Hachem ! Et en fait, le Créateur a trouvé une raison suffisante pour réunir ces deux âmes (par exemple de bons enfants naîtront mais au niveau des traits de caractères, chacun aura besoin de l’autre pour se parfaire !).

On finira par une note de sourire sur une petite anecdote d’un élève (rav) du rav Wolbe zatsal. Ce rav s’occupait de faire régner le Chalom, la paix dans les ménages. Une fois, il a eu un cas très difficile. Celui d’une jeune dame anglaise, qui après avoir fait un passage à Jérusalem décida de se marier avec un Yeroushalmi (un jeune homme habitant Méa Chéarim capitale éternelle du Clall Israël…). Après le chidoukh et la période fantastique du mariage voilà que le couple a de grandes, de très grandes difficultés à s’entendre l’un avec l’autre ! Les mentalités sont aux antipodes. Le mari avec le tchoulent et la manière de vivre à Jérusalem, tandis que la jeune anglaise avec la politesse toute british, of course ! La situation empirait jusqu’à ce que le rav décide d’aller voir le Steipler (le père de rabbi ‘Haim Kaniévski zatsal) pour qu’il donne son avis. Le tsadik de Bené Brak trancha qu’en aucune manière ils ne doivent divorcer ! Le guet n’est pas la solution. Il faut tout faire pour que règne la paix dans ce couple ! Avec ces paroles, le jeune rav revint voir ce couple, mais rien n’y faisait… Donc il décida de se retirer de l’affaire. Plusieurs années plus tard, voilà que lors d’un de ses déplacements à l’étranger, ce rav se retrouve invité par une famille londonienne. Le père de famille est assis sur un vaste fauteuil dans le pur style british, tandis que la maitresse de maison dévouée amène une tasse de thé et des petits gâteaux à son mari… Tout cela dans le plus grand calme et la sérénité, un vrai Chalom Bait ! Et voilà que notre rav demande à ses hôtes: « Dites-moi, habitiez-vous il y a quelques temps à Jérusalem ? Le mari répondit ‘of course!’ c’est même de nous que tu t’es occupé ! » Fin de l’anecdote.

Comme quoi, pour trouver le Chalom, il a fallu, dans ce cas, que l’homme se plie au style de vie de sa femme. Et avec l’aide du Ciel ils ont pu refaire leur vie en Angleterre. Les deux ont pu trouver le Gan Eden à côté de la Tamise !

Que fait-on avec le ‘hamets que l’on voit dans la rue (pour nos érudits et ceux qui veulent le devenir)?

On sait tous qu’il existe un interdit de posséder du ‘Hamets durant ces 7 jours de fête. Qu’elle sera le cas si l’on voit dans la cour de l’immeuble ou du parking collectif un paquet de gâteaux ‘hamets ? Avons-nous droit de le prendre pour le jeter dans la poubelle ? La question est précisément durant jour de semi fête, car à Yom Tov le ‘hamets est mouktsé (interdit de déplacer). Pour répondre à la question il faut introduire plusieurs notions:

1° L’interdiction de posséder du ‘hamets à Pessa’h concerne uniquement NOTRE ‘hamets ainsi que le ‘hamets dont on a une RESPONSABILITE. Par exemple dans le cas où l’on garde le sandwich d’un ouvrier « gentil » dans notre réfrigérateur. Puisqu’on a un certain niveau de responsabilité (dans le cas de perte) cela entrainera qu’on transgresse l’interdit de posséder du ‘hamets à Pessa’h !(voir Choul’han ‘Aroukh 440.1).

2° Le h’amets qui n’a pas de propriétaire, comme le ‘hamets héfker ou encore celui d’un non-juif dont on n’a AUCUNE RESPONSABILITE: il n’y a pas d’interdit.

3° Même dans le cas où l’on n’a pas de responsabilité, mais s’il se trouve dans notre maison, on devra faire attention de le placer hors d’accès (afin de ne pas venir à en manger).

Revenons à notre sujet. Le’hamets qui se trouve dans la cour d’un immeuble, comme il n’y a pas de propriétaire, il n’existe pas d’interdit, même si toute la cour appartient à des gens de la communauté ! En effet, le ‘hamets qui a été jeté dans la cour n’a plus de propriétaire ! Seulement, lorsque l’on viendra à soulever le ‘hamets pour le déplacer dans un lieu où personne ne viendra à en manger, il existe un problème de taille, c’est que le soulever du sol est assimilé à une ACQUISITION! (ce qu’on appelle hagbaah) Et si nos érudits nous rétorquent que pour acquérir un objet il faut obligatoirement avoir l’intention explicite de l’acquérir, dans notre cas il n’y a pas cette intention ! Le Rivach (grand rav d’Algérie, rabbi Yitshak Ben Chéchet zatsal) pense autrement. Tout le temps où la personne ne dit pas ou ne pense pas explicitement qu’elle ne veut PAS acquérir le h’amets, alors d’une manière automatique le fait de le soulever rentre dans l’interdiction d’être propriétaire du ‘hamets à Pessa’h! (voir Bi’our Halakha 446.1)

Et même dans le cas, peu probable, où l’on décide de ne pas ACQUERIR le ‘hamets, il reste qu’il existe un interdit, des Sages, de ne PAS TOUCHER DU ‘HAMETS ! Ce n’est que dans le cas où l’on voit son propre ‘hamets durant ‘Hol Hamo’éd qu’on a le droit de vite le prendre en main pour sortir de chez soi et le brûler ! Or dans le cas qui nous occupe, celui d’un paquet de gâteau qui se trouve dehors, il n’existe pas de mitsva de le brûler, uniquement la crainte que des gens viennent à en manger, puisqu’à Pessa’h d’une manière générale tout le monde fait bien attention de ne pas consommer des choses sans surveillance. On ne pourra donc pas le prendre dans la main.

En conclusion, on pourra uniquement le déplacer avec son pied (il n’y a pas d’acquisition) ou le recouvrir afin d’éviter que des jeunes enfants viennent à en manger. Dans tous les cas il faudra bien avertir nos chères petites têtes blondes ou brunes de ne pas toucher et encore moins de manger quoique ce soit qui se trouve dans la cour des immeubles. (Pour tous ceux qui veulent plus de précisions voir livre Bedikat ‘hamets vebi’our 1.26)

Pessa’h cacher ve-saméa’h, à la semaine prochaine si D’ le veut.

David Gold

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