Le Liban est secoué par une affaire d’espionnage aux répercussions explosives. Mohammad Saleh, chanteur religieux réputé pour sa proximité avec le Hezbollah, a été arrêté et accusé de collaboration avec le Mossad israélien. L’affaire, rendue publique il y a quelques jours, a provoqué une onde de choc au sein du mouvement chiite, remettant en question son image de forteresse impénétrable.
Les autorités judiciaires libanaises poursuivent leur enquête, centrée sur le rôle de Saleh dans la transmission d’informations sensibles aux services de renseignement israéliens. Les premières révélations font état d’aveux du suspect, qui aurait reconnu avoir entretenu des contacts directs avec le Mossad et reçu des paiements importants – notamment en bitcoins – pour ses services. Parmi les données transmises figureraient des renseignements sur les hauts cadres du Hezbollah, leurs positions, leurs déplacements et même les plans opérationnels du groupe dans le sud du Liban.
D’après les enquêteurs, ces fuites auraient conduit à l’élimination ciblée de plusieurs membres du Hezbollah, dont le haut responsable Hassan Bader et son fils Ali. Cette implication directe dans des pertes humaines aggrave encore la gravité des accusations pesant sur Saleh. Les appareils électroniques saisis sont actuellement en cours d’examen, les autorités espérant y retrouver d’autres éléments de preuve.
Mais cette affaire n’est pas un cas isolé. Le parquet libanais indique que des dizaines de détenus sont actuellement poursuivis pour des faits similaires de collaboration avec Israël. Ce qui surprend, c’est qu’aucune organisation centralisée n’a été mise au jour : les services israéliens auraient recruté ces individus séparément, en ciblant des profils variés, souvent vulnérables financièrement ou peu attachés idéologiquement aux causes qu’ils servaient.
Une infiltration facilitée par la crise
Pour Majid Matar, analyste politique libanais, la principale faille dans les rangs du Hezbollah réside dans la fragilité économique du pays. Il explique que l’organisation, longtemps considérée comme l’un des rares employeurs fiables au Liban, a dû recruter davantage pour maintenir sa présence militaire, notamment dans le sud. Cette politique de recrutement massif aurait permis l’entrée d’individus moins engagés, et donc plus susceptibles de se laisser corrompre.
Une image ternie pour le Hezbollah
L’inculpation de Mohammad Saleh a provoqué une vive réaction sur les réseaux sociaux, en particulier parmi les partisans du Hezbollah. Le choc est d’autant plus fort que le parti chiite a souvent affirmé qu’il était à l’abri de toute infiltration, accusant régulièrement ses adversaires de collusion avec l’ennemi israélien. Cette posture publique se retrouve aujourd’hui fragilisée par la réalité d’une infiltration intérieure.
Des vidéos et commentaires publiés ces derniers jours par des sympathisants montrent une profonde déception, mêlée à un sentiment de trahison. Pour beaucoup, la chute de Saleh – figure publique respectée dans les milieux religieux liés au Hezbollah – est le signe d’une vulnérabilité plus large.
L’enquête sur Mohammad Saleh pourrait ne représenter que la partie émergée de l’iceberg. Les investigations en cours sur d’autres cas similaires laissent penser qu’Israël a pu établir un réseau d’informateurs disséminés, sans lien direct entre eux, rendant leur détection plus difficile. Le parquet libanais entend intensifier les interrogatoires et analyses techniques pour mieux cerner l’ampleur du phénomène.
Cette affaire met en lumière la complexité des luttes d’influence dans un Liban politiquement fragmenté. Elle démontre que la guerre de l’ombre menée entre Israël et ses adversaires se joue aussi sur le terrain psychologique et économique, bien au-delà des champs de bataille traditionnels.
Jforum.fr