Réponse à Shmuel Trigano sur « La judiciarisation de la vie collective »

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Israel, Jerusalem mountains, Nabi Samuel on Mount Shmuel

Ilustration : la tombe de Chemouel hanavi

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Shmuel Trigano : Le spectacle que donne la démocratie dans les pays occidentaux a profondément changé. Aux joutes idéologiques opposant des théories globales sur le bon système politique et économique, ont fait suite « les affaires ». Il n’est question que de corruption, de malversation, d’abus et de harcèlement sexuels… C’est la part la plus importante des journaux télévisés. Juges, avocats – et « journalistes » – sont devenus les acteurs les plus prépondérants de la place publique. En un mot la judiciarisation de la vie quotidienne, et sans doute de la politique, est devenue évidente. La chose est vraie en Israël bien plus qu’ailleurs.

Est-ce un bien ? Plus de justice ? Il faut le dire clairement : « non ». C’est le signe d’un trouble fondamental dans la vie collective. En effet, le politique comme le social ne peuvent se réduire à la justice en tant qu’instance et pouvoir, pour deux raisons. D’abord, le juge ne maîtrise pas la fixation des valeurs desquelles il tire des normes pour les mettre en œuvre dans ses jugements : il est dépendant d’un pouvoir symbolique extérieur à lui même. En démocratie, c’est le parlement qui l’incarne mais cela peut être aussi une source religieuse, une idéologie, etc. Le pouvoir symbolique est toujours quasi-religieux. Ensuite, le pouvoir judiciaire, de par sa nature, n’a pas de mains »: il dépend du pouvoir politique pour exister comme réseau de tribunaux et faire appliquer ses jugements. Ces deux limitations sont en question aujourd’hui : les juges ont tendance à croire qu’ils peuvent s’auto-instituer comme pouvoir autonome et « universel », incarnant les valeurs, une propension allant de pair avec l’idée de l’abstraction absolue du droit et de l’existence d’une « communauté internationale » qui aurait pris la suite des communautés nationales, alors que le droit est par définition inséparable de la longue histoire d’un peuple spécifique et indissociable de sa culture.

Mais c’est la dimension spirituelle autant que politique de cet état de fait qu’il faut aussi souligner. La situation décrite fait exactement penser au début du Livre de Ruth qui s’ouvre sur  une expression très ambivalente. « Vayehi biymé shfot hashoftim » se lit : « c’était au temps du jugement des juges », c’est-à-dire « lorsque les juges jugeaient » mais aussi : « au temps où les juges étaient jugés », un temps marqué par la famine et les malheurs qui frappent Beth-Le’hem et qui pousse la famille du juge Eliezer (sic ! Elimélekh) à émigrer en quête de subsistance. C’est à cette occasion que Ruth se manifestera. Le rapport que fait le récit entre la pénurie ravageuse provoquée par l’excès de loi et l’histoire qui conduira à la naissance de la royauté, en la personne de David, dont Ruth, « mère de la royauté » est l’ancêtre, montre que la condition de la vie collective émarge à la royauté souveraine plus qu’au régime des Juges.

 

Notre réponse : Elimélekh a quitté le pays pour des raisons simples : il y avait une famine, et cet homme riche a donné la préférence à une yerida, plutôt que de rester à prendre son mal en patience avec ses frères juifs. Il le paiera très cher : sa propre mort, puis celle de ses deux fils, mariés de surcroit avec des non-juives…

En cela, on peut effectivement lier l’actualité à cette histoire : les gens ont perdu tout idéal, et ne fonctionnent que de manière personnelle, selon leurs intérêts, ou selon leurs visions politiques. Concevant qu’ils ont du pouvoir, tant les juges que les journalistes foncent à tombeau ouvert à obtenir ce qu’ils trouvent être le mieux pour le peuple : le libérer de la pratique religieuse et des conceptions militantes, pour ce qui est des juges en Israël, dont l’idéologie d’extrême-gauche libérale n’est plus à prouver, ou alors, pour les journalistes, de tout faire pour faire tomber cet homme de droite réussi qu’est Netaniahou au profit de n’importe qui, afin d’enfin faire la paix avec nos ennemis, qui n’attendent que cela pour détruire définitivement l’Etat d’Israël qui les dérange et renvoyer les Juifs à la mer…

Mais c’est un phénomène que l’on trouve ailleurs aussi, ainsi que les attaques suivies qui sont portées contre Trump le prouvent : les journalistes font tout, aux USA également, pour arriver à leur but, rétablir un pouvoir de gauche, faible et accommodant.

Mais ce n’est pas la démocratie qui a changé, ce sont les gens qui ont abandonné leurs idéaux, tels qu’informer objectivement ou faire passer leurs idées généreuses, et se sont mis à vouloir agir sur l’opinion publique pour faire passer leurs positions – celles d’une gauche libérale, post-sioniste, voire anti-sioniste, et en tout cas anti-juive, en un mot, décadente.

La référence, enfin, au passage du régime des juges à celui d’une royauté telle que celle du roi David demande réflexion : la seule réelle qualité de la royauté, dont la demande faite par le peuple juif du temps du prophète Chemouel a fait l’objet d’une critique très sévère, est l’unification du peuple autour d’une personne, alors qu’auparavant « chacun faisait comme bien lui semblait ». Mais la royauté ne pouvait apporter une solution valable que tant que le roi se soumettait à la Tora et au Créateur, ce qui a été le cas du roi David, ou à peu près. Après cela, cela a été la catastrophe… Est-ce donc un régime à souhaiter ? Avec le Machia’h, oui, mais sinon…

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